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La disparition des sociétés


Une dissolution est le retour à l’état d’indépendance d’éléments autrefois groupés.

La personnalité juridique de la société ne disparaît pas immédiatement, car la société doit pouvoir achever ses engagements (sous peine d’engager sa responsabilité), récupérer ses créances, vendre ses actifs et payer ses créanciers. Il a donc toujours été admis que la personne morale survit à la dissolution pour les besoins de la liquidation, et ce principe a été repris aux articles 1844-8 al3 c.civ., et 391 al2 de la loi du 24/7/1966. Cette survie de la personnalité juridique de la société est nécessairement limitée par le but recherché, à savoir permettre la liquidation dans les meilleurs conditions.
Chapitre 1 : La dissolution.
Section 1 : Les causes de dissolution communes à toutes les sociétés.
§1 : La société a « fait son temps ».

A/ L’arrivée du terme.

Le contrat de société est nécessairement conclu pour une durée limitée. La durée maximum est de 99 ans, ce qui est souvent dans les sociétés de capitaux. Les sociétés de personnes prévoient en général une durée plus courte, prenant en compte la perspective d’un projet commun et le temps de réalisation vraisemblable. De plus, beaucoup d’évènements atteignant la personne des associés (décès) entraînent en principe sauf clause contraire, la dissolution.

A la survenance du terme fixé, la société est dissoute de droit : la loi permet aux associés de proroger la durée de la société, mais ils doivent alors être consultés sur ce point un an avant l’arrivée du terme. Si la société continue son activité en dépit de l’arrivée du terme, la jurisprudence n’est pas nette.

Com, 21/12/1992 estime que l’absence de publicité donnée à la dissolution empêche la réalisation d’actes valables par la société parvenue à terme : tout ce qui a été fait par la société serait donc frappé de nullité. En sens contraire, Com, 3/2/1993 considère que l’absence de publicité de la dissolution fait subsister la personne morale à l’égard des tiers. Tout se passe alors comme si les associés avaient admis la prorogation tacite de la société.

B/ Dissolution anticipée décidée par les associés.

· Dissolution résultant d’une clause statutaire : la jurisprudence puis l’article 1844-7 8° du code civil ont reconnu aux associés la possibilité de prévoir dans les statuts de nouvelles causes de dissolution, en plus de celles prévues par la loi. On peut ainsi imaginer que la suppression d’un régime fiscal de faveur soit une cause de dissolution anticipée, et il semble permis de prévoir dans les statuts que tout associé a le droit de prononcer la dissolution par sa volonté unilatérale.

La loi de 1966 fait une place limitée aux clauses d’exclusion (associé forcé de céder ses titres) : un seul cas est prévu, pour un associé victime d’un vice du consentement ou d’une incapacité, et qui demande la nullité de la société. Com, 13/12/1994 : les statuts d’une société peuvent prévoir une clause d’exclusion, cette clause devant être nettement définie dans le pacte social, et les modalités de mise en œuvre (détermination du prix) devant être définies. Les associés peuvent aussi décider de dissoudre la société en cours de vie sociale, à condition de respecter les majorités requises pour la modification des statuts.

· La dissolution prononcée à titre de sanction pénale : le nouveau code pénal, entré en vigueur le 1/3/1994, permet de tenir des personnes morales pénalement responsables, et de les condamner à ce titre. La dissolution est encourue à titre de sanction en cas de crime contre l’humanité, de trafic de stupéfiant, de proxénétisme, d’extorsion, d’abus de confiance, de recel, ou d’expérimentation illicite sur la personne humaine. La société doit avoir été détournée de son objet statutaire pour commettre une telle infraction.

La liquidation judiciaire est particulière : la personne morale est renvoyée devant le tribunal compétent (TGI ou Tcom selon que la société est civile ou commerciale) pour prononcer sa liquidation (art. 131-45).
§2 : La disparition d’un élément essentiel du contrat de société, ou un manquement grave imputable à un associé.

A/ Réalisation ou extinction de l’objet social.

La réalisation de l’objet social : l’entreprise décrite au statut a été accomplie et la société n’a plus de raison d’être. Cela est rare car les statuts contiennent en général un objet rédigé en termes assez larges, et il est possible de les modifier.

L’extinction : l’objet de la société devient illicite ou impossible (retrait de l’autorisation administrative)

B/ Réunion de toutes les parts en une seule main.

Jusqu’en 1966, l’absence de pluralité d’associé entraînait de plein droit la dissolution immédiate de la société. L’article 9 de la loi du 24/7/1966, puis l’article 1844-5 du code civil ont prévu un régime de survie de la société pendant un an à partir du moment où elle devient unipersonnelle. Le but est de permettre à la société de régulariser sa situation.

Au delà de ce délai, la dissolution n’intervient qu’à la demande de tout intéressé : si personne ne la demande, la société perdurera. Quand la procédure de demande de dissolution est engagée, le tribunal peut accorder un nouveau délai de 6 mois pour régulariser la situation, et ne peut pas prononcer la dissolution si la régularisation est intervenue au jour où il statue sur le fond.

