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Les organes de contrôle de l´Union européenne


Le Parlement et la CJCE ont été institués par les traités fondateurs = ils existent depuis l’origine, et ont toujours été communs aux 3 communautés. Ces deux organes ont la particularité d’exercer leurs attributions dans un domaine très large, non limité par son objet.

Le Parlement européen est élu au SUD, ce qui est une originalité des communautés. Son statut et ses attributions ont toujours été au cœur des polémiques entre partisans d’une fédération ou d’une confédération : ces querelles sont à l’origine d’évolutions de droit (modification des traités) et de fait (évolution dans la pratique). C’est un organe de contrôle, mais c’est surtout un élément de la démocratie parlementaire, de la défense au niveau communautaire des droits des citoyens : il examine leurs pétitions, nomme le médiateur communautaire chargé de traiter les plaintes relatives au mauvais fonctionnement de l’administration communautaire.

La CJCE est le juge interne des communautés, et non pas un arbitre des différends entre les états membres. Le juge communautaire se distingue du juge international par 4 points : – la CJCE est une juridiction obligatoire = les états membres sont soumis de plein droit à sa compétence alors que la justice internationale est une justice volontaire consentie par les états.

– la CJCE ne peut pas refuser de statuer sous peine de déni de justice. La justice internationale admet l’existence de litiges non justiciables.

– la CJCE juge les différends entre les particuliers (personnes physiques ou morales) et les institutions communautaires, alors que l’individu est exclu de la justice internationale. Il peut être sujet de droit communautaire.

– les arrêts de la CJCE sont obligatoires et exécutoires sur le territoire des états membres, ce qui n’est pas le cas des décisions des juges internationaux.

La CJCE est donc plus un pouvoir juridique qu’un simple organe judiciaire. C’est une institution communautaire autonome.
Section 1 : L’organe de contrôle politique : le Parlement.

Jusqu’en 1979, il s’agissait d’une simple assemblée consultative sans pouvoir. Le mode de désignation de ses membres a changé en 1976 ce qui en a fait une assemblée représentative. Elle est devenue une assemblée parlementaire qui revendique sans cesse de nouvelles attributions plus conformes à sa légitimité : étant le seul organe communautaire élu directement au SU, il doit avoir des pouvoirs réels. Il s’est autoproclamé Parlement en 1962, et cette dénomination sera officialisée par l’Acte Unique.
§1 : L’organisation et le fonctionnement du Parlement européen.

A/ La composition du Parlement européen.

Les traités fondateurs prévoient que le Parlement est composé de représentants des peuples des états réunis dans les communautés.

1) La désignation des membres du Parlement.

Le principe de l’élection au SUD était prévu dès l’origine pour les 3 communautés, mais selon des modalités différentes. En 1951 puis 1957, ce mode d’élection apparaissait encore prématuré. A l’origine, l’assemblée était composée de délégués désignés par les parlements nationaux en leurs seins, selon une procédure fixée par chaque état. Dans les années 1960, l’assemblée a réclamé l’élection au SUD mais il y a eu des obstacles – politiques : en 1951, l’élection d’une assemblée consistait à réintroduire l’Allemagne dans le concert des nations européennes, et la France de De Gaulle et de Pompidou a refusé.

– juridiques : l’adoption d’une procédure électorale uniforme fait craindre à la France et à la GB que le résultat des élections européennes soit très différent des résultats nationaux.

– techniques : la pondération du nombre de représentants par état en fonction d’un critère démographique risquerait d’entraîner une réduction du nombre de sièges de certains états, qui y sont donc opposés. Aujourd’hui, l’Allemagne a 99 sièges ; la France, l’Italie et la GB en ont 87 ; l’Espagne en a 64 ; les Pays-Bas 31 ; … ; le Luxembourg en a 6.

Le sommet de Paris de 1974 a relancé le processus : le Conseil adopte en 1976 la décision de l’élection au SUD, ce qui constitue un grand pas, même si chaque état a un mode de scrutin différent. La France utilise la RP à la plus forte moyenne ; la GB utilise le SM uninominal à un tour. Cette diversité apparaît néfaste pour le Parlement : il n’est que la somme d’élections nationales ; l’Europe est en grande partie absente du débat électoral, le vote ayant lieu par référence à des critères nationaux ; et les électeurs sont peu mobilisés par ces élections (taux d’abstention de 40% en moyenne aux dernières élections).

