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Introduction au Droit des sociétés


Section 1 : La notion de société.

La société est un acte juridique. Pour les auteurs, il s’agit en général d’un contrat par lequel des associés mettent en commun des biens pour les exploiter à leurs profits et risques. Il s’agit alors du contrat constitutif. Mais c’est aussi une personne morale que peut faire naître cet acte juridique.
§1 : Les définitions légales successives.

A/ La version originelle : l’article 1832 du code napoléon de 1804.

La société a pour but de produire une valeur économique et d’en organiser le partage entre les associés.

A l’origine la mise en commun des moyens supposait une indivision : tous les associés étaient copropriétaires des apports et donc de ce qu’ils ont permis de récolter. Le progrès décisif viendra de Req. 23/2/1891 qui admet qu’un associé ne peut pas garantir ses propres créanciers avec un bien qui appartient à la personne morale : les biens récoltés deviennent ceux de la personne morale. Si la société est créancière d’un tiers, lui même créancier d’un associé, il ne pourra pas invoquer la compensation.

B/ La loi du 4/1/1978.

Le but d’une société peut désormais aussi être la réalisation d’une économie tant qu’elle est destinée à profiter à ses membres. Cette innovation rapproche la société et l’association.

C/ La loi du 11/7/1985.

Une personne morale peut affecter tout ou partie de ses biens pour constituer une société commerciale. Le but est la création de sociétés unipersonnelles. Il s’agit d’une dérogation à la règle fondamentale de l’unité du patrimoine (l’ensemble du patrimoine d’une personne juridique doit répondre de ses dettes).

En 1985, il y avait deux cas de sociétés unipersonnelles : l’EURL et l’Entreprise Agricole à Responsabilité Limitée. Mais depuis le 23/6/1999, il est possible de faire une société d’exercice libérale unipersonnelle, et depuis le 12/7/1999 il en est de même pour les sociétés par action simplifiée.
§2 : La société et l’association.

Dans l’esprit originel, la société est un groupement axé vers la recherche et le partage d’un profit. L’association est un groupement dans tout but autre que le partage de bénéfice (culturel, philosophique, social, sportif,…) : elle cherche à satisfaire les besoins du cercle de personnes auquel elle s’adresse.

A/ L’ancienne ligne de démarcation.

Avant 1978, l’art. 1832 du code civil caractérisait la société par la recherche et le partage d’un bénéfice résultant de l’activité commune de la société. La loi de 1901 sur les associations (jamais modifiée) les définit comme des groupements de personnes dont le but peut être tout sauf le partage de bénéfice.

La jurisprudence avait retenu une conception stricte de la notion de bénéfice : Ch. Réunies, 11/3/1914 Caisse rurale des Manigods, avait estimé que « les adhérents avaient voulu constituer une association car ils n’avaient pas augmenté leurs revenus mais évitaient des charges supplémentaires ». Or le bénéfice est un solde qui peut être augmenté en réduisant les charges. Cette jurisprudence a tenu jusqu’à la loi de 1978.

B/ L’évolution du rôle de l’association.

Les associations se développent aujourd’hui dans le domaine économique (domaines social et quasi commercial : coopérative), et exercent désormais des métiers jusqu’alors réservés aux commerçants (agences de tourisme, cliniques, exploitation de radios locales,…). Elles sont présentées comme des entreprises commerciales à plusieurs égards : elles réalisent des actes de commerce, fournissent des prestations à des tiers (non adhérents), ont recours à des méthodes et pratiques commerciales telles que la publicité, ont des modes de financement similaires à des entreprises commerciales.

Après une longue hésitation, le droit positif admet aujourd’hui qu’une association puisse rechercher des profits à condition de ne pas les partager entre ses membres. Cette ambiguïté a entraîné des abus, les associations étant moins pénalisées fiscalement. Pourtant, le fait de ne pas être commerçant a aussi des inconvénients. Ainsi, une association ne peut pas donner son fonds de commerce en location gérance, ni bénéficier du statut protecteur du preneur (décret de 1963 sur les baux commerciaux). Cette solution évoluera sans doute encore, car des contradictions subsistent : la jurisprudence admet qu’une association puisse créer une autre personne morale pour gérer une activité commerciale.

