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L’acte infractionnel: le fait


Le droit pénal manifeste une indifférence au résultat : l’auteur de l’agissement est poursuivi quel que soit le résultat atteint.

Section 1 : La matérialité de l’acte.
§1 : La distinction des infraction autonome et conditionnelle.

Elle permet de différencier les comportements constitutifs d’une infraction de leurs seuls existences, de ceux qui supposent que soit remplie une condition préalable.

La condition préalable : – pénale : la condition est une infraction. Ex : l’usage de faux, le recel, la complicité,… En cas de recel, il s’agit d’un préalable chronologique (le vol précède le recel) ; pour la complicité par aide ou assistance, le préalable a lieu en même temps ; pour la complicité par provocation, la condition préalable est antérieure.

– quelconque : dans le cas de l’abus de confiance, la situation juridique est celle qui permet le détournement.
§2 : La diversité des actes.

A/ Les infractions d’action et d’omission.

Un délit d’action est un agissement qui s’exprime par un acte positif.

Un délit d’omission se caractérise par l’abstention = la non dénonciation de crime (art. 444-1), la non assistance à personne en danger (art. 223-6), l’omission d’un témoignage en faveur d’un innocent (art. 434-11), la non représentation d’enfants (art. 227-5),… L’article 223-7 du code pénal ajoute l’abstention de prendre ou de provoquer les mesures permettant de combattre un sinistre de mesure à créer un danger pour la sécurité des personnes.

Crim, 20/3/1997 : une personne, qui après le décès de son père, continue à percevoir sur le compte du défunt la retraite, et à la dépenser a été poursuivie pour escroquerie. La CA a retenue l’escroquerie en estimant qu’elle était constituée dès que le fils a fait fonctionner indûment le compte du défunt = un acte positif destiné à permettre la remise la pension.

La Cour de cassation confirme la qualification d’escroquerie, mais elle la retient en raison du fait que l’organisme de pension n’avait pas été averti du décès = délit d’omission.

Le délit de commission par action est constitué quand l’infraction se compose à la fois d’un acte positif et d’un acte négatif. La jurisprudence refuse cette qualification dans la plupart des cas, car elle n’est pas susceptible de caractériser un élément matériel.

L’affaire de la séquestre de Poitiers : une personne loge sa parente (grabataire), qui passe ses journées dans sa chambre. Elle décède au bout de quelques mois en raison de l’absence de soin et de nourriture. Le fait de ne pas l’avoir nourri constitue bien un acte négatif, mais l’absence de soin et de nourriture est une décision de l’agent et constitue donc un acte positif. La CA Poitiers, 20/11/1901 a refusé de retenir le délit de coup et blessures volontaires, car il suppose une action (donner des coups) et non pas une omission (ne pas nourrir).

Crim, 15/3/1972 : l’usage constitutif de l’abus de biens sociaux peut être un non usage (= une omission) : en l’espèce, il s’agissait du fait de ne pas avoir réclamé l’argent du à une entreprise dans laquelle la personne avait des intérêts.

B/ Les infractions matérielle et formelle.

Un délit matériel est constitué par l’obtention d’un dommage subi par la victime.

Un délit formel est constitué par un acte qui ne constituerait qu’une tentative dans une infraction matérielle. Ainsi, l’empoisonnement est une sorte d’assassinat : il est constitué non pas par le décès de la victime, mais par l’absorption de produit mortel. En cas d’assassinat, l’absorption ne serait que le début d’exécution.

C/ Les infractions instantanée et continue.

Une infraction instantanée suppose un acte immédiat (le vol, l’homicide volontaire,…).

Une infraction continue se déroule sur une certaine période (recel, délit d’ingérence,…)

L’intérêt de cette distinction se situe dans le délai de prescription : pour une infraction instantanée, il commence à courir à compter de l’acte ; pour une infraction continue, il court du jour où l’activité prend fin.