Le traité d’Amsterdam, qui était très attendu sur ce point, prévoit seulement que le Parlement doit faire des propositions pour permettre des élections selon une procédure électorale uniforme : ce n’est toujours pas à l’ordre du jour du Parlement, car cela le modifierait beaucoup, en l’investissant d’une légitimité communautaire = il représenterait un peuple européen.

Il existe tout de même quelques dispositions obligatoires pour les états : le principe du vote unique (nul ne peut voter plus d’une fois), le calendrier général des élections (elles ont lieu dans tous les états au cours de la même période). Les états gardent la liberté de fixer le jour du scrutin, et les conditions relatives à l’électorat, à l’éligibilité. Depuis Maastricht, les ressortissants communautaires résidant dans un état dont ils n’ont pas la nationalité peuvent voter et être élus pour les élections au Parlement européen dans chaque état membre = un élément de la citoyenneté européenne. La composition du Parlement reflète la couleur politique des états membres.

2) Le statut des membres.

Le nombre de députés européens n’a pas cessé d’augmenter avec les élargissements successifs : il y a 626 membres mais le Traité d’Amsterdam limite à 700 le nombre de membres même après l’élargissement à l’est. Le mandat dure 5 ans, est représentatif, ce qui interdit le mandat impératif et impose le vote personnel et individuel. Les parlementaires européens bénéficient de privilèges et immunités tels que la liberté de circulation, l’irresponsabilité (= immunité liée au mandat parlementaire), l’inviolabilité (= protection du parlementaire pour des actes non liés à son mandat). Ces immunités ne peuvent être levées que par le Parlement lui-même.

Ils sont soumis à des incompatibilités avec la qualité de membres de gouvernements (ils peuvent siéger au Conseil des ministres) ; avec la qualité de membres et de fonctionnaires des institutions et organismes communautaires les plus importants.

B/ L’organisation du Parlement européen.

Elle est de plus en plus parlementaire, très inspirée par les parlements nationaux. Il a d’ailleurs un pouvoir d’autorégulation.

1) Les formations.

· Le Président du Parlement : c’est un député européen élu par ses pairs pour 2 ans et 6 mois. Aux trois premiers tours, la majorité des suffrages exprimés est nécessaire ; en cas de quatrième tour, seuls les deux candidats arrivés en tête au troisième tour y participent, et la majorité relative suffit. Dans la pratique, l’élection fait l’objet d’un accord préalable entre les grands partis au détriment des petits partis. Il a une fonction essentiellement protocolaire de représentation et de direction du travail du Parlement. Actuellement, ce poste est occupé par José Maria Gil-Roblès.

14 vice-présidents, élus de la même façon que le Président, l’assistent ou le suppléent.

5 questeurs, élus selon le même mode, sont en charge des questions matérielles et administratives du Parlement.

Le Président, les vice-présidents, et les questeurs forment le Bureau.

· La Conférence des Présidents : elle est composée du Président du Parlement, et des Présidents de groupes politiques. Cette formation est importants : elle a des pouvoirs étendus, car elle noue des relations avec les Parlement nationaux, les autres institutions communautaires, et elle établit l’ordre du jour des sessions.

· Les Commissions : les 21 commissions permanentes ont chacune un objet précis (agriculture, budget,…). Elles se réunissent pendant l’intervalle des sessions, assurant ainsi la continuité de l’assemblée. Elles préparent les discussions en séance plénière. Il existe aussi des commissions temporaires et des commissions d’enquête.

· La Conférence des Présidents de commission : elle ne concerne que les commissions permanentes et temporaires. Elle a pour mission d’adresser des recommandations à la Conférence des Présidents concernant les travaux des commissions et l’ordre du jour.

· Les groupes politiques : ils sont constitués d’après des critères idéologiques, politiques…, sans référence aux critères de nationalité. Le nombre minimal de députés requis pour former un groupe politique varie selon le nombre de nationalités regroupées.

2) Les réunions.

Les 12 séances de sessions plénières se tiennent à Strasbourg ; les sessions plénières additionnelles et les commissions ont lieu à Bruxelles ; le secrétariat général et les services du Parlement sont installés à Luxembourg. Le Parlement est donc un nomade perpétuel.