Section 2 : La nature juridique des sociétés.
§1 : Contrat ou institution ?

Si la société est un contrat, tout ce qui n’est pas expressément interdit par la loi impérative est permis. L’autonomie de la volonté ne cède que devant l’ordre public. L’intention commune des parties prévaut.

Si la société est une institution, la recherche de l’intention commune des parties a peu d’importance : on recherche la solution dans le « principe supérieur d’organisation de la morale ».

A/ Conception contractuelle de la société.

Elle a longtemps prévalue (Domat, Pothier, …), et explique historiquement la société. Elle ressort de certains indices : la liberté contractuelle de chacun d’entrer dans la société, de déterminer le contenu du contrat de société (indice devenu mineur en raison des règles impératives).

Elle explique aussi que l’art. 1844 du code civil permette d’annuler une société s’il survient une cause de nullité des contrats ; de même que l’article 360 de la loi du 24/7/1966 qui autorise le juge à prononcer la nullité quand une disposition méconnaît les règles régissant la nullité du contrat.

Þ La société est tout de même le moins contractuel des contrats : le contrat de société met en place une organisation dans l’intérêt commun de ses membres, et non pas un échange de prestations. Si le contrat est bien le document fondateur de la société, il peut être modifié. Les statuts doivent être considérés comme un contrat régissant les associés entre eux, et sous le rapport existant entre la société et ses associés.

B/ Conception institutionnelle de la société.

La société n’est pas un contrat car elle est un acte multilatéral voire unilatéral ; la loi est toute puissante dans le domaine des sociétés : elle impose des formes de constitution, définit les organes sociaux, leur donne des pouvoirs,… ; les statuts d’une société peuvent être défait à la règle de la majorité et non pas de l’unanimité, comme pour un contrat (mutuus dissensus) ; le droit des sociétés permet à la volonté individuelle de créer un être moral, alors que la loi impose une immatriculation.

Un fort courant doctrinal (Auriou,…) prône donc une conception institutionnelle : l’institution est alors l’acceptation, par un groupe de personnes ou la majorité de celles-ci, d’une certaine organisation sociale en vue de la poursuite d’un intérêt commun. Les associés sont subordonnés à une finalité collective.

Þ L’institution n’est pas assez précise ni générale pour expliquer l’origine de la société. Le contrat n’a plus une vertu explicative suffisante (liberté contractuelle trop réduite en droit des sociétés). Pour la plupart des auteurs, deux types contractuels et institutionnels cohabitent dans la société. Cette synthèse est d’ailleurs effectuée par l’art. 1382 al.1 du code civil : » la société est instituée […] qui conviennent par un contrat ». En fait, l’analyse contractuelle prédomine quand la société n’est pas encore immatriculée (pas encore de personnalité civile), et la théorie institutionnelle prend le relais après l’immatriculation.
§2 : La société et l’entreprise.

A/ La distinction des notions.

Le droit positif ne définit pas la notion d’entreprise. Dans l’opinion commune, il s’agit de l’exercice d’une activité économique à fin lucrative.

La société est une notion légale (art. 1832 du code civil) et le cadre d’accueil de biens mis en commun par les associés. Elle existe et ne peut fonctionner que grâce aux apports des associés qui acceptent par avance les risques : ils participent aux profits et pertes, et peuvent avoir chacun une conception sur les opportunités de l’action sociale = ils ont comme intérêt commun la réalisation du plus grand profit possible, dont dépend leur enrichissement (rentabilité des parts d’associés, espérance de plus-value,…). La société ne peut pas être au service d’un intérêt distinct de celui des associés. L’Ecole de Rennes estime que la société doit prendre en compte d’autres intérêts que ceux de ses associés.

B/ Confusion des deux notions.

La société est le cadre d’accueil de l’entreprise (réalité économique et sociale), et lui permet d’accéder à la vie juridique.

L’entreprise aurait un intérêt propre résidant dans la prospérité et la continuité de son fonctionnement. Cet intérêt très général transcende l’intérêt particulier des associés et pourrait même s’y opposer dès lors qu’ils se désintéresseraient de la gestion pour des perspectives de plus-values à court terme.

La conception rennaise rejoint l’analyse institutionnelle, mais est très contestable. L’entreprise est une notion trop vague pour servir de définition à la société : une personne physique peut être une entreprise au même titre qu’une personne morale, qui n’est pas forcément une entreprise.
Section 3 : Les différents types de sociétés.

