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La légitime défense (article 51 de la Charte des Nations-Unies)


C’est le droit de pouvoir préserver son intégrité lorsque l’on est victime d’une agression. En DI, c’est la réponse qu’un Etat doit exercer contre un acte qui met en jeu sa souveraineté.
§1 : L’historique du principe de la légitime défense.

1) Avant le Pacte Briand-Kellogg de 1928.

Les Etats pouvaient invoquer la légitime défense pour répondre aux atteintes qui leur étaient portées. Cette notion est encadrée juridiquement à partir du XIXème, suite à l’affaire de la Caroline (1837) entre les USA à la GB : un bateau américain utilisé par des canadiens pour détruire des navires anglais, est détruit par les britanniques dans le port américain où il s’était réfugié. Les USA ont invoqué une violation de leur territoire pour réclamer une mise en cause de la responsabilité de la GB, mais celle-ci a plaidé la légitime défense. Les parties ont alors adopté un compromis précisant cette notion : la légitime défense peut être invoquée si elle est immédiate, impérieuse et qu’il n’y a pas d’autres choix pour se défendre.

Ces conditions ont toujours été reprises, et la légitime défense est devenue un principe coutumier.

2) Après le Pacte Briand-Kellogg de 1928.

Le Pacte prévoit que la légitime défense est la seule exception admise au principe de l’interdiction définitive du droit de recourir à la force armée. Les Etats ont donc utilisé cette notion pour légitimer leurs interventions, et ce principe est devenu le droit fondamental de recourir à la force, d’autant plus que les conditions de son invocation sont restées les mêmes, et qu’aucune procédure n’était prévue.

3) Après la Deuxième Guerre Mondiale et la Charte des Nations-Unies.

Le principe de légitime défense est consacré conventionnellement à l’art.51 de la Charte des Nations-Unies. Les rédacteurs ont craint que les Etats n’en fassent une utilisation abusive, et ont donc relié cet article à un système de sécurité collectif : les Etats qui veulent utiliser la légitime défense doivent saisir le Conseil de sécurité de l’ONU pour qu’il se prononce sur cette situation de légitime défense.
§2 : Contenu et portée du droit de légitime défense tel que codifié à l’art.51 de la Charte.

L’art.51 se trouve dans le Chapitre 7 de la Charte des Nations-Unies, consacré à l’action du Conseil de Sécurité des Nations-Unies en vue du maintien et du rétablissement de la paix.

1) Un droit naturel.

L’art.51 de la Charte des Nations-Unies énonce qu’il s’agit d’un droit naturel : il est donc immuable et universel. Dès qu’un Etat existe, ce droit lui est conféré, et aucun texte ne peut le remettre en cause.

CIJ, 1986 Activités militaires et paramilitaires des USA au Nicaragua : le droit de légitime défense a un caractère coutumier. Il redevient un droit positif, susceptible d’évoluer du fait de la pratique des Etats.

2) Un droit individuel ou collectif.

Un groupe d’Etat d’une même région peut faire une application collective de ce droit. Des pactes militaires de défense ont été conclus : le traité de l’Atlantique Nord (1949), le pacte de Varsovie (1955)…

La multiplication de ces pactes a mis en danger la stabilité internationale, car dès qu’un Etat partie au pacte était agressé, tous les autres signataires pouvaient intervenir au titre de la légitime défense.

· Selon la coutume : – l’accord de défense collective doit avoir été librement consenti (pas imposé à l’Etat).

– les Etats-parties à l’accord ne peuvent intervenir qu’en cas d’agression dirigée contre l’un des Etats-parties au pacte. Chaque Etat a un droit personnel à utiliser la force armée pour défendre l’Etat agressé. Ex : en 1967, les USA sont intervenus au Vietnam en vertu du Traité de l’Otase (1954).

· CIJ, 1986 Activités militaires et paramilitaires des USA au Nicaragua et contre celui-ci, a posé 2 autres conditions :          – l’Etat agressé doit faire une déclaration expresse vis-à-vis de ceux dont il sollicite le secours.