L’activité du Parlement se découpe en période : la plus vaste est la législature, qui correspond à la durée du mandat (5 ans). La session du Parlement dure 1 an, se subdivise en périodes de sessions mensuelles, elles-mêmes décomposées en séances. Les convocations exceptionnelles du Parlement se rajoutent à toutes ces périodes.
§2 : Les attributions.

Jusque dans les années 1970, le Parlement européen connaît un accroissement d’influence, car ses pouvoirs de contrôle et ses pouvoirs budgétaires sont augmentés mais sans révision des traités. La révision est intervenue avec l’Acte Unique et le Traité de Maastricht.

A/ Le pouvoir budgétaire.

Le budget de l’Union Européenne est libellé en écu : en 1998, il était de 86 milliards d’écu.

Les pouvoirs budgétaires du Parlement remontent au traité du 22/4/1970 et du 22/7/1975 : ils sont limités du fait que le vote du Parlement ne porte que sur les dépenses et non pas sur les recettes de l’Union Européenne. Depuis la décision du 21/4/1970, les contributions étatiques ont été remplacées par des ressources propres (les droits de douanes du tarif extérieur commun, les prélèvements sur les produits agricoles en provenance de pays tiers,…). Il existe deux catégories de dépenses et l’influence du Parlement dépend de la nature de la dépense : – les dépenses obligatoires découlent des traités ou des actes pris en vertu des traités et qui sont nécessaires pour permettre aux communautés d’accomplir leurs obligations (dépenses de la PAC, aides accordées aux états,…).

– les dépenses non obligatoires sont toutes celles qui ne sont pas fixées par les traités. Ex : les crédits accordés aux nouvelles politiques communes, comme la politique sociale.

La procédure budgétaire : la Commission établit un avant-projet qui est transmis au Conseil des ministres. Il l’adopter à la majorité qualifiée = l’avant-projet devient un projet de budget. Ce projet est la base des discussions.

Le Parlement entame alors sa première lecture : soit il adopte le projet sans le modifier (= fin de la procédure, le budget étant définitivement adopté), soit il n’est pas satisfait du projet et souhaite le modifier : – pour les dépenses obligatoires, il ne peut adopter que des propositions de modifications.

– pour les dépenses non obligatoires, il peut adopter des amendements.

Quand le Parlement a statué, le projet amendé ou faisant l’objet de proposition de modifications revient au Conseil des ministres, qui peut soit l’accepter (= budget définitivement adopté), soit le modifier à la majorité absolue. En cas de modification, il y a renvoi au Parlement européen pour une seconde lecture. Le Parlement a alors deux possibilités – il vote dans les 15 jours à la majorité de ses membres et à la majorité des 3/5 des suffrages exprimés les amendements qui ne concernaient que les dépenses non obligatoires (= le Parlement a le dernier mot), mais dans la limite d’un taux maximal de hausse des dépenses fixée chaque année par la Commission.

– il rejette le projet à la majorité des membres et à la majorité des 2/3 des suffrages exprimés. Le Parlement demande alors qu’un nouveau projet lui soit présenté.

Il existe une navette tout au long de la procédure entre le Conseil des ministres et le Parlement = c’est une source de conflit. Le Parlement revendique sans cesse une hausse du domaine des dépenses non obligatoires, et en raison de sa légitimité, il se donne le droit de s’opposer directement au Conseil. Depuis 1975, le Parlement européen a un droit de regard sur l’exécution du budget car il donne décharge à la Commission pour l’exécution du budget. Pour diminuer les risques de conflit, la procédure de concertation a été élaborée.

B/ Le pouvoir normatif.

Ce n’est pas vraiment un pouvoir législatif car le Parlement européen ne peut jamais élaborer seul la législation communautaire. Il partage obligatoirement ce pouvoir avec la Commission et le Conseil des ministres. Plusieurs procédures permettent d’associer le Parlement à ce pouvoir = la plupart du temps, il est consulté. Les procédures plus récentes, prévues par l’Acte unique et le traité de Maastricht lui donnent un réel pouvoir d’influence de la décision finale.

