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Les institutions juridictionnelles


Ce sont les organismes ou autorités chargées d’accomplir au nom de l’état une action juridictionnelle = des juridictions.

· La notion de juridiction.

Il n’y a pas de difficulté quand le texte répond à la question de leur qualification, c’est à dire quand il précise expressément et directement qu’un organisme est une juridiction. L’organisme peut aussi être qualifié expressément mais indirectement de juridiction si le texte précise que les décisions qu’il prend sont des jugements, qu’elles bénéficient de l’autorité de chose jugée, ou qu’elles sont susceptibles d’un recours en cassation.

Le problème se pose quand le texte est silencieux sur ce point, et il revient donc à l’interprète du texte de qualifier l’organisme. Deux critères sont indispensables :           – l’organisme doit disposer d’un pouvoir de décision, car « juger, c’est décider ». S’il n’a qu’un rôle consultatif, ce n’est pas une juridiction.

– l’autorité à qualifier doit être collégiale. Les juges uniques ne peuvent être créés qu’expressément par la loi.

Beaucoup d’organismes collégiaux ont un pouvoir de décision mais ne sont pas des juridictions pour autant = il faut aussi un certain nombre d’indices, qui s’ils se regroupent en faisceaux permettent de qualifier l’autorité collégiale de juridiction.

Indice organique = composition de l’organisme. S’il comprend des magistrats, il y a de fortes chances que ce soit une juridiction.

Indice procédural = la procédure suivie devant l’organisme. Si elle est contradictoire (= répond au principe selon lequel aucun élément de l’affaire à juger ne peut être connu ou utilisé par le juge s’il n’a été discuté par les parties au procès).

Indice matériel = nature de la mission impartie à l’organisme. CE, 12/12/53 (arrêt De Bayo) avait été saisi d’un recours contre une décision du Conseil de l’Ordre des Vétérinaires. Pour savoir s’il s’agit d’un recours en excès de pouvoir ou d’un recours en cassation, le CE a du qualifier l’organisme : s’il agit en tant qu’activité administrative, l’acte est un acte administratif unilatéral et le recours est un recours en excès de pouvoir ; s’il agit en tant que juridiction, la décision est un jugement, et le recours est un recours en cassation.

Le CE a énoncé qu’un organisme doit être qualifié de juridiction « eu égard à la nature de la matière » dans laquelle il intervient. Il a donc estimé que quand les conseils de l’ordre exercent des attributions relatives à  l’organisation de la profession, ils exercent une activité administrative, et quand ils statuent en matière disciplinaire, ils agissent en qualité de juridiction. Il se place d’un point de vue matériel pour qualifier un organisme de juridiction.

Dans le silence des textes, une juridiction est donc une autorité collégiale chargée de régler un contentieux, et plus précisément, chargée de remplir une mission de répression disciplinaire.

· Un système de dualisme juridictionnel.

* La méfiance des révolutionnaires à l’égard des tribunaux ordinaires : le but était d’empêcher la résurgence des parlements d’Ancien Régime. Il a donc été interdit aux juges de contrôler l’administration. La loi des 16-24/8/1790 énonce « les fonctions judiciaires sont distinctes et demeurent toujours séparées des fonctions administratives. Les juges ne pourront à peine de forfaiture troubler de quelque manière que ce soit les opérations des corps administratifs ». Elle pose donc le principe de la séparation des autorités judiciaires et administratives.

Le décret du 16 fructidore an 3 précise : « défenses itératives sont faites aux tribunaux de connaître des actes de l’administration de quelques espèces qu’ils soient ». Ces textes interdisaient aux tribunaux ordinaires de connaître les litiges administratifs.

* La nécessité d’assurer un contrôle juridictionnel de l’administration : les tribunaux ordinaires étant incompétent, ce fut d’abord à l’administration elle même que revint le pouvoir de statuer sur les réclamations dirigées contre elle = système de l’administrateur juge. Avec le développement de la doctrine de l’état de droit, et sous Bonaparte, il y eu une évolution : création par la loi du 28 pluviose an 8 des conseils de préfecture chargés sous la présidence du préfet de statuer sur un certain nombre de litiges administratifs ; création du CE par la constitution de l’an 8 comme un conseil du gouvernement, puis évolution de son rôle : préparation d’un projet de solution aux litiges dans lesquels l’administration était partie, puis l’administration s’est mise à suivre systématiquement le projet de solution du CE, et en 1806, une commission du contentieux chargée de régler les litiges dans lesquels l’administration est partie a été créée au sein du CE, et la loi du 24/5/1872 a fait du CE une véritable juridiction quand il règle une question en matière administrative.

L’administration est soumise au contrôle d’une vraie juridiction.