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La filiation biologique


Elle unit un enfant à son père ou sa mère biologique. La filiation légitime est celle d’un enfant né ou conçu pendant le mariage de ses parents ; la filiation naturelle unit un enfant né hors mariage à ses parents.

Les dispositions communes.

· Les principes directeurs communs.

* Le principe d’égalité entre les enfants. Il a été consacré par la loi de 72 à l’article 334 du code civil, ce qui marque une rupture avec la législation antérieure : « L’enfant naturel a en général les mêmes droits et les mêmes devoirs que l’enfant légitime dans ses rapports avec ses père et mère. » Certaines dispositions instaurent malgré tout des inégalités : les filiations adultérines ou incestueuses sont pénalisées, la preuve de la filiation légitime est facilitée par rapport à celle de la filiation naturelle.

* Le principe de vérité. La loi de 72 prône deux types de vérité.

La vérité biologique : la loi de 72 tend à faire coïncider la filiation juridique avec le vrai rapport de filiation biologique. La preuve de la filiation biologique a donc été facilitée par rapport à l’ancienne législation, et des actions en contestation de filiations juridiques inexactes sont permises. La loi ne permet toutefois pas systématiquement la recherche de la vérité biologique (adoption, accouchement sous X), et on peut se demander s’il n’est pas en contradiction avec la Convention de New York de 1990 sur les droits de l’enfant, car elle pose le droit pour l’enfant, dans la mesure du possible, de connaître ses origines.

La vérité sociologique : elle repose sur la filiation vécue. Le vrai rapport de filiation est alors celui qui repose sur l’affection des parents pour leur enfant et sur leurs volontés de se comporter comme des parents. La loi de 72 consacre comme mode de preuve la possession d’état.

· Les modes de preuve communs.

La preuve directe de la paternité reste difficile à établir : les examens des sangs (pour dénier), les empreintes génétiques (pour dénier ou affirmer) sont des preuves fiables, mais ces deux modes ne peuvent être utilisés qu’en cas de contentieux sur la filiation et uniquement sur autorisation du juge.

* Les présomptions liées à la date de conception : on se réfère à la date de conception, et on vérifie si à ce moment, la mère était en relation avec un homme, et qui il est.

La présomption de période légale de conception : l’article 311 présume que l’enfant a été conçu pendant une période qui s’étend de 300 jours à 180 jours inclusivement avant la naissance (entre 10 et 6 mois). Présomption simple : on peut prouver que la durée de la grossesse a été plus ou moins longue (art. 311 al. 3).

La présomption de la date précise de conception: l’article 311 al. 2 dispose que la conception est présumée avoir eu lieu à un moment quelconque de cette période suivant ce qui est demandé dans l’intérêt de l’enfant. Présomption simple: la preuve contraire est admise.

* La possession d’état : c’est un mode de preuve de la filiation qui tend à privilégier la filiation vécue sur la filiation charnelle.

La notion de PE :     – l’article 311-1 dispose que la PE suppose une réunion suffisante de faits qui indiquent le rapport de filiation entre un individu et la famille à laquelle il dit appartenir. Les principaux faits sont énumérés à l’article 311-2 : le nom (nomen : l’enfant doit porter le nom de ceux dont il est issu), le traitement (tractatus : les parents et l’enfant doivent réciproquement se traiter comme tels) et la renommée (fama : les tiers doivent les considérer comme parents et enfants). Ces 3 éléments caractéristiques ne sont pas tous nécessaires et le juge peut en adjoindre d’autres. Civ.1, 5/7/88 indique qu’il suffit qu’il y ait une réunion suffisante de faits indiquant le rapport de filiation (appréciation souveraine des juges du fond).

– l’article 311 al. 2 dispose que la PE est continue. Cette continuité n’implique pas que la PE résulte d’une communauté de vie ni de relations quotidiennes : le fait que les parents voient les enfants régulièrement caractérise la PE.