Procédure de concertation : elle est à la lisière du pouvoir budgétaire et du pouvoir normatif. Si la Commission puis le Conseil des ministres et le Parlement européen jugent qu’un acte communautaire (directive ou règlement) a des incidences financières notables, le Conseil recherche une position commune entre les institutions. Si l’orientation commune dégagée par le Conseil n’est pas conforme à l’avis du Parlement européen, on convoque un comité de concertation à composition mixte chargé de rapprocher les positions. Le Parlement prend alors un nouvel avis et le Conseil statue définitivement. Le Parlement est donc associé à la prise de décision mais il n’a qu’un rôle consultatif, car c’est toujours le Conseil des ministres qui tranche.

Procédures consultatives : – de l’avis simple = en dehors des cas prévus par les textes, le Conseil des ministres ou la Commission ont toute liberté pour consulter le Parlement. Ils ne sont alors pas tenu par l’avis rendu.

– de l’avis obligatoire = le Conseil est tenu de consulter le Parlement mais il n’est pas tenu par le résultat de la consultation. Cet avis est aujourd’hui requis dans une vingtaine de cas comme la politique des visas ou la révision des traités.

– de l’avis conforme = elle donne au Parlement européen une influence plus importante que les autres procédures consultatives. Le Conseil est obligé de le consulter et il est lié par son avis. Le Parlement a donc un droit de veto, car, s’il rend un avis défavorable, le Conseil devra modifier son projet, et le soumettre à nouveau au Parlement. Cette procédure remonte à l’Acte unique et a été renforcée par le traité de Maastricht = elle s’applique aux traités d’adhésion, aux accords d’association avec les états tiers, et aux décisions recommandant aux états l’adoption d’une procédure uniforme pour les élections européennes.

Les procédures de coopération et de codécision associent encore plus étroitement le Parlement.

C/ Le pouvoir de contrôle.

· Le contrôle exercé sur le Conseil Européen est dérisoire, compte tenu de la composition du Conseil. Il est juste tenu d’informer le Parlement après chaque réunion, et de lui adresser chaque année un rapport sur l’évolution de l’Union Européenne.

· Les modalités de contrôle communes au Conseil des ministres et à la Commission : le Parlement peut leur adresser des questions écrites et orales. Depuis 1973, le système de l’heure des questions a été instauré = les membres du Parlement peuvent poser des questions d’actualité au Conseil des ministres ou à la Commission pendant une heure. Il s’agit plus d’un moyen d’information du Parlement, que d’un moyen de contrôle. Le traité de Maastricht a renforcé cette procédure dans le domaine de la politique étrangère, en prévoyant la possibilité de consulter le Parlement, d’interroger le Conseil, et de lui adresser des recommandations.

· Certaines modalités de contrôle sont exercées uniquement à l’égard de la Commission : le Parlement européen a le pouvoir d’approuver la nomination des membres de la Commission, ce qui s’apparente à un vote d’investiture.

La motion de censure entraîne la démission collective de la Commission : elle peut être déposée par un groupe politique ou par un dixième des membres de l’assemblée. Après le dépôt, un délai de 3 jours doit être respecté avant le vote. Elle est adoptée si elle recueille les votes de la majorité des membres du Parlement et des 3/5 des suffrages exprimés. Aucune motion n’a jamais abouti.
Section 2 : Les organes de contrôle juridictionnels.
§1: La Cour de Justice des Communautés Européennes.

A/ Organisation.

1) Composition.

Elle est composée de juges et d’avocats généraux. Le fait qu’elle soit un juge interne des communautés et non pas un juge international explique que les traités n’aient pas prévu que chaque état ai un juge de sa nationalité. Dans la pratique, la répartition des juges entre les états est une bonne chose, car chaque état justiciable est assuré d’avoir un juge familiarisé avec les particularités de son système juridique. Il y a donc aujourd’hui 15 juges qui élisent parmi eux leur président pour un mandat de 3 ans.

La présence des avocats généraux est une particularité de la CJCE. Ils sont la transposition des commissaires du gouvernement français, et ont donc pour mission de présenter en toute impartialité et en toute indépendance des conclusions orales et motivées.

Les juges et les avocats généraux sont nommés d’un commun accord entre les états pour un mandat renouvelable de 6 ans (renouvellement partiel tous les 3 ans pour assurer une continuité de la fonction juridictionnelle). Ils sont choisis parmi des personnalités offrant toute garantie d’indépendance et réunissant les conditions requises pour l’exercice dans leurs pays des plus hautes fonctions judiciaires. Il peut s’agir des jurisconsultes possédant des compétences notoires. Ils sont soumis à un système d’incompatibilité avec toute fonction publique ou administrative, et l’immunité de juridiction garantie leur indépendance.