Le délit continu est à différencier : – du délit permanent : ce dernier se commet dans l’instant, mais ses effets se prolongent dans le temps (délit d’affichage,…).

– du délit réitéré : renouvellement régulier de l’escroquerie (exercice illégal d’une profession,…)

D/ Les infractions d’occasion et d’habitude.

Un délit d’habitude est constitué par la répétition de faits qui eux-mêmes peuvent être licites. Il est constitué dès que l’agent effectue le second fait. Ex : l’escroquerie est caractérisée si une manoeuvre frauduleuse est établie, et si la chose est remise à autrui.

Un délit d’occasion est constitué par un seul acte.

E/ Les infractions simple et complexe.

Un délit complexe suppose au moins deux éléments successifs pour que l’élément matériel soit constitué.

Un délit simple ne suppose qu’un seul acte (le vol, le meurtre,…)

L’intérêt de cette distinction se situe au regard de la prescription de l’action publique, et de la compétence territoriale : si l’un des actes est commis en France, les juridictions françaises sont compétentes.
Section 2 : Le résultat.

Le résultat légal est celui prévu dans les textes de qualification. Toute incrimination prévoit un certain résultat.

Le résultat réel (sociologique) se traduit par un préjudice, une lésion de la victime.
Sous-section 1: L’indifférence au résultat légal (étude de la tentative).

L’article 121-5 du code pénal édicte qu’une tentative est constituée dès lors qu’elle est manifestée par un commencement d’exécution, qu’elle n’a pas été suspendue ou n’a manqué son effet qu’en raison de circonstances indépendantes de la volonté de son auteur.

L’article 121-4 du code pénal ajoute qu’est auteur de l’infraction la personne qui tente de commettre un crime, ou dans les cas prévus par la loi, un délit.

La répression de la tentative a été contestée il y a quelques années en raison de l’absence de trouble social, mais le droit pénal prend en compte l’intention. Par définition, la tentative est un achèvement non obtenu en raison de circonstances indépendantes de la volonté, ou car le résultat visé est impossible.
§1 : L’hypothèse de l’infraction réalisable.

A/ Le commencement d’exécution.

1) Les critères.

Il faut un projet criminel (le désir de commettre l’acte), les actes préparatoires à sa réalisation, et le passage à l’acte. Le commencement d’exécution reste difficile à différencier des actes préparatoires, et pourtant cette distinction est essentielle, car un acte préparatoire pris isolément (achat d’une arme,…) n’est pas susceptible d’être considéré comme caractérisant l’élément matériel de la tentative quand ils ne peuvent être rapprochés de la réalisation de l’infraction.

Il existe deux thèses pour définir le commencement d’exécution : – la thèse objective considère qu’il n’y a commencement d’exécution que s’il est certain que l’ordre social est atteint par l’acte. La tentative ne sera punissable que si l’auteur de l’infraction est pris en flagrant délit avant de commettre l’acte = elle ne sera que rarement constituée.

– le critère subjectif d’Ortollan consiste a considérer qu’il y a commencement d’exécution quand l’acte constitue l’un des éléments légaux de l’infraction. C’est l’intention qui compte = elle doit être concrétisée.

2) La jurisprudence.

Bien qu’hésitante, la jurisprudence a défini des critères précis. Le commencement d’exécution est « un acte qui tend directement au délit lorsqu’il a été accompli avec l’intention de le commettre » ou un « acte devant avoir pour conséquence directe et immédiate la consommation du crime », l’auteur étant « rentré dans la période d’exécution ».

Crim, 25/10/1962 Lacour : la fait de demander à un tueur à gages d’exécuter un homme ne peut être poursuivi sur le fondement de la tentative si l’exécutant n’a pas effectué son forfait.

Certains arrêts utilisent la notion « d’acte qui doit avoir pour conséquence directe et immédiate ». Directement renvoie au lien de causalité ; immédiatement se réfère à la proximité dans le temps.