Civ.1, 6/3/96 : la continuité doit s’apprécier par rapport à l’ensemble des faits et il n’est pas nécessaire que chacun des éléments pris isolément ait existé pendant toute la durée de la période considérée. La jurisprudence accepte qu’elle ait été continue pendant une période assez longue, et qu’elle ait cessé depuis. Elle recherche une certaine régularité, une certaine habitude, qui peut-être interrompue. La continuité doit être paisible (non issue d’un comportement de force) et non équivoque (absence de vice = PE différente vis-à-vis de la même personne,… ).

La preuve de la PE : c’est un fait juridique qui peut être librement prouvé par celui qui s’en prévaut (art. 311-3 al.2). Le mode de preuve est facile à établir, puisqu’il suffit que les parents ou l’enfant demandent au juge des tutelles de leur délivrer un acte de notoriété, qui fait foi jusqu’à preuve contraire. Si le juge refuse de le délivrer, ils peuvent agir en justice : action en contestation de PE devant le TGI.

· La procédure.

Les art. 311-4 à 311-14 énoncent un ensemble de dispositions concernant les actions relatives à la filiation.

* L’exercice des actions relatives à la filiation : elles relèvent de la compétence du TGI. En principe, elles peuvent être exercées par tout intéressé, mais par soucis de protection de la paix des familles, certaines actions sont attitrées. La prescription de l’action est en principe de 30 ans, mais certaines actions attitrées obéissent à d’autres délais (6 mois).

* Les caractères des actions relatives à la filiation : l’art. 311-9 précise que ses actions sont indisponibles.

La filiation légitime.

Elle concerne un enfant né ou conçu pendant le mariage, mais la loi tente à favoriser la légitimité de l’enfant par la légitimation.

les modes de preuve de la filiation légitime.

· La preuve contentieuse de la filiation légitime.

Si la filiation de l’enfant est contestée, il est nécessaire d’intenter une action en justice pour faire établir l’état véritable de l’enfant.

* L’action en contestation d’état : elle a pour but de démontrer l’inexactitude de la filiation de l’enfant. L’action n’est possible que si l’enfant n’a pas un titre et une PE conforme à son acte de naissance. Elle est interdite quand l’enfant est issu d’une PMA (art. 311-20).

* L’action en réclamation d’état : elle est ouverte à l’enfant dont la filiation n’est établie ni par l’acte de naissance ni par la PE. L’action peut être intentée par des parents mariés qui souhaitent faire établir que telle personne est leur enfant.

· La preuve non contentieuse de la filiation légitime.

* L’acte de naissance (le titre) : l’article 319 dispose que la filiation de l’enfant légitime se prouve par les actes de naissance.

La preuve de la maternité par l’acte de naissance : la désignation du nom de la mère dans l’acte de naissance fait preuve de la filiation maternelle. Cette indication prouve de façon certaine la naissance et l’accouchement, mais elle prouve avec moins de certitude l’identité de l’enfant : en cas de contestation, ce dernier devra prouver son identité (preuve par tous moyens).

La preuve de la paternité par l’acte de naissance : l’indication du nom du mari dans l’acte de naissance rapporte la preuve de la paternité. La présomption de paternité énonce : « le mari de la mère est présumé être le père de l’enfant ».

* La possession d’état : l’article 320 prévoit qu’à défaut de titre, la preuve de la filiation résultera de la PE. Elle doit être continue, paisible et non équivoque. L’article 321 précise que la PE d’enfant légitime est indivisible, c’est à dire qu’elle établit à la fois la paternité et la maternité. Elle peut être combattue par tous moyens pendant 30 ans.

La PE devient une preuve incontestable de la filiation légitime dès lors qu’elle est corroborée par un acte de naissance conforme. Elle ne peut alors plus être contestée que par deux actions : le désaveu par le père, et l’action en contestation de paternité légitime par  la mère.

La présomption de paternité légitime.

L’article 312 du code civil dispose que l’enfant conçu pendant le mariage a pour père le mari = présomption de paternité.

· Le domaine de la présomption.

