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Les Droits de l’Homme et les libertés publiques dans les constitutions post-révolutionnaires françaises


Après 1795, les constitutions se bornent à rappeler dans leurs textes les principes proclamés en 1789 sans les enrichir, ni revenir sur leurs fondements, même si ces principes n’étaient pas respectés dans les faits ou les textes. Les libertés publiques et Droits de l’Homme ne ressusciteront alors qu’en 1848.
§1 : Le préambule et la constitution du 4/11/1848.

L’assemblée élue après les journées révolutionnaires de juin 1848, est chargée de préparer une nouvelle constitution (IInde République) qu’elle fera précéder d’un préambule définissant la philosophie du régime.

· Le chapitre 2 énonce des droits des citoyens reconnus par la République comme étant supérieurs et antérieurs aux lois positives. Les libertés de 1789 sont réaffirmées sans aucune exception. L’état est obligé à des interventions positives envers les citoyens (obligation de protection, d’instruction, d’assistance, de procurer du travail,… = apparition des droits de créances de l’homme sur la société). L’individualisme est atténué et on reconnaît des droits à la famille, ainsi que des libertés collectives aux individus.

· Le caractère abstrait et l’universalisme des déclarations tend à s’atténuer : le texte s’adresse désormais au citoyen français dans ses relations avec la République : on prend en considération l’infirme, le vieillard,… L’énoncé des droits est souvent accompagné de l’indication des moyens nécessaires pour les exercer pleinement : la liberté des cultes est assurée par le versement d’un salaire au ministre des cultes ; le développement du travail est assuré par l’enseignement gratuit, l’éducation professionnelle,…

Þ Le préambule de 1848 est fidèle aux idées de 1789, tout en affirmant des libertés novatrices. En fait, les libertés sont grignotées : liberté d’association supprimée (1850) ; liberté de la presse entravée,… La constitution de 1852 (IInd Empire) confirme la DDHC, mais beaucoup de libertés seront bafouées.

Les lois constitutionnelles de la IIIème République ne font aucune place aux droits et libertés, mais la loi en consacrera beaucoup, notamment les libertés de réunion et de la presse (1881), la liberté syndicale (1885), la loi sur les associations (1901). Le CE favorise aussi leur essor en augmentant les pouvoirs du juge, en restreignant le domaine des actes de gouvernement, et en élargissant l’accueil des REP. Des zones d’ombre persistent : la liberté religieuse n’est pas reconnue.

Ni la première guerre mondiale ni l’entre-deux-guerres (montée du totalitarisme) ne seront propices aux libertés, et la seconde guerre mondiale aggravera même leur sort : le régime de Vichy les interdit ou les soumet à autorisation préalable. Les libertés publiques renaîtront après 1945.
§2 : Le préambule de la constitution du 27/10/1946.

A/ L’élaboration du préambule.

L’assemblée élue en octobre 1945 pour élaborer une nouvelle constitution, s’accorde pour la faire précéder d’une déclaration des droits. Pour la majorité socialiste-communiste, il n’existe pas de droits naturels mais des droits historiques liés à l’évolution socio-économique du pays : il s’agit dans les déclarations d’affirmer ces nouveaux droits. Pour le MRP, il convient de réaffirmer les droits naturels qui ont une valeur éternelle, en atténuant leur individualisme et en y ajoutant des perspectives sociales. Malgré tout, un accord se fait sur un texte intégré à la constitution : il limite certaines libertés publiques, et en assortie d’autres de réserves. Il ne sera pas adopté car le projet de constitution est rejeté par référendum. La nouvelle assemblée constituante élue retient l’idée d’un préambule qui doit rappeler les principes de 1789 et consacrer de nouveaux droits économiques et sociaux.

B/ Le contenu du préambule.

La déclaration préliminaire confirme la philosophie traditionnelle des Droits de l’Homme, puis  réaffirme :    – les Droits de l’Homme et libertés publiques consacrées par la DDHC (retour en droit positif).

– des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République : cette formule, adoptée au dernier moment, deviendra à partir de 1971 une des dispositions les plus riches en conséquence.

Dans le préambule, le peuple français proclame des principes politiques, économiques et sociaux  particulièrement nécessaires à notre temps : l’égalité homme/femme, le droit d’asile, une rubrique consacrée au travail (droit à l’emploi, devoir de travailler, liberté d’opinion dans le travail, liberté syndicale, droit de grève, droit de participer à la détermination des conditions de travail), le principe de nationalisation des monopoles, l’obligation pour la nation d’assurer à l’individu et la famille, les conditions nécessaires à leur développement (droit à une existence décente, à l’instruction, à la culture, à l’enseignement,… mais aucune allusion à la liberté d’enseignement).

Les dirigeants seront fidèles à ces principes, et amélioreront par la loi les principes préexistants.
§3 : Le préambule de la constitution du 4/10/1958.

Il est très bref, et reprend à son compte les déclarations précédentes, sans rien y ajouter. Les libertés publiques sont traitées dans le préambule, mais le texte de la constitution les envisage aussi : l’article 2 réaffirme l’égalité devant la loi et la liberté de conscience ; l’article 34 réserve au législateur le soin de fixer les garanties fondamentales des libertés publiques ; l’article 66 confie au juge judiciaire la protection de la liberté individuelle ; un titre entier est consacré au Conseil constitutionnel, qui à partir de 1971 jouera un rôle prépondérant en matière de libertés publiques. La DDHC et le préambule de 1946 ont valeur constitutionnelle : ils font partie du bloc de constitutionnalité.

La protection des libertés publiques depuis 1958 :   – avant les années 1970, le bilan est mitigé en raison de la guerre d’Algérie (tortures, état d’urgence, application de l’article 16, création de juridictions d’exception,…). Mais quelques textes sont favorables aux libertés, tels que la loi Debré sur la liberté d’enseignement (1959). A la fin de la Guerre d’Algérie en 1962, les libertés publiques progressent, mais timidement : loi de 1963 sur les objecteurs de conscience (statut reconnu, mais publicité interdite), création en 1964 de l’ORTF qui accorde un monopole d’état sur la télévision et la radio: la liberté d’information est aux mains du pouvoir.

– à partir des années 1970, les libertés publiques réapparaissent : loi relative à la contraception (1967), à l’IVG (1975), au droit à la vie privée (1970), création du médiateur de la République (1973), de la CADA et de la CNIL (1978-1979), consécration de la liberté de communication individuelle (1982), lois bioéthiques (1994). En parallèle, le juge renforce son contrôle sur les atteintes aux libertés publiques : le CE généralise le contrôle de l’erreur manifeste ; le Conseil constitutionnel reconnaît valeur constitutionnelle à la DDHC, au préambule de 1946 et aux PFRLR. Quelques zones d’ombre persistent : le vote de la loi sécurité et liberté, les restrictions à la liberté d’aller et venir, les affaires des écoutes téléphoniques, les condamnations par la CEDH pour torture ou délai non raisonnable dans les jugements,…