Une société doit obligatoirement adopter une des formes prévues par la loi.
§1 : La présence de la personnalité juridique.

Ni le code civil de1804, ni le code de commerce de 1807 n’avaient expressément posé le principe de la personnalité morale des sociétés : le code civil l’admet implicitement au travers de l’article 525.

N’ont pas de personnalité morale : – la société en participation : les associés se contentent d’un contrat, sans conférer de personnalité juridique. Cette forme de société est courante en droit des affaires.

– la société créée de fait : les personnes ont agi comme des associés.
§2 : Le caractère de la société.

· Les sociétés commerciales peuvent l’être par la forme (SNC, société en commandite par action, SARL, SA, SAS) ou par leur objet (société en participation ou société créée de fait, mais ayant une activité commerciale). Elles sont régies par la loi du 24/7/1966 et par quelques règles semblables au droit commun des sociétés contenues dans le code civil.

· Les sociétés civiles sont toutes les sociétés non commerciales. Cette catégorie résiduelle est soumise aux dispositions du code civil et à quelques dispositions spéciales éventuellement applicables aux types de sociétés considérés (activité agricole, gestion de portefeuilles,…)

Þ Les associés d’une société commerciale sont soumis à une responsabilité limitée (SA, SAS, SARL) ou illimitée et solidaire (SNC, société en commandite). Ceux d’une société civile sont soumis à une responsabilité illimitée mais conjointe.
§3 : La société à responsabilité illimitée.

Son crédit repose sur l’étendue de son patrimoine, mais aussi sur le patrimoine personnel des associés, indéfiniment responsables du passif social à l’égard des créanciers.

Il peut s’agir de sociétés commerciales par la forme (SNC, société en commandite simple), de sociétés civiles, ou de sociétés non personnifiées (sans personnalité juridique).

La responsabilité illimitée est : – solidaire pour les sociétés commerciales : les créanciers sociaux pourront demander à un associé de payer l’intégralité de la dette, sans devoir préalablement poursuivre la société.

– conjointe pour les sociétés civiles : l’associé est protégé par le bénéfice de discussion (le créancier doit d’abord poursuivre la société), et par le bénéfice de division (l’associé ne paye la dette sociale qu’en proportion du capital qu’il détient).

Þ Chaque associé doit pouvoir faire confiance aux coassociés : il faut donc l’accord de tous pour une cession des parts de la société. En cas de décès d’un associé ou dans une hypothèse d’incapacité d’un associé, la société est en principe dissoute (déséquilibre dans les engagements)

Des sociétés à responsabilité limitée ont donc été inventées : les droits des créanciers ne portent que sur le patrimoine social, et pas sur la fortune personnelle des associés. Ce sont essentiellement certaines sociétés commerciales : SA (actionnaires), SARL et commandite par action (seulement pour le commanditaire). En cas de défaillance de la société, chaque associé ne risque que la perte de son apport. Ce dispositif est fait pour attirer les épargnants vers les sociétés. Mais, dans la pratique, les créanciers ont pris l’habitude d’obtenir la garantie personnelle des principaux associés, par un cautionnement simple, ou plus souvent solidaire, une hypothèque sur certains biens personnels des dirigeants.
§4 : Les sociétés de personnes et de capitaux.

A/ Les sociétés de personne.

La personnalité et la fortune des associés importent autant ou plus que les apports mis en commun lors de la constitution de la société : elles sont basées sur l’intuitus personae. Il s’agit des SNC, sociétés en commandite simple et des sociétés civiles. Les associés se regroupent car ils se connaissent, se font confiance et s’apprécient mutuellement. Les tiers savent que le capital n’apporte pas à lui seul les garanties suffisantes : quand ils traitent avec une SNC, ce n’est pas en considération d’éléments patrimoniaux mais pour les qualités personnelles attachées aux dirigeants et principaux associés.

Certains droits étrangers, convaincu de la prééminence des qualités personnelles des dirigeants n’ont pas conféré la personnalité morale à ces sociétés. Pour le droit allemand, les biens affectés à l’entreprise commune constituent une masse indivisible sur laquelle les créanciers personnelles des associés n’ont pas de droit, sans conférer à ces biens un statut d’être moral.

