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La formation du droit des affaires


Section 1 : Emergence et développement du droit commercial classique.
§1 : Le droit des marchands.

A/ L’antiquité, le Moyen Age et la renaissance.

1) L’antiquité (de 5.000 avant Jésus-Christ à 476 après Jésus-Christ).

Les Babyloniens (-4.000 à -539) : cette civilisation connaissait le libéralisme économique, car c’était un peuple où tout le monde était commerçant. Les répercussions sur les pratiques juridiques sont connues par le code du Roi Hammourabie (-1.700), qui envisage des aspects de droit de la famille, de droit pénal et de droit commercial, notamment des opérations de prêts à intérêt, le contrat de commission ou la société commerciale. On a aussi retrouvé un grand nombre de contrats qui montrent l’existence de diverses techniques dont le dépôt d’espèces dans des temples qui apparaissaient comme de véritables banques pratiquant le dépôt à intérêt.

Les phéniciens : bien que très marchands, leur héritage juridique se situe surtout en droit maritime.

Les grecs : ils ont colonisés le monde méditerranéen en installant en mer Noire et Méditerranée un ensemble de cités, constituant autant de relais pour les activités commerciales. Ils ont ainsi contribué au développement de la monnaie apparue sous le roi Crésus (VIIème avant JC) : chaque cité ayant sa propre monnaie propre, ils ont établi un système de conversion. Ils ont posé les fondements du droit des affaires : ils ont mis sur pied des sociétés de commerce maritime (ancêtres des société en commandite), des sociétés bancaires, de crédits et d’assurance.

Les romains : ils se sont surtout intéressés à la réglementation civile. En matière commerciale, leur théorie du droit des obligations a permis de véritables progrès en matière d’échanges commerciaux. En droit bancaire, ils ont perfectionnés les mécanismes relatifs aux opérations de change et les systèmes de cautionnement. Ils ont aussi renforcé le droit public économique en développant la fiscalité et en renforçant l’interventionnisme des pouvoirs publics (création de monopoles).

2) Le Moyen Age et la renaissance.

La chute de l’empire romain en 476 entraîne la disparition des villes importantes, d’où résulte un ralentissement de la vie commerciale et la mise en place d’une économie féodale défavorable au développement du droit. A partir du XIème, les croisades ayant ouvert de nouvelles routes commerciales, on assiste au développement de villes et de foires importantes dans toute l’Europe. Le renforcement du pouvoir étatique et la place du droit canonique vont ralentir le développement et l’édification d’un droit commercial libre : les pouvoirs publics ont réglementé certaines opérations commerciales, et l’Eglise a interdit le prêt à intérêt.

Au fil du temps, les pouvoirs publics vont encourager la tenue de foires et contribuer à leur réussite par la réglementation. Le droit canonique assortit l’interdiction de l’usure de diverses exceptions pour aider la structuration de l’industrie commerciale. La réforme calviniste (XVIème) opérera une distinction entre le prêt à la consommation (qui restera interdit) et le prêt à la production (qui sera autorisé).

Þ Durant cette période, des juridictions commerciales se mettent en place et le droit romain réapparaît, notamment son droit des obligations, ce qui permet la multiplication des contrats (de transports, d’assurance, ou de commission). L’apparition d’un droit bancaire favorise l’évolution de la comptabilité et du droit des sociétés. A la fin de la renaissance, les principaux caractères du droit commercial étaient apparus : il est international, individualiste, conventionnel, et tend vers la laïcité. Il est plus restitutif que répressif, et moins formaliste que le droit civil.

B/ Le droit commercial de 1673 à 1807.

1) Les ordonnances de Colbert.

Différentes mesures législatives ont marqué le passage de Colbert au poste de contrôleur général des finances de Louis XIV, dont l’ordonnance sur la procédure civile, et l’Edit de 1673 obligeant les métiers à se constituer en corporations. Les deux textes fondamentaux sont les ordonnances sur le commerce (1673) et sur la marine (1681), qui constituent la première législation officielle globale et structurée en droit commercial français.