Il y a aussi un greffier, qui a des compétences d’ordres juridiques et administratives = il gère le fonctionnement de la Cour ; et des référendaires, qui sont des juristes qualifiés attachés à un juge ou à un avocat général pour l’assister.

2) Fonctionnement.

La CJCE siège à Luxembourg. Normalement, elle siège en formation plénière, mais dans la pratique cette formation étant lourde et compliquée, elle siège en chambres : il y en a quatre, composées de 3 juges, et deux supplémentaires, composées de 7 juges. Le rôle des chambres est normalement limité à l’instruction des affaires, mais dans la pratique, elles ont le pouvoir de les juger, sauf celles pour lesquelles la Cour a été saisie par un état ou par une institution communautaire. La procédure est inquisitoire, contradictoire, orale et écrite. Ses décisions sont des arrêts, non accompagnés des opinions dissidentes des juges = des décisions solidaires, ce qui la différencie encore des juridictions internationales.

B/ Compétences.

Il existe des recours peu spécifiques, tels que les recours en responsabilité (extracontractuelles et contractuelles), et les recours exercés par la fonction publique communautaire = le contentieux du personnel communautaire.

1) Les compétences consultatives.

A ce titre, la Cour rend des avis : la CJCE peut être consultée sur la compatibilité aux traités communautaires des accords internationaux conclus par les Communautés Européennes avec un état ou une organisation internationale. La CJCE peut être saisie par la Commission, le Conseil des ministres ou par un état membre. Si elle conclue à l’incompatibilité de l’accord international avec un traité communautaire, l’accord international ne pourra entrer en vigueur qu’après révision des traités communautaires.

2) Le contentieux de la légalité.

· Le recours en annulation est inspiré du recours pour excès de pouvoir français. Il a pour objectif d’obtenir du juge communautaire l’annulation d’un acte communautaire illégal. Les actes susceptibles de recours doivent remplir deux conditions : être des actes communautaires, c’est-à-dire émanant de la Commission, du Conseil des ministres, du Parlement européen, de la Banque Centrale Européenne, de la Banque Européenne d’Investissement, ou de la Cour des Comptes. La CJCE n’était pas compétente à l’origine pour connaître des actes pris dans les 2ème et 3ème piliers du traité de Maastricht, mais le traité d’Amsterdam lui a donné compétence pour connaître des décisions relevant du 3ème pilier. La seconde condition est que l’acte doit être obligatoire.

Les conditions relatives aux requérants : – pour les états membres, le Conseil des ministres et la Commission, il n’y a aucune condition.

– le Parlement et la Banque Centrale Européenne ne peuvent exercer ce recours en annulation que pour défendre leurs propres intérêts. Le traité d’Amsterdam reconnaît cette possibilité à la Cour des comptes.

– pour les personnes physiques ou morales, le recours doit être formulé à l’encontre d’un acte individuel dont elles sont les destinataires, ou d’un acte les concernant directement.

Le délai de ce recours est de 2 mois à compter de la publication de l’acte. Les moyens d’annulation sont l’incompétence, la violation des formes substantielles (défaut de consultation,…), la violation du traité, et le détournement de pouvoir. Si la CJCE annule l’acte, il est censé n’avoir jamais existé = il disparaît rétroactivement.

· Le recours en carence : il vise à constater l’inaction d’une institution communautaire. Il rentre dans le contentieux de la légalité, car, dans le traité CECA, il vise à faire constater que les institutions (Conseil des ministres, Commission, Parlement, et Banque Centrale Européenne) se sont abstenus d’agir alors que les traités les obligeaient à le faire.

Il y a deux catégories de requérants : – les états membres et les institutions communautaires, c’est-à-dire le Conseil des ministres, la Commission, le Parlement, la Cour des Comptes et la Banque Centrale Européenne, avec pour cette dernière une restriction = le recours n’est possible que dans les domaines relevants de sa compétence.

– les personnes physiques et morales pour les actes obligatoires dont elles sont les destinataires.

La procédure est découpée en deux phases : – la phase administrative = le requérant met en demeure l’institution de prendre l’acte, ce qui doit s’interpréter comme une tentative de conciliation amiable.