B/ Les sociétés de capitaux.

Les qualités personnelles des associés ne sont pas prises en considération. Seul compte leur argent : les titres d’associés sont donc en principe cessibles sans conséquence sur la dissolution de la société (sous réserve du respect de l’art. 1690 du code civil pour la cession des parts sociales) voire librement négociables (l’opposabilité de la cession du titre d’associé va résulter de la mention de la cession intervenue dans le registre de la société ou du tiers responsable de la gestion).

C/ La distinction entre les sociétés de capitaux et les sociétés de personne.

Elle recoupe à peu près celle entre les sociétés à risque illimité ou limité. La SARL, conçue à l’origine comme une société de personne, a en fait un caractère hybride qui la rend difficile à ranger dans une catégorie. Dans une société en commandite par actions, l’associé commandité a un statut qui relève plutôt des sociétés de personne, alors que l’associé commanditaire se rapproche du statut des actionnaires.

Dans la pratique, les praticiens attribuent ou prévoient des règles de sociétés de personne à des sociétés de capitaux et vice versa : les statuts des sociétés de personnes comprennent souvent des clauses de continuation de la société malgré le décès ou l’incapacité d’un associé ; les sociétés de capitaux contiennent souvent un fort intuitus personae (surtout dans les SA coiffant les PME) qui se traduit par la stipulation de clauses d’agrément, de préemption, d’exclusion,…

Þ La distinction reste essentielle : – dans le domaine fiscal, surtout pour les impôts directs. Les sociétés de capitaux sont en principe soumises à l’impôt sur les sociétés, de même que les sociétés de personnes dont les associés ont opté pour l’imposition à l’impôt sur les sociétés. A défaut, les sociétés de personnes seront soumises au régime de l’impôt sur le revenu. Or, la détermination de cet impôt prend en compte l’ensemble des produits nets de l’associé, qu’ils soient ou non réalisés au travers de la société, alors que pour la détermination de l’impôt sur les sociétés, seuls les résultats de la société entrent en compte. En cas de perte, si l’associé dégage un bénéfice net avec plusieurs sources de revenu mais que la société a plus de pertes, il pourra imputer les pertes sur ses autres revenus = « régime de la transparence fiscale ».

– quand à la cession des parts ou action : les parts sociales (société de personnes) ne peuvent être cédées qu’avec l’agrément de tous les associés ; les actions (sociétés de capitaux) sont soumises au principe de libre cessibilité.

– quand au droit de vote : dans les sociétés de capitaux, les droits de vote sont répartis en proportion du capital détenu par chaque actionnaire ; dans les sociétés de personnes, ils sont répartis selon le système de la part virile.
§5 : Les sociétés faisant ou non appel public à l’épargne.

Cette distinction est plus récente. Rippert (1951) préconisait d’appliquer l’appareil réglementaire protecteur de titres aux seules sociétés faisant appel public à l’épargne.

La réglementation de ces sociétés est minutieuse, et son contenu évolue assez rapidement. Le critère était de contacter 300 personnes. La loi du 2/7/1998 énonce que « toute société dont les fondateurs ont recours aux services de banque ou d’intermédiaires financiers, ou encore à des démarcheurs pour le placement de leurs titres, et plus généralement toutes les sociétés dont les titres sont inscrits à un marché réglementé sont présumées faire appel public à l’épargne. En sont exclues les sociétés qui se contentent de faire appel à des investisseurs dits qualifiés (qui disposent des compétences et moyens nécessaires pour apprécier suffisamment les risques qu’ils encourent) ». Cette loi abaisse le seuil en dessous duquel une entreprise n’est pas réputée faire appel public à l’épargne à 100 personnes contactées.
Section 4 : Les sources du droit des sociétés.
§1 : Les textes antérieurs à 1966.

Les plus anciens sont les articles 1832 à 1873 du code civil, et les articles 18 à 64 du code de commerce. Ce dernier définit les différents types de sociétés commerciales sans entrer dans les détails. Le législateur et la jurisprudence combleront ces lacunes.

La loi du 24/7/1867 réglemente les sociétés par actions en supprimant le régime antérieur d’autorisation préalable des pouvoirs publics.