L’ordonnance sur le commerce : le titre 1 évoque les commerçants en général ; le titre 2 est consacré aux agents de change ; le titre 3 traite des livres de commerce ; le titre 4 réglemente les sociétés ; les titres 5 et 6 réglementent les lettres de change et les effets de commerce ; les titres 7 à 11 s’occupent du droit des faillites ; le titre 12 organise les juridictions commerciales.

2) Caractéristiques du droit commercial entre 1673 et 1807.

Le laxisme des tribunaux de commerce, les corporations qui étouffent la réglementation,… vont contribuer à geler le droit commercial. La révolution permettra de poser des principes importants, dont celui de la liberté du commerce et de l’industrie (loi des 2-17/3/1791) ou l’interdiction des corporations (lois Le Chapelier des 14-17/6/1791).
§2 : La codification.

A/ L’élaboration et le contenu du code de commerce de 1807.

La Commission chargée de rédiger le code de commerce fut nommée en 1801, mais il ne s’agissait pas de la principale préoccupation de Bonaparte. Les scandales financiers et le nombre important de faillites vont relancer le projet : le code est promulgué en 1807 et compte 648 articles. Le livre 1 « du commerce en général » compte 180 articles ; le livre 2 est consacré au commerce maritime ; le livre 3 aux faillites et banqueroutes ; le livre 4 aux juridictions commerciales.

B/ Les faiblesses du code de commerce.

Il comporte de nombreuses insuffisances sur les questions financières, le fond de commerce, les valeurs mobilières, les contrats commerciaux. La partie consacrée au droit commercial général est réduite par rapport aux dispositions relatives aux faillites et au droit maritime. Les rédacteurs ont reproduit les ordonnances de Colbert sans tenir compte du fait qu’elles reposaient sur un régime corporatif, aboli par la révolution.

Deux visions du droit commercial s’opposaient dans le code : – une approche publiciste intégrant la réglementation commerciale parmi les missions générales de l’état.

– une approche privatiste enserrant le droit commercial dans le droit privé et le présentant comme une simple réglementation d’exception par rapport au droit civil.

Ces critiques, faites a posteriori se justifient par le fait que le droit commercial s’est développé dès l’origine en dehors du code de commerce. La réglementation intervenue en matière commerciale, en accompagnement de la révolution industrielle puis des différentes évolutions techniques, scientifiques, sociales, politiques et économiques, n’y a pas été intégrée. Ex : les droit de la propriété incorporelle, de la propriété industrielle, des sociétés, de la concurrence, des ventes commerciales,… ont été élaborés hors du code de commerce. Aujourd’hui, il ne compte plus qu’environ 150 articles.
Section 2 : Le dépassement du droit commercial classique et l’avènement du droit des affaires.
§1 : Le déclin du droit commercial classique.

C’était un droit professionnel, réservé aux commerçants qui avaient un statut spécifique et original. Actuellement, le commerçant ressemble de plus en plus aux autres travailleurs, les techniques spéciales du droit commercial sont utilisées dans d’autres domaines, les conflits commerciaux ne sont plus réglés par le Tribunal de commerce, mais par l’arbitrage, le recours à certaines AAI, à des juridictions de droit commun dans le cadre de procédures administratives, ou aux juridictions communautaires.
§2 : L’avènement du droit des affaires.

Ce terme est évoqué dans la doctrine commercialiste depuis le début du siècle, et s’est progressivement imposé. L’évolution du droit commercial a été marquée d’une part par sa vocation à saisir d’avantage les opérations économiques que les actes des commerçants proprement dits, et d’autre part par une tendance à avoir plus une fonction organisatrice que normative. L’observation de cette évolution a conduit les utilisateurs à penser progressivement que le terme de droit des affaires rendait mieux compte de la réalité. Aujourd’hui, cette notion est couramment utilisée même si ses contours ne sont pas délimités de manière très précise.
§3 : Le projet de refonte du code de commerce.

A/ L’élaboration du projet de refonte du code de commerce.

La Commission Supérieure de la codification a été instituée par le décret du 12/9/1989 : elle est présidée par le premier ministre, et vice-présidée par un président de section du CE. Elle comprend des membres qui représentent divers corps de l’administration (le CE, la Cour de cassation, la Cour des comptes), des représentants des députés, sénateurs et des services du Journal Officiel. Elle a pour mission de programmer les codes à établir, de fixer par directive générale les méthodes utilisées, et de coordonner les travaux conduits par les administrations.