– la phase contentieuse n’a lieu qu’en cas d’échec de la phase administrative. Le traité CECA prévoit que si la Commission garde le silence sur la mise en demeure, il est possible d’exercer un recours devant la CJCE. Les traités de Rome précisent que le recours en carence est recevable dès lors que l’institution a gardé le silence pendant 2 mois à compter de la mise en demeure, ou que l’institution a apporté une réponse imprécise. La CJCE rend alors un arrêt de carence qui se borne à constater l’abstention fautive de l’institution = un arrêt déclaratoire : la CJCE ne peut pas adresser d’injonctions aux autres institutions communautaires. La seule obligation de l’institution condamnée est d’adopter l’acte, d’agir conformément à ce que prévoit les traités.

· L’exception d’illégalité : à la différence des deux autres, ce n’est pas un recours direct mais une voie incidente à un autre litige. Quand le délai du recours en annulation est expiré, l’annulation de l’acte communautaire devient impossible. L’exception d’illégalité permet de surmonter cette forclusion, car lors d’un litige devant le juge communautaire, on peut invoquer l’illégalité du règlement communautaire à l’appui de son litige au principal. Ainsi, lors d’un recours en responsabilité (recours principal), le requérant invoque l’illégalité d’un règlement communautaire qu’on veut lui appliquer. Quand la CJCE est saisie d’une exception d’illégalité, sa décision n’a que l’autorité relative de chose jugée. L’acte n’est pas annulé, mais simplement écarté = il n’est pas appliqué au litige principal.

3) Le renvoi préjudiciel en interprétation.

Deux juges interviennent = le juge interne qui applique le droit commun, et le juge communautaire (juge d’attribution).

A l’occasion d’un litige strictement interne, le juge national peut se trouver confronté à un problème d’interprétation d’un acte communautaire, ou à un problème d’appréciation de la validité d’un acte communautaire, alors que cet acte doit être appliqué dans l’affaire qui lui est présentée. Il doit alors surseoir à statuer et poser à la CJCE la question préjudicielle : la procédure nationale ne pourra reprendre qu’une fois la réponse de la CJCE intervenue. Cela s’explique par la qualité de juge communautaire de la CJCE, car si l’on permet aux juridictions internes d’interpréter elles-mêmes le droit communautaire, il y a un risque d’avoir une interprétation différente dans chaque état membre, ce qui entraînerait des discriminations dans l’application.

L’objet de ce renvoi ne peut être qu’un acte communautaire (originaire ou dérivé). Les juridictions internes ne statuant pas en dernier ressort n’ont que la faculté de renvoyer à la CJCE, car on considère que l’uniformité de l’interprétation et de l’application du droit communautaire n’est pas atteinte, ces décisions étant susceptibles d’être déférées devant un juge de dernier ressort. Or il a l’obligation de renvoyer à la CJCE. Les juridictions de premier degré ont une obligation de renvoi dès lors qu’il s’agit d’une question de légalité.

L’arrêt préjudiciel de la CJCE s’impose à la juridiction de renvoi. Quand la CJCE interprète une disposition du droit communautaire, cette interprétation fait désormais corps avec la disposition interprétée = elle est intégrée à l’acte communautaire. Les autres juridictions internes doivent donc aussi se référer à cette interprétation. Si lors d’une question préjudicielle, le juge constate l’invalidité d’un acte, cet acte n’est pas annulé, car ce n’est pas un recours en annulation. Le juge interne a juste l’obligation d’écarter l’acte déclaré invalide = il subsiste mais n’est pas appliqué.

4) Le recours en constatation de manquement.

Il a pour objet de faire constater l’inexécution ou la violation de la part d’un état membre de ses obligations communautaires. Le manquement le plus courant concerne la transposition des directives : l’état le fait tardivement, de manière incorrecte, ou ne le fait pas du tout.

Les dispositions collectives, qui sont principalement la politique étrangère et de sécurité commune et la coopération en matière de justice et d’affaires étrangères, ne peuvent pas faire l’objet d’une recours en manquement. Cela est dû au fait que ces matières relèvent essentiellement de la compétence des états.