La loi du 7/3/1925 introduit en France la SARL sur le modèle allemand.

La loi du 16/1/1940 institue, sur le modèle allemand, le PDG comme le vrai chef de la SA : il cumule les pouvoirs de directeur général de la SA et de président du Conseil d’Administration (organe de contrôle de la direction générale).
§2 : La loi du 24/7/1966 et le décret d’application du 23/3/1967.

La doctrine les présente comme les documents les plus importants du droit commercial contemporain. Ils regroupent de manière cohérente des solutions éparpillées et intègrent une jurisprudence abondante élaborée depuis le début du XIXème. Cette loi met en place un droit des sociétés dirigiste : elle laisse peu de place à l’autonomie de la volonté, et est animée par un soucis du détail (509 articles dans la loi ; 310 dans le décret).

Les objectifs : – renforcement de la sécurité des tiers qui entrent en relation juridique avec la société.

– renforcement des protections des associés face à la direction générale.

– renforcement pour assurer ces premiers objectifs de la répression pénale : 67 articles de la loi créent 150 incriminations pénales.

– ouverture pour les SA d’une option permettant aux fondateurs de ces sociétés soit de rester dans le régime Conseil d’Administration/PDG, soit d’opter pour la formule d’inspiration allemande du directoire et du Conseil de surveillance : un petit groupe de personnes physiques (directoire hiérarchisé avec un président et un directeur général) dirige la société, sous le contrôle permanent du Conseil de surveillance. Cette formule n’a pas pris en France, hormis pour quelques grosses sociétés, d’où l’idée contemporaine de rompre avec le système du cumul des pouvoir sur la tête du président, afin d’avoir une meilleure gestion des sociétés. Le rapport Vienod (7/1999) préconise d’ouvrir une option pour les SA confiant la direction générale à un directeur général et laissant le Président comme chef de l’organe de contrôle de l’action de la direction générale.
§3 : Les textes postérieurs à la loi de 1966.

A/ Multiplication des interventions législatives.

Le texte initial de 1966 a été modifié plus de 60 fois. Entre 12/1993 et 2/1995, il y a eu 9 ajouts significatifs à cette loi. Cela rend la consultation du texte et son interprétation difficile.

B/ L’influence du droit européen.

Le droit français est sous l’influence de la législation et de la jurisprudence européenne. En 1998, d’après un rapport du CE, près de 80% de la législation applicable en France serait d’origine communautaire. Souvent, l’enveloppe extérieure du texte reste française tandis que le contenu est nettement européen. C’est le cas des directives, souvent transposées au mot près. De plus, aujourd’hui, tous les projets de loi et de règlement font l’objet d’un contrôle approfondi de conformité aux règles du droit communautaire. Il en est de même pour les textes existants. CE Ass, 3/2/1989 Alitalia : si un acte administratif révèle une incompatibilité avec le droit communautaire, l’Etat doit l’abroger. S’il omet de le faire, il peut engager sa responsabilité, et le juge doit refuser d’appliquer le texte (cf. Crim, 21/2/1994).

Le juge français doit anticiper l’évolution du droit communautaire et interpréter le droit positif en fonction des directives communautaires sans pouvoir opposer le fait qu’elles ne sont pas encore transposées en droit interne.

La transposition en droit des sociétés se fait par la voie : – de règlements. Ce procédé est peu utilisé : il y a eu quelques projets, dont celui de SA européenne en 1970 mais ils n’ont jamais été concrétisé. Le seul projet mené à bien est l’institution du Groupement Européen d’intérêt Economique (1985).

– de directives : l’article 220 du traité de Rome a permis les négociations entreprises pour la reconnaissance des sociétés dans l’espace européen (1958). L’article 54 (directives du Conseil) concerne les sociétés dont l’objet est de supprimer les restrictions à la liberté d’établissement. L’alinéa 3§3 F envisage des restrictions relatives à la création de filiales et le mode d’admission des salariés de la maison mère dans les organes de surveillance des filiales. L’alinéa 3§3 G a servi de fondement à une directive du Conseil pour tenter de coordonner les garanties pouvant être appelées dans le commerce à louer avec les tiers. Jusqu’à présent, 9 directives du Conseil sont intervenues sur le fondement de l’article 54 al.3§3 G.