C/ La dissolution judiciaire anticipée pour justes motifs.

Lorsque l’affectio societatis vient à faire défaut : l’action est alors exercé par un ou plusieurs associés.

L’article 1844-7 5° c.civ. donne 2 exemples : – l’inexécution par un associé de ses obligations. La jurisprudence interprète largement cette notion : Req, 13/3/1922 retient que la tenue d’une comptabilité irrégulière ou incomplète constitue un manquement à l’obligation de tenir ces documents.

Com, 20/6/1966 est plus strict et estime que les fautes commises par un associé en sa qualité de gérant ne sont pas constitutives d’un manquement aux obligations de l’associé.

– la mésentente entre associés : la jurisprudence exige qu’elle soit suffisamment grave pour empêcher la poursuite de l’exploitation sociale. Com, 16/2/1970 : le capital est réparti égalitairement entre 2 groupes d’actionnaires qui ne parviennent pas à s’entendre sur le nom des dirigeants.

La jurisprudence tend à admettre d’autres justes motifs de dissolution, notamment la commission répétée d’un abus de majorité.
Section 2 : Les causes de dissolution propres aux sociétés commerciales.
§1 : Les causes spécifiques aux sociétés de personnes.

A/ Décès d’un associé.

Il entraîne normalement la dissolution de la société de personne. Cela tient au fait que ce type de société est gouverné par l’intuitus personae : si un évènement aussi important que le décès survient, la société doit être purement et simplement dissoute.

Cette règle n’est que supplétive de la volonté des parties : les associés des sociétés de personnes insèrent souvent dans les statuts une clause qui stipule que la société continue entre les associés survivants avec les héritiers de l’associé décédé.

B/ Incapacité, interdiction d’exercer une profession commerciale et liquidation judiciaire d’un associé.

En principe, la survenance d’une incapacité ou d’une interdiction d’exercer une profession commerciale entraîne la dissolution de la société de personnes, car cela bouleverse les prévisions des autres associés.

Cette règle ne joue qu’à l’égard des sociétés commerciales de personne : une société civile de personnes ne sera pas dissoute de plein droit par la déconfiture, la faillite personnelle ou la liquidation judiciaire de l’associé, mais ce dernier sera simplement exclu de la société, remboursé de ses droits sociaux, et il perdra sa qualité d’associé.

La règle de la dissolution n’est pas impérative : une clause statutaire peut prévoir la continuation de la société entre les associés qui ne font pas l’objet de la mesure considérée.

C/ Révocation d’un associé gérant d’une société en nom collectif.

Lorsque l’associé qui exerce les fonctions de gérant, est révoqué par ses co-associés ou par le juge, la société est en principe dissoute.

La jurisprudence exige une véritable révocation et non pas une simple démission.

La dissolution peut être écartée par une clause des statuts prévoyant la poursuite de la société nonobstant la révocation de l’associé gérant. Celui-ci est alors exclu de la société, et a droit au remboursement de ses droits sociaux.

§2 : Les causes spécifiques aux Sociétés par actions et SARL.

Les causes générales de nullité prévues par le droit des contrats s’applique à ses sociétés, mais il existe aussi d’autres causes qui leur sont spécifiques.

A/ Les causes de dissolution procédant de la faiblesse du capital social.

La dissolution est encourue si les fonds propres de la société sont inférieurs à la moitié du capital social majoré des réserves, et si le montant nominal du capital social est inférieur au minimum légal.

· En cas de « perte de la moitié du capital » : les capitaux propres de la société sont inférieurs pour plus de la moitié, au capital social majoré des réserves. Cela résultera de la survenance de pertes dans l’exercice. Le législateur prévoit une procédure de consultation des associés sur l’opportunité de poursuivre ou non l’exploitation.

Si les capitaux propres sont inférieurs à 50% du capital majoré des réserves, l’AG des associés doit être réunie dans les 4 mois suivants l’approbation des comptes qui ont fait apparaître cette perte. Elle peut alors : – décider la dissolution de la société : tout ce passe comme si on était en présence d’une hypothèse de dissolution anticipée décidée par les associés.

– décider la continuation des activités sociales : la loi impose alors à la société de prendre les mesures utiles au rétablissement des capitaux propres dans les deux exercices suivants. L’assemblée devra donc adopter les modalités permettant ce rétablissement des capitaux propres, en décidant soit une augmentation de capital, soit une réduction du capital à concurrence des pertes, soit encore en décidant une augmentation et une réduction du capital social (« opération d’accordéon »).

L’action en dissolution fondée sur une capitalisation insuffisante peut être engagée par tout intéressé : la société, les associés, ou les créanciers y compris l’Administration fiscale.

· Le capital est inférieur au minimum légal : la loi du 1/3/1/1984 fixe au 1/3/1989 l’expiration du délai pour les SARL pour relever leur capital social de 20.000 F à 50.000F. Pour les SA, la loi du 30/12/1981 a rehaussé le capital social minimum à 250.000F pour les SA en général, et à 5 millions pour celles qui font appel public à l’épargne, avec un délai imparti expirant le 1/1/1985. Les sociétés qui ne s’étaient pas mises en règle, ont été dissoutes de plein droit du fait de l’expiration du délai.