Þ La réforme du code de commerce s’inscrit donc dans un mouvement ample de codification, car cette commission est chargée de coordonner des actions de codification dans des domaines divers.

Techniquement, la commission a défini les méthodes d’élaboration des codes : la codification consiste à rassembler et à ordonner des normes existantes sans créer de règles nouvelles ; les textes à codifier sont essentiellement les lois et décrets, et parfois certains arrêtés.

La commission envisage une partie communautaire dans les codes sans qu’elle soit intégrée dans la codification nationale. Elle a aussi tenté de répondre au problème constitué par les dispositions communes à différents codes, en indiquant dans chaque code pour ce type de dispositions de quel code principal elles relèvent.

B/ Le contenu du projet de code de commerce.

Il n’a pas encore été adopté, mais il est très important car il essaye de regrouper toute la matière.

Livre 1 « du commerce en général » : – définition de l’acte de commerce et du commerçant = réglementation relative à la définition et au statut du commerçant, puis les questions concernant les interdictions d’entreprendre une profession commerçante et le problème des commerçants étrangers.

– présentation des obligations générales des commerçants en matière d’inscription au registre du commerce et dans le domaine comptable.

– dispositions visant les sociétés coopératives de commerçants-détaillants, les magasins collectifs de commerçants indépendants, et les sociétés de cautions mutuelles.

– présentation de la réglementation relative aux bourses de commerce, et concernant les courtiers, les commissionnaires et les agents commerciaux.

– un titre est consacré aux fonds de commerce : règles relatives à leur vente et nantissement ; mécanismes de la location gérance ; évocation du contrat de bail commercial.

Livre 2 « des sociétés commerciales et des autres groupements » : présentation du fondement du droit français des sociétés commerciales constitué par la loi du 24/7/1966 et son décret d’application du 23/9/1967, qui décrivent le droit commun des sociétés et le droit spécial particulier à chaque type de société. On trouve aussi la réglementation concernant les groupements d’intérêts économiques.

Livre 3 « de la vente et des clauses d’exclusivité » : rappel des spécificités de la vente en matière commerciale : des textes relatifs aux ventes en solde, à la vente résultant d’une liquidation, ainsi que diverses dispositions qui régissent les conventions contenant des clauses d’exclusivité.

Livre 4 « de la concurrence et des prix » : on y retrouve l’ordonnance du 1/12/1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence. Les principales règles de la concurrence y sont exposées, suivies de la présentation des questions relatives aux pouvoirs d’enquête et des règles relatives au Conseil de la concurrence.

Livre 5 « des effets de commerce et garanties » : un titre sur les effets de commerce, l’autre sur les garanties.

Livre 6 « des difficultés des entreprises » : il envisage la prévention des difficultés des entreprises, puis aménage les procédures de redressement et de liquidation judiciaire, ainsi que la réglementation concernant les différents intervenants dans les opérations de redressement et liquidation (administrateurs judiciaires, mandataires judiciaires à la liquidation des entreprises, et experts en diagnostic d’entreprise).

Livre 7 « organisation du commerce » : il contient la réglementation qui définit le statut et les modalités de fonctionnement des chambres de commerce et d’industrie, ainsi que la réglementation concernant les équipements commerciaux et plus généralement l’urbanisme commercial.

Livre 8 : les dispositions relatives aux juridictions commerciales : il regroupe les textes relatifs à l’organisation et à la compétence des juridictions commerciales, la discipline que doit respecter le personnel, le mode d’élection des juges, les dispositions concernant l’organisation du greffe des tribunaux de commerce, les dispositions applicables à certains départements (Alsace, Moselle, DOM).

Ce code n’a pas encore été adopté. Celui en vigueur aujourd’hui date de 1807, et 4 codes doivent être présentés au Parlement, à savoir le code de commerce, le code économique et financier, le code de la communication et du cinéma, et le code de l’environnement.

Remarque : un vrai code est ordonné par rapport à une problématique. Les éditeurs appellent « codes » des recueils de textes qui ne sont pas rangés : ce ne sont pas des codes.