Crim, 3/5/1974 Ramel : un négociant en vin tente de tromper ses clients sur l’origine des produits. L’infraction est constituée à partir du moment où les clients ont passé commande. La Cour de cassation confirme la condamnation car les propositions de vente appuyées par l’envoi d’échantillon devaient, dans l’intention de son auteur, déterminer l’intention de la vente.

B/ L’absence de désistement volontaire.

Il s’agit de la condition négative exigée pour la constitution d’une tentative punissable. Le processus criminel étant interrompu, il n’y a pas de punition possible. Cela est dû à la nécessité d’inciter l’auteur d’un acte constitutif d’une tentative à revenir sur sa décision.

1) La notion de désistement volontaire.

Le désistement doit vraiment être volontaire, c’est-à-dire ne pas être la conséquence de la survenance d’un élément extérieur (arrivée de la police, résistance d’un coffre fort,…). Dans la pratique, le plus souvent, il y a un élément extérieur à coté de la décision de celui qui s’apprêtait à commettre l’acte. Pour la jurisprudence, il faut regarder quelle cause du désistement est prépondérante.

Crim, 3/1/1973 Bachem : un individu veut dérober des marchandises dans un magasin : il remplit un carton, le place dans un chariot qu’il abandonne avant d’aller à la caisse. Il est arrêté à la sortie du magasin pour tentative de vol. Le désistement volontaire est rejeté par la Cour de cassation car le désistement est dû au refus du concours d’une personne de sa famille présente dans le magasin, et à la présence de vigiles.

Crim, 20/3/1974 Weimberg : la Cour de cassation rejette la tentative de vol = retient le désistement volontaire. Elle remarque que les relations amicales nouées entre le voleur et la personne rencontrée sur le chemin du bureau de tabac (qu’il s’apprêtait à dévaliser) ont conforté le voleur dans l’idée selon laquelle il ne serait pas dénoncé.

2) Le moment du désistement volontaire.

Le désistement doit se produire à temps, c’est-à-dire être antérieur à la consommation de l’infraction. Le désistement volontaire ne doit pas être confondu avec le repentir actif.

Le repentir actif est constitué quand, une fois l’infraction consommée, l’auteur essaie de réparer ses actes. Le repentir actif n’a aucune conséquence sur la définition de la tentative. Sera considéré comme repentir actif le fait de faire boire un antidote à une personne que l’on aura auparavant empoisonné.

Le désistement volontaire sera retenu dans le cas d’une personne qui, d’un coup de feu, en atteint une autre, puis, par des soins immédiats, fait en sorte qu’elle ne décède pas. En effet, dans cet exemple, l’auteur de l’infraction aura interrompu le crime de sa propre initiative.

§2 : L’infraction impossible.

Aucun texte spécial ne l’incrimine. Psychologiquement, elle présente toutes les conditions pour s’accomplir, mais le résultat est irréalisable faute d’objet ou faute de moyen (ex: un homme qui tire sur un cadavre, ou un individu qui force un coffre vide).

L’ancien code pénal était ambigu : le nouveau y est toujours pour l’emprisonnement. L’article 221-5 du nouveau code pénal dispose que l’empoissonnement n’existe que si les substances administrées sont de nature à entraîner la mort. L’administration de substances nuisibles, autres que de nature à donner la mort, ne peut pas constituer une infraction. Il s’agit d’un délit impossible non punissable.

A/ La doctrine.

Elle a évolué : au XIXème, elle considérait que si un acte était inoffensif, il ne fallait pas le poursuivre.

Cette analyse a été remise en cause : Ortollan a posé une distinction entre l’impossibilité relative et l’impossibilité absolue. L’impossibilité relative recouvrait l’impossibilité faute de moyens (revolver vide) : l’intention étant constatée, il fallait punir.

L’impossibilité absolue correspondait aux impossibilités faute d’objet (homicide sur un mort) : la répression n’a pas de sens puisque l’infraction n’est pas possible.

Cette distinction permet de ne plus refuser toute poursuite pénale.