* Le principe : la présomption de paternité s’applique à l’enfant conçu avant le mariage et né pendant le mariage. Cette solution a été consacrée par l’arrêt Degas du 8/1/1930. La loi du 3/1/72 a consacré cette solution jurisprudentielle à l’article 314. La légitimité est donc rétroactive et joue dès la conception. Toutefois, la filiation de l’enfant est plus fragile, car le père bénéficie d’un désaveu simplifié.

* Les restrictions :   – l’enfant conçu pendant une période de séparation légale. L’article 313 écarte la présomption dans le cas d’une séparation légale : procédure de divorce avec non maintien du devoir de cohabitation, séparation de corps). La présomption peut être rétablie si l’enfant a une PE d’enfant légitime (de plein droit), ou si une réunion de fait pendant la période légale de conception, rend vraisemblable la paternité du mari.

– l’enfant déclaré à l’état civil sans indication du nom du mari. La loi de 72 écarte la présomption de paternité si l’enfant est inscrit à l’état civil sans indication du nom du mari et qu’il n’a de PE qu’à l’égard de la mère. Elle pourra être rétablie si l’un des époux rapporte la preuve d’une réunion de fait.

· La force de la présomption : les actions en contestation de paternité légitime.

Cette présomption n’est pas irréfragable, car le code civil prévoit certaines actions en justice et la jurisprudence en a instauré d’autres.

* Les actions prévues par le code civil : elles sont attitrées = appartiennent à certaines personnes.

Le désaveu de paternité : elle peut être exercée par le mari de la mère même si l’enfant a un titre d’enfant légitime et une PE conforme.

On distingue deux sortes de désaveu :  – le désaveu ordinaire de l’article 312. L’alinéa 2 de cet article permet au mari de la mère de renverser la présomption de paternité à condition de justifier de faits propres à démontrer qu’il ne peut pas être le père de l’enfant. Cette preuve peut être rapportée par tous moyens (éloignement du mari pendant la PLC, examen des sangs,…). Il faut que le mari établisse avec certitude qu’il ne peut pas être le père de l’enfant = il est suffisant de prouver l’adultère de la mère. Le délai est bref : dans les 6 mois de la naissance ou de la découverte de la naissance. Si l’action aboutit, l’enfant n’a plus de filiation établie à l’égard du mari de la mère.

– les désaveux spéciaux : le désaveu par simple dénégation (art. 314 al. 3) = si l’enfant, bien que né pendant le mariage a été conçu avant le mariage, le mari de la mère peut désavouer l’enfant par simple dénégation sur la seule preuve de la date d’accouchement. Un tel désaveu est refusé s’il connaissait la grossesse au moment du mariage, ou s’il s’est comporté comme le père après la naissance. Le désaveu en défense (art. 325) : un enfant peut intenter une action en réclamation d’état pour faire établir en justice qu’il est l’enfant de tel couple. S’il établit d’abord sa filiation maternelle, le mari de la mère peut exercer un désaveu en défense pour faire échec à la présomption de paternité. Le désaveu préventif (art. 326) : le mari de la mère peut dans un délai de 6 mois à compter de la naissance de l’enfant de sa femme exercer une action en contestation de paternité sans attendre que l’enfant fasse une action en réclamation d’état.

L’action en contestation de paternité légitime aux fins de légitimation (art. 318) : la loi de 72 a créé une action en contestation de paternité par la mère qui, après un divorce s’est remariée avec le vrai père. L’action n’est ouverte qu’à la mère, à condition qu’elle soit remariée avec le vrai père : elle ne peut être intentée que dans les 6 mois du remariage et à condition que l’enfant ait moins de 7 ans. Cette action est indissoluble d’une demande de légitimation de l’enfant, et tend à substituer une filiation légitime à l’égard du second mari à celle établie à l’égard du premier mari. L’action suppose que soit rapportée la preuve de la non paternité du premier mari et de la paternité du second mari. Cette action est donc fondée sur le triomphe de la vérité biologique.

Deux décisions de Civ.1, 16/2/77 admettent la recevabilité de l’action même si l’enfant avait à l’égard du premier mari de la mère la PE d’enfant légitime, et qu’il n’avait pas une telle PE à l’égard du second mari.

