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Les organes de direction de l’Union Européenne


Selon la terminologie des traités, seuls 5 organes ont droit à la qualification d’institution = le Parlement Européen, qui exprime l’intérêt des peuples ; le Conseil des ministres qui représente les états membres, la Commission qui exprime l’intérêt commun de l’union ; la Cour de justice qui incarne le principe de l’état de droit ; et la Cour des comptes.

Les organes de direction sont les organes exécutifs des communautés. L’une des originalités de la structure institutionnelle communautaire est que, d’après les traités, deux organes peuvent prétendre à cette qualification. Cette superposition des institutions a été justifiée par la volonté d’établir un équilibre entre les intérêts communautaires (représentés par la commission) et les intérêts étatiques (représentés par le Conseil des ministres). Dans la pratique, un autre organe, le Conseil Européen est apparu.

Section 1 : Le Conseil Européen.
§1 : Les origines du Conseil Européen.

De 1961 à 1974, les chefs d’état ou de gouvernements ont pris l’habitude de se réunir en Conférence au Sommet, en marge du système communautaire. Ces conférences sont irrégulières, et leur nature juridique est incertaine.

En 12/1974, au Sommet de Paris, le communiqué final affirme que les chefs de gouvernement ont décidé de se réunir avec les ministres des affaires étrangères 3 fois par an et chaque fois que nécessaire en Conseil de la communauté et au titre de la coopération politique. Les réunions deviennent donc régulières, changent de nom = deviennent le Conseil Européen, et le Président de la commission assiste aux réunions de ce conseil, ce qui l’inscrit dans un contexte plus communautaire.

L’acte unique de 1986 officialise le Conseil Européen : il s’agit du premier support conventionnel du Conseil, même si le traité reste muet sur ses compétences. Le traité de Maastricht consacrera le rôle de ce conseil dans son article D.
§2 : Le fonctionnement du Conseil Européen.

Il réunit les chefs d’état ou de gouvernement assistés des ministres des affaires étrangères et