– l’agressé doit lui-même qualifier les faits, d’agression nécessitant l’état de légitime défense.

3) Un membre des Nations-Unies.

La légitime défense de l’art.51 ne devrait s’appliquer qu’aux parties contractantes des Nations-Unies. En fait, il s’applique aussi aux autres Etats (Suisse,…) et pourrait même s’appliquer aux OI.

4) Un Etat faisant l’objet d’une agression armée.

La légitime défense ne peut être invoquée que par un Etat qui a fait l’objet d’une agression armée.

La Charte des Nations-Unies ne définit pas la notion d’agression armée : les rédacteurs ne se sont pas entendus sur une définition (économique ou non,…) et craignaient de définir trop strictement cette notion.

· Un Comité spécial a été créé en 1967 par l’AGONU pour définir la notion d’agression : l’art.1 de la résolution 33/14 du 14/12/1974 portant définition de l’agression, précise que l’agression correspond à l’emploi de la force armée par un Etat contre la souveraineté d’un autre Etat, son intégrité territoriale ou son indépendance politique, ou de toute autre manière incompatible avec la Charte des Nations-Unies. Cette définition reprend grossièrement les thèmes énoncés à l’art.2§4 de la Charte des Nations-Unies.

La CIJ a précisé cette notion :       – CIJ, 1986 Activités militaires et paramilitaires des USA au Nicaragua et contre celui-ci : l’agression armée n’existe qu’en cas d’opération militaire de grande ampleur. Il n’y a pas forcement une confrontation directe d’armée à armée : l’envoi de bandes armées dans un autre Etat suffit.

– Avis CIJ, 1996 Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires : la légitime défense ne peut être invoquée que si l’agression perpétrée contre l’Etat met en cause sa survie.

· L’art.51 de la Charte n’indique pas si la menace d’une agression armée permet d’invoquer la légitime défense, et la résolution de 1974 ne comble pas ce vide juridique. Pour certains auteurs, la pratique des Etats montre qu’une menace précise et claire d’emploi de la force armée doit suffire à invoquer la légitime défense. Mais, pour la majorité des internationalistes, une simple menace d’agression ne peut suffire, du fait de la difficulté à prouver le caractère extrêmement dangereux de la menace, et en raison de la stratégie de dissuasion nucléaire, qui utilise la menace comme gage de stabilité internationale. Pour certains, seule la menace d’emploi d’armes non nucléaires pourrait rentrer dans le cadre de cet article.

Ce vide juridique n’est pas comblé : la solution pourrait résulter d’une convention, coutume, ou de la CIJ.

5) La procédure à suivre.

· Le droit de légitime défense ne peut être exercé que si le CSONU n’a pas pris les mesures nécessaires pour maintenir la paix.

· Le CSONU doit être tenu informé des mesures prises dans le cadre de la légitime défense.

Þ Cette saisine a été instaurée afin que le CSONU qualifie la situation, qu’il décide d’une action dans le cadre de l’ONU, ou à défaut, que l’Etat sache s’il peut utiliser la force armée pour légitime défense.

Cette procédure n’a pas été suivie : avec la guerre froide, le CSONU s’est retrouvé bloqué, et n’a jamais pu qualifier une situation ni se substituer à un Etat agressé. La procédure est devenue obsolète : les Etats n’ont plus saisis le CSONU, ou, lorsqu’ils le saisissaient, ils agissaient avant qu’il ne se prononce.

Dans l’affaire des Malouines (1982), suite à l’invasion des Iles Malouines par l’Argentine, la GB a invoqué le droit de légitime défense, a saisi le CSONU et a engagé des forces militaires sans attendre de décisions. La résolution 502 du CSONU constate la rupture de la paix, mais demande juste aux parties de cesser leurs opérations militaires et de régler pacifiquement leur différend.

6) Une condition non inscrite à l’art.51 : l’exigence de proportionnalité des moyens mis en œuvre.

L’agresseur doit répondre à l’agressé de façon strictement proportionnelle à l’agression. Ce principe de proportionnalité est un principe coutumier contenu dans le droit des conflits armés.