* Les actions instaurées par la jurisprudence :       – l’action en contestation de paternité légitime exercée sur le fondement de l’article 334-9 a contrario. Une lecture a contrario de cet article permet de penser qu’un enfant dont la filiation légitime n’est établie que par un titre, avec une PE non conforme, peut faire l’objet d’une reconnaissance de la part d’un autre homme que le mari de la mère. Cette interprétation a été consacrée dans une décision de principe Civ.1, 9/6/76. La reconnaissance aboutie à créer un conflit de filiation car l’enfant a alors une filiation légitime établie par acte de naissance et une filiation naturelle établie par la reconnaissance à l’égard d’un autre homme = l’enfant a juridiquement 2 pères. Le conflit de filiation peut être dénoué par tout intéressé qui peut agir en contestation de paternité légitime = l’enfant, la mère, le père naturel et le père légitime. L’action se prescrit par un délai de 30 ans. Le tribunal saisit du conflit de filiation tranchera en faveur de la filiation la plus vraisemblable (art. 311-12). La preuve de la filiation la plus vraisemblable peut se faire par tous moyens, et si l’action est déclarée bien-fondé, il y aura alors substitution de la filiation légitime par la filiation naturelle.

La jurisprudence a décidé que pour exercer cette action, il importe peu que l’enfant ait eu pendant un certain temps une PE d’enfant légitime, dès lors que lui avait succédé une PE d’enfant naturelle (Civ.1, 19/3/85). L’admission de cette action a posé un problème d’interprétation avec l’article 318, car la mère pourra agir sur le fondement de l’article 334-9 toutes les fois que l’enfant n’aura pas de PE conforme à son titre. Mais, l’action sur le fondement de l’article 318 conserve son intérêt dès lors que l’enfant a un titre et une PE conforme.

– l’action en contestation de paternité légitime exercée sur le fondement de l’article 322 al.2 a contrario. Une telle lecture permet de penser que tout intéressé peut contester l’état de celui qui n’a pas de PE conforme à son titre. Dans deux arrêts de principe de Civ.1, 27/2/85, la cour de cassation consacre cette interprétation a contrario. L’action en contestation est recevable à condition que l’enfant n’ait pas de PE conforme à son titre. L’action n’est fondée que si la preuve de la non paternité est rapportée. Dans ces arrêts, la jurisprudence précise que l’admission de l’interprétation de l’art. 322 al.2 n’enlève pas leurs intérêts aux actions spécifiques des articles 312 et 318, dès lors que le titre est conforme à la PE. Cette action a pour conséquence de priver l’enfant de toute filiation paternelle.

La légitimation.

La loi de 72 permet, par faveur pour l’enfant, qu’un enfant né hors mariage puisse être légitimé.

· La légitimation par mariage.

Elle permet de considérer l’enfant né hors mariage comme légitime à compter du mariage de ses parents.

* Les conditions :   – la légitimation par mariage subséquent. La filiation des enfants naturels est établie avant le mariage, à l’égard des deux parents. Le mariage entraîne alors la légitimation des enfants (art. 331 al.1 c.civ). La loi admet aussi que la filiation soit établie lors de la cérémonie du mariage, l’officier d’état civil constatant alors la reconnaissance de l’enfant en dressant l’acte de mariage. La légitimation n’a pas à être constatée par l’officier d’état civil, car elle se produit de plein droit par l’effet du mariage.

– la légitimation post nuptias. Si la filiation de l’enfant n’est pas établie avant le mariage, il sera néanmoins possible de réaliser la légitimation après la cérémonie du mariage = elle doit être constatée par un jugement. L’article 331-1 c.civ. précise que le juge doit constater que l’enfant a une possession d’état d’enfant commun des deux époux depuis le mariage.

* Les effets : la légitimation permet de considérer l’enfant légitimé comme un enfant légitime. Cet effet ne se produit qu’à compter du mariage. La légitimation conserve un intérêt en dépit du principe d’égalité entre les enfants légitimes et naturels, pour les cas d’enfants adultérins. Ce cas suppose le divorce et le remariage avec l’amant : l’enfant adultérin légitimé aura alors les mêmes droits successoraux qu’un enfant légitime.