Selon le traité CECA, seule la Commission pourra intenter un recours en manquement. Les traités de Rome donnent cette compétence à la Commission (en tant que gardienne des traités), et précise que les états membres sont aussi des autorités requérantes. Dans la pratique, il est très rare que les états membres le fasse par crainte de réciprocité.

La procédure se découpe en deux phases : – la phase administrative est menée par la Commission et a pour objet de recueillir contradictoirement les observations de l’état membre mis en cause, et de l’inciter à mettre fin au manquement. Si la Commission ne constate pas de manquement, ou si l’état l’a corrigé, elle classe l’affaire. Le traité CECA prévoit que la Commission constate par une décision motivée le manquement, et fixe à l’état un délai pour y remédier : si l’état ne se conforme pas pendant ce délai, la Commission a alors un pouvoir de sanction. Dans les traités de Rome, la Commission commence par mettre en demeure l’état de présenter ses observations et de remédier à la situation, puis elle rend juste un avis motivé dans lequel elle fixe un délai et indique les mesures à prendre pour corriger le manquement = elle ne peut pas sanctionner l’état. Si cette phase est insuffisante, l’état qui a déclenché la procédure ou la Commission peuvent saisir la CJCE.

– la phase contentieuse a pour objet d’établir l’existence ou l’inexistence du manquement. L’arrêt n’a qu’un effet déclaratoire, car la CJCE ne fait que constater le manquement : le juge communautaire ne peut pas annuler l’acte interne à l’origine du manquement, ni adresser d’injonction à l’état pour le faire cesser. L’état condamné a l’obligation d’exécuter l’arrêt : s’il ne le fait pas, une nouvelle procédure en manquement est intentée pour violation de l’obligation de prendre les mesures impliquées par la décision de la CJCE. Le manquement est alors l’inexécution du premier arrêt en manquement.
§2 : le juge de première instance.

Il a été institué par une décision du Conseil des ministres du 24/10/1988 en application de l’Acte unique. Le but est de désengorger la CJCE.

A/ L’organisation.

Ce Tribunal de Première Instance est composé de 15 membres, qui ont le même statut que les juges de la CJCE : il siège d’ailleurs auprès de la CJCE. Les juges du TPI sont nommés pour 6 ans d’un commun accord entre les états. On y retrouve un Président nommé par les juges et des chambres.

B/ Compétences.

Le TPI est une juridiction d’attribution qui ne statue que dans les catégories de recours qui lui ont été expressément attribués par le Conseil des ministres à l’unanimité sur demande de la CJCE, après consultation de la Commission et du Parlement.

Il connaît des litiges de la fonction publique communautaire, des recours formés par les personnes physiques ou morales : dans le traité CECA, ce sont les affaires de concurrence, les recours en carence, les recours en annulation et les recours en responsabilité. Les traités de Rome prévoient des compétences particulières.

Les décisions de ce tribunal sont susceptibles de pourvoi devant la CJCE dans un délai de 2 mois : le pourvoi peut être formé par les parties intervenantes devant le TPI dès lors qu’elles sont affectées directement par la décision, à l’exception des états et des institutions communautaires, qui ont le droit de former un pourvoi même quand elles ne sont pas intervenus en première instance. Le pourvoi est limité aux questions de droit, et n’a pas d’effet suspensif. Si la Cour le déclare fondé, la CJCE annule la décision du tribunal et peut soit statuer définitivement, soit renvoyer l’affaire au TPI.

Conclusion :

La CJCE participe aussi à la formation des sources du droit communautaire : c’est un organe normatif , car sa jurisprudence est source de droit : – c’est une institution communautaire comme le Parlement, la Commission et le Conseil des ministres, et elle doit à ce titre contribuer à la réalisation des buts des communautés européennes en veillant au respect des droits dans l’interprétation et l’application des traités : elle a donc une autorité particulière, considérable et aucun mécanisme institutionnel ne lui fait contrepoids.

– le juge communautaire est le seul organe investi de la mission d’interprétation des traités et du droit dérivé. Seules ses interprétations sont juridiquement obligatoires = quand elle interprète un article d’un traité, l’interprétation s’incorpore au traité et s’impose à tous.

– la démarche finaliste de la CJCE : l’interprétation finaliste ou téléologique, ainsi que la particularité des notions communautaires amènent le juge à combler les lacunes du droit et a en étendre la portée.