B/ Les causes de dissolution tenant au nombre d’associés.

· Pour les SA, il faut au minimum 7 actionnaires. Si l’effectif est inférieur à 7, la société n’est pas automatiquement dissoute : un intéressé doit la demander. Les actionnaires peuvent donc esquiver la sanction de la dissolution, car il suffit que pendant le temps de l’action de justice, ils cèdent à un ou plusieurs tiers un certain nombre d’actions pour qu’il y ai 7 actionnaires au jour où le tribunal statue.

· Les SARL peuvent ne compter qu’un seul associé, mais il leur est interdit de dépasser le chiffre de 50 associés. En cas de dépassement, il n’y a pas dissolution de plein droit, mais la loi prévoit que la SARL doit être transformée en SA dans les 2 ans.

Chapitre 2 : La liquidation et le partage.

La liquidation d’une société est un ensemble d’opérations complexes dont le but est de convertir les actifs sociaux en liquide pour régler les créanciers, et éventuellement pour rembourser les apports des associés et se partager l’éventuel reste après le règlement intégral du passif.

La liquidation est un effet nécessaire de la dissolution. Il existe toutefois des exceptions : la dissolution d’une entité juridique due à sa fusion avec une autre société ne nécessite pas l’ouverture d’une période de liquidation, car l’entité absorbante demeure et devient débitrice des engagements de la société absorbée. De même, il n’y a pas besoin d’ouvrir une liquidation en cas de dissolution d’une société unipersonnelle, car son patrimoine, actif et passif reviennent alors à l’associé unique.

Com, 24/10/1989 : les associés ne peuvent pas se passer du passage à la liquidation. Cela tient au fait que la société est engagée dans des accords juridiques complexes, dont le dénouement réclame une procédure cohérente : la liquidation est conçue comme une garantie pour les associés et les tiers contre un brusque abandon de toute affaire sociale.

Pour les associés, car la société dissoute qui n’aurait pas engagée de procédure de liquidation serait considérée comme une société créée de fait, dans laquelle les associés sont collectivement responsables des dettes (perte du bénéfice d’une éventuelle limitation de responsabilité).

Pour les tiers, car un liquidateur doit être désigné pour représenter la personne morale à leur égard, ce qui est un gage de meilleure exécution des engagements de la société à leur égard.

Il existe trois formes de liquidation : – la liquidation judiciaire de la loi du 25/1/1985 est applicable aux sociétés qui ne sont plus en mesure de payer leurs dettes, et qui sont l’objet d’une procédure collective de règlement des créanciers (redressement judiciaire ou liquidation judiciaire).

– la liquidation amiable est surtout inspirée des règles statutaires, et de quelques dispositions impératives de la loi de 1966.

– la liquidation ordonnée en justice (art. 402 à 418 loi de 1966).
Section 1 : La période de liquidation.
§1 : Règles générales : survie de la personnalité morale ; conditions du fonctionnement de la société.

La société conserve son siège et sa dénomination, et doit juste mentionner qu’elle est en liquidation dans les en-têtes de ses documents. Elle reste à la tête de son patrimoine.

L’exploitation se poursuit : les profits et pertes sont repartis entre les associés comme par le passé.

Sa personnalité juridique est toutefois limitée, car elle ne survit que pour les stricts besoins de la liquidation, et cesse à la clôture de celle-ci : la société ne peut pas se transformer en société sous une autre forme, ni l’entreprise reprendre de nouvelles activités.
§2 : Le statut du liquidateur.

Il est en principe l’exécutif de la société en liquidation : les autres organes disparaissent avec la liquidation. Il est soumis au contrôle des associés qu’il doit régulièrement convoquer pour les informer de l’état d’avancement de sa mission.

Il a pour mission de dresser un inventaire de l’actif et du passif dès son entrée en action, de prendre les mesures conservatoires nécessaires (renouvellement de la police d’assurance, régularisations dans le recouvrement des créances sociales) et de veiller au paiement des créanciers de la société.

Il est nommé dans les conditions prévues au statut. A défaut, il est désigné par une décision de l’assemblée générale, et à défaut sa désignation incombe au président du tribunal de commerce. Ce peut être un associé ou un tiers. Il doit en principe achever sa mission dans les 3 ans de sa nomination, sauf à demander la reconduction de son mandat : il doit alors indiquer pourquoi il n’a pas été en mesure de terminer sa mission, et les mesures qu’il lui reste à prendre.

Sa responsabilité est celle habituellement à la charge des organes de gestion : il peut être l’objet de poursuites civiles ou pénales (notamment pour abus de bien social). Il lui est interdit à peine de sanctions pénales de se porter acquéreur lui-même ou par proches interposés des éléments de l’actif social.

Section 2 : L’issue de la liquidation.

Non traité.