Un autre auteur a proposé une distinction selon l’impossibilité de droit (quand la qualification est impossible, les conditions légales n’étant pas réunies) et l’impossibilité de fait (qui doit être réprimée : cas du pickpocket qui met sa main dans une poche vide).

Cette distinction était trop subtile pour être appliquée de manière cohérente. En effet, le cas du pickpocket peut aussi être une impossibilité de droit.

B/ La jurisprudence.

A partir de 1928, la chambre criminelle s’est orientée vers une répression de cette infraction impossible : elle la considère comme une infraction tentée, et la rattache donc à la tentative. Cette idée est contestable sur le plan théorique, même s’il est vrai que l’on retrouve l’intention criminelle dans la commission de l’infraction impossible.

En 1986, la chambre criminelle de la Cour de cassation a condamné un meurtre réalisé sur une personne déjà décédée.

Par exception, certains comportements ne sont pas punis : exemple des infractions putatives = l’enlèvement d’une jeune fille mineure alors que l’auteur de l’enlèvement la croit majeure ; homicide par envoûtement en invoquant les puissances du mal.
Sous-section 2 : L’indifférence au résultat réel.
§1 : L’infraction formelle.

Il s’agit d’un comportement constitutif d’infraction qui ne constitueraient qu’un commencement d’exécution si le résultat réel et le résultat légal coïncidaient. La tentative constitue à elle seule la consommation de l’infraction, indépendamment du résultat.

A/ L’attentat comprend la tentative.

Il s’agit d’une infraction de moyen : l’atteinte est effectuée et la valeur protégée n’est pas une condition de l’incrimination. Ce qui est puni c’est le moyen utilisé. La réussite n’est pas essentielle pour le législateur.

L’atteinte à la vie humaine est très accessoire : on punit l’auteur avant que le résultat ne soit atteint : éléments légal, matériel, et moral.

L’attentat à la pudeur (art. 331 du code pénal) est une infraction formelle.

B/ La tentative d’attentat.

Elle consiste en la prise en compte des éléments préparatoires.

En matière d’empoisonnement, le fait de disposer du poison de sorte qu’il soit absorber par la victime constitue une tentative. Le recours à un intermédiaire complique les choses.

Ex : un mari veut tuer sa femme. Il prépare une potion qu’il donne à la femme de chambre pour qu’elle l’emmène à sa femme.

Si la femme de chambre est inconsciente : il n’y a pas de répression de son acte, car il ne constitue que l’élément matériel du comportement du mari.

Si elle est saisie d’un doute et se rend compte qu’il s’agit d’un poison : le mari sera poursuivi pour tentative d’empoisonnement.

Si elle est consciente qu’il s’agit d’un poison : elle sera coupable, et le mari sera complice de fourniture d’empoisonnement.

Si elle accepte dans un premier temps, puis refuse ensuite : même si l’intention du mari est établi, il ne pourra être poursuivi car la complicité suppose une infraction principale punissable.
§2 : L’infraction obstacle.

Le législateur érige un comportement en infraction pour faire obstacle à une infraction prévisible. Elle ressemble à l’infraction formelle, car elles sont toutes deux constituées par un simple danger. La grande différence réside dans le fait que l’infraction formelle suppose que l’acte érigé en commission de l’infraction soit une tentative, alors que l’infraction obstacle remonte beaucoup plus loin dans le processus (actes préparatoires).

Ex : la conduite sous l’emprise d’un état alcoolique est sanctionné même en l’absence de dommage causé à autrui ; l’abandon d’arme (art. 541-1 du code pénal) présente un risque de meurtre ou de coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner ; …

Le régime juridique de cette infraction : – elle peut coexister avec d’autres infractions pour lesquelles le résultat est nécessaire = la conduite en état d’ivresse peut s’accompagner d’un homicide par imprudence.

– la cour d’Assises est compétente pour les crimes, mais aussi pour les délits obstacles.