Les conséquences sont les mêmes que pour un enfant légitime : le nom de l’enfant est celui du mari de la mère, l’autorité parentale est exercée en commun,… Toutefois, l’enfant majeur ne prendra le nom du mari de sa mère que s’il y consent.

· La légitimation par autorité de justice.

Elle permet à un enfant naturel de devenir légitime même en l’absence de mariage de ses parents (innovation de la loi de 72).

* Les conditions :   – relatives à la filiation. La filiation de l’enfant doit être établie à l’égard du requérant et doit être corroborée par une possession d’état. La possession d’état d’enfant naturel n’existe alors qu’à l’égard du requérant. Si l’enfant est adultérin, le parent adultérin dont le mariage n’est pas dissout peut légitimer son enfant avec le consentement de son conjoint.

– relatives au mariage. L’article 333 du code civil n’autorise la légitimation par autorité de justice que si le mariage est impossible entre les 2 parents. L’impossibilité du mariage est parfois indiscutable = pour des raisons de fait (décès d’un des parents) ou des raisons de droit (empêchements à mariage). La jurisprudence a interprété de manière très souple cette notion d’impossibilité et certaines juridictions du fond admettent que l’impossibilité puisse résulter du simple refus de se marier. Si les conditions sont remplies, le requérant saisit le TGI qui va vérifier l’opportunité  pour l’enfant de la légitimation et ne la prononcera que s’il l’estime justifiée.

* Les effets : cette forme de légitimation peut être demandée par un seul des parents (elle est dite unilatérale) = l’enfant ne devient donc légitime qu’à l’égard de ce seul parent, et reste naturel à l’égard de l’autre. Il s’agit du seul cas de filiation légitime divisible.

La filiation naturelle.

Elle unit à ses parents un enfant né hors mariage et non légitimé. Elle est simple si les parents sont tous deux célibataires ; adultérine si l’un des parents est marié avec un tiers ; incestueuse si les parents sont unis par un lien de parenté ou d’alliance créant un empêchement à mariage.

Il y a eu trois réformes différentes en droit de la filiation naturelle : la loi du 3/1/72 a posé le principe de l’égalité entre les enfants naturels et légitimes ; la loi du 25/6/82 a admis la preuve de la filiation naturelle par possession d’état ; la loi du 8/1/93 a modifié les conditions de l’action en recherche de paternité et maternité naturelle pour les ouvrir plus largement.

Les modes de preuve non contentieux de la filiation naturelle.

· La reconnaissance.

Il s’agit d’une déclaration faite solennellement par acte authentique, par laquelle une personne avoue que tel enfant est le sien.

* Les conditions :   – tenant à l’auteur de la reconnaissance. La volonté de l’auteur doit être libre et non viciée. La reconnaissance peut émaner d’un incapable, sous réserve d’un discernement suffisant. En principe, elle est personnelle à chacun des parents, et chaque reconnaissance paternelle ou maternelle est individuelle et indépendante l’une de l’autre = la filiation naturelle est divisible. La loi du 5/7/96 (sur l’adoption) a prévu que l’acte de reconnaissance devait contenir la mention que l’auteur de la reconnaissance a été informé du caractère divisible du lien de filiation naturelle. L’interprétation a contrario de l’article 336 c.civ permet d’énoncer un tempérament au caractère personnel de la reconnaissance, car ainsi, la reconnaissance souscrite par le père produit des effets à l’égard de la mère si l’acte de reconnaissance indique le nom de la mère et si cette indication est corroborée par l’aveu de la mère.

– tenant à l’enfant à reconnaître. La reconnaissance n’est possible que pour un enfant dont la filiation naturelle peut être établie. Depuis 72, une filiation adultérine peut toujours être établie, et en conséquence, seul l’établissement de la filiation incestueuse reste restreint (art 334-10 c.civ.) L’article 334-9 interdit de reconnaître un enfant qui bénéficie déjà de la possession d’état. Une première reconnaissance rend irrecevable l’établissement d’une autre filiation naturelle qui la contredirait.