La CJCE est à l’origine de PGD : elle en dégage pour éviter des dénis de justice en cas de lacunes juridiques et pour renforcer la cohérence de l’ordre juridique communautaire.

Cette activité normative de la CJCE se heurte à des difficultés : – la CJCE n’est pas habilitée par les traités à faire œuvre normative.

– le juge communautaire s’inspire du droit international et du droit des états membres, mais il doit prendre garde de ne pas dénaturer le droit communautaire, de ne pas lui faire perdre son originalité et son autonomie.

Trois catégories de PGD : – les PGD inhérents à tout système juridique organisé = les PGD classiques qui traduisent des exigences de sécurité juridique, tels que la non rétroactivité des actes administratifs, ou des exigences de l’état de droit, comme le principe du respect des droits de la défense, ou le principe de légalité.

– les PGD communs au droit des états membres = la CJCE reprend des principes affirmés dans les ordres internes, mais ne peut effectuer cette transposition du droit interne au droit communautaire qu’à 3 conditions : les principes repris doivent être nécessaires à l’ordre juridique communautaire ; ils doivent exister dans un certain nombre d’état membre = communauté des principes ; le principe consacré par le droit national doit être apte à être reçu par l’ordre juridique communautaire, ce qui signifie que le principe doit être conciliable avec la nature et les objectifs du droit communautaire. Le principe d’enrichissement sans cause, du droit au juge, d’égalité devant la réglementation économique,… en font partie.

– les PGD déduits de la nature des communautés européennes. Ils sont déduits de l’esprit du système établi par les traités. Ce sont des principes d’ordre institutionnel, comme le principe de solidarité qui lie les états membres, ou le principe d’équilibre institutionnel. On retrouve aussi des principes inhérents à la notion de marché commun qui expriment une philosophie libérale, comme le principe de proportionnalité, de non discrimination, ou de préférence communautaire.

La CJCE reprend les droits garantis par la Convention Européenne des Droits de l’Homme, sous la forme de PGD pour remédier à l’absence de déclaration commune des droits fondamentaux.

Le médiateur a été institué par le traité de Maastricht sur une initiative danoise. Le Danemark proposait un médiateur communautaire nommé par le Parlement, et habilité à recevoir des plaintes contre les institutions communautaires. Cette institution a fait l’objet de polémiques entre les états (l’Espagne était partisane d’un médiateur communautaire agissant uniquement par le biais des médiateurs nationaux) et entre les institutions communautaires : la Commission ne voulait pas de médiateur européen mais seulement des médiateurs nationaux, par crainte que ce seul médiateur européen ne saisisse que la Commission alors que les états membres sont aussi chargés d’appliquer le droit communautaire ; le Parlement rejetait le médiateur européen car il estimait cette institution inutile, puisqu’il dispose déjà d’une commission des pétitions, officialisée par le traité de Maastricht. Elle reçoit les pétitions des citoyens, qui sont de plus en plus nombreuses = le droit européen est de plus en plus souvent invoqué pour garantir les droits des citoyens. Les conséquences de cette saisine sont limitées, car la commission peut seulement saisir la Commission et lui demander de saisir à son tour la Cour Européenne ou le TPI. Dans la pratique, même si les conséquences sont limitées, les administrations communautaires nationales ont peur de la publicité qui est faite à ces pétitions.

Le médiateur a été institué par le traité de Maastricht, mais il a été placé sous la dépendance du Parlement : il le nomme, fixe les conditions de son statut et de ses fonctions. Le médiateur est nommé après chaque élection du Parlement pour la durée de la législature. Actuellement, c’est le finlandais Jacob Soderman. Il est chargé de déceler les cas de mauvaise administration dans l’action des communautés : il peut recevoir des plaintes émanant de tout citoyen de l’Union Européenne ou de toute personne résidant dans un état membre.

Le médiateur peut soit procéder à des enquêtes de sa propre initiative, ou à la suite de plaintes, soit établir des rapports annuels sur le fonctionnement des institutions communautaires. S’il constate un cas de mauvaise administration, il saisit l’institution fautive, qui dispose d’un délai de 3 mois pour répondre, délai à l’issue duquel le médiateur transmet un rapport à cette institution et au Parlement. Il n’a pas de pouvoir de sanction = la seule sanction est morale (mauvaise publicité pour l’institution en cas de dénonciation par le médiateur).