* Les effets : la reconnaissance établit rétroactivement la paternité ou la maternité de son auteur. Elle est irrévocable, et peut être contestée par tout intéressé dès lors qu’elle est mensongère (y compris par l’auteur lui-même).

L’action en contestation de reconnaissance est ouverte pendant 30 ans, à compter du jour où elle a été souscrite, et le demandeur doit établir que la filiation ainsi reconnue est différente de la vérité biologique.

Par exception, aucune action en contestation de la reconnaissance ne sera recevable dès lors que la reconnaissance sera corroborée par une possession d’état ayant duré plus de 10 ans (art. 339 c.civ).

Par exception à l’exception, l’autre parent, ceux qui se prétendent les parents véritables et l’enfant peuvent toujours contester la reconnaissance, même si elle est corroborée par la possession d’état. Si l’action est accueillie, le lien de filiation sera rétroactivement anéantie = l’anéantissement vaudra pour toutes les conséquences attachées à la filiation, et l’auteur de la reconnaissance qui aura entretenu l’enfant, aura droit au remboursement des sommes versées (sauf s’il était de mauvaise foi et a fait une reconnaissance mensongère).

· La possession d’état.

Depuis la loi du 25/6/82, la possession d’état figure à l’article 334-8 c.civ. comme mode d’établissement de la filiation naturelle. La possession d’état établie la filiation naturelle jusqu’à ce que la preuve contraire en soit rapportée. La preuve se fait par tous moyens mais il y a quelques limites : une possession d’état trentenaire ne peut plus être contestée, une possession d’état de 10 ans corroborée par une reconnaissance ne peut plus y être non plus.

L’établissement judiciaire de la filiation naturelle.

· L’action en recherche de maternité naturelle.

Cette hypothèse vise l’enfant abandonné par sa mère à la naissance et qui n’a pas de possession d’état à son égard. L’action n’est recevable qu’à condition qu’aucune filiation maternelle ne soit établie. La loi du 8/1/93 a modifié l’article 341 c.civ. qui dispose désormais que la recherche de la maternité est admise sous réserve de l’application de l’article 341-1 c.civ. (relatif à l’accouchement sous X). L’action est donc admise sauf dans les cas d’accouchement sous X. L’enfant qui exerce l’action est tenu de prouver qu’il est celui dont la mère présumée ait accouchée. Cette preuve n’est pas librement recevable, et l’article 341 al. 3 précise qu’elle ne pourra être rapportée que s’il existe des indices ou présomptions graves. Une fois l’action jugée recevable, la preuve de la maternité peut être établie par tous moyens.

· L’action en recherche de paternité naturelle.

L’ancien droit admettait très largement la preuve de la paternité naturelle. Dans le code civil, l’article 340 interdisait l’action en recherche de paternité naturelle sauf dans les cas d’enlèvement de la mère. La loi du 3/1/72 a admis l’action à condition que l’on soit dans un des 5 cas de l’article 340 ancien = enlèvement ou viol de la mère pendant la période légale de conception ; séduction dolosive ; aveu écrit non équivoque ; concubinage ; participation à l’entretien de l’enfant. L’action en recherche de paternité était recevable à condition que l’on se trouve dans l’un de ses 5 cas, et était irrecevable dans les cas d’inconduite notoire de la mère, de commerce avec un autre individu, ou de preuve de l’impossibilité de la paternité. La loi du 8/1/93 a reformé le système en modifiant l’article 340 et l’action qui en découle.

* Les conditions de l’action de l’article 340 c.civ : les cas d’ouverture ont disparu et les fins de non recevoir ont été supprimées. L’action en recherche de paternité naturelle n’est pas librement recevable : l’article 340 al. 2 précise qu’elle n’est recevable que s’il existe des présomptions ou indices graves quant à la filiation paternelle de l’enfant. L’action ne sera jugée bien fondée que si l’enfant parvient à établir la paternité (preuve par tous moyens, y compris scientifiques). La jurisprudence respecte les conditions relatives au bien fondé de l’action, mais elle a adopté une solution différente pour la recevabilité : Civ.1, 11/2/97 admet que si l’article 340 exige des présomptions ou indices graves pour rendre admissible la preuve de la paternité naturelle, cette preuve peut être faite par tous moyens et donc résulter des présomptions et indices graves eux-mêmes.

L’action appartient à l’enfant mais pendant sa minorité, elle est exercée par la mère. Le défendeur est le père prétendu ou ses héritiers. L’action est enserrée dans un délai de 2 ans à compter de la naissance, de la rupture du concubinage, ou du moment où le père a cessé de participer à l’éducation de l’enfant. Elle peut être exercée par l’enfant dans les 2 ans suivant sa majorité. Ce délai de 2 ans est un délai préfixe (ne peut être suspendu ou interrompu) et d’ordre public (le juge peut soulever d’office la prescription).

* Les effets : si l’action est accueillie, elle entraîne l’établissement de la filiation paternelle naturelle. Le TGI statue dans le même temps sur le nom de l’enfant et sur l’autorité parentale. A la demande de la mère, le TGI pourra condamner le père à rembourser à la mère tout ou partie des frais de maternité et d’entretien. Si la demande est rejetée, le TGI pourra accorder à l’enfant des subsides.

L’action à fin de subsides.

Elle a été conçue par la loi comme une forme de consolation pour les enfants qui n’ont pas de filiation paternelle établie.

· Les conditions.

* Celles tenant au demandeur : deux catégorie d’enfants peuvent exercer cette action = tout enfant naturel dont la filiation paternelle n’est pas légalement établie (art. 342 al.1), sans distinction entre les filiations naturelles simples, adultérines, ou incestueuses ; et l’enfant d’une femme mariée si son titre d’enfant légitime n’est pas corroborée par la possession d’état (art. 342-1 c.civ.).

* Celles tenant au défendeur : l’action peut être intentée contre celui qui a eu avec la mère des relations sexuelles pendant la période légale de conception. Elle repose uniquement sur l’existence de relations sexuelles = il ne s’agit pas d’établir la filiation mais seulement de démontrer qu’elle n’est pas impossible. Le demandeur doit établir l’existence de relations sexuelles par tous moyens, et l’enfant qui utilise cette action à fin de subsides peut utiliser tous moyens de preuve, notamment scientifiques. Le juge peut ordonner des mesures d’expertise même sans présomption et indices graves rendant vraisemblable la paternité. Avant 93, la loi prévoyait que le défendeur pouvait faire échec à la mission de la demande en raison de la débauche de la mère. La loi de 93 a supprimé cette fin de non-recevoir (pour ne pas faire subir à l’enfant le comportement de sa mère). Le défendeur peut arguer que la mère a eu une pluralité d’amant  pendant la période légale de conception, et s’il existe à l’encontre des amants des fautes, le juge pourra mettre à leurs charges une indemnité destinée à assurer l’entretien de l’enfant.

* Les conditions de procédure : cette action à fin de subside suit les mêmes règles de procédure que dans le cas de l’action en recherche de paternité naturelle. Seuls les délais sont différents = pendant toute la minorité de l’enfant et pendant 2 ans après sa majorité.

· Les effets de l’action.

* Sur le plan matériel : l’action permettra, si elle aboutit, à l’enfant de recevoir de l’argent de son père potentiel = sommes calculées en fonction des besoins de l’enfant et des ressources du débiteur.

* Sur la filiation : en principe, l’action n’a aucun effet sur la filiation, car c’est une simple action en responsabilité. En cas d’échec de l’action en recherche de paternité naturelle, le défendeur peut donc être condamné à verser des subsides si des doutes persistent. En cas de succès, l’action à fin de subsides ne s’oppose pas à l’exercice d’une action en recherche de paternité naturelle, y compris contre le même homme, et la jurisprudence considère que le jugement qui accorde des subsides peut constituer le début de preuve nécessaire à l’action en recherche de paternité naturelle (Civ.1, 4/1/95). Cette décision avait été rendue sous l’empire de la loi d’avant 93, mais on peut considérer que la même solution serait retenue sous l’empire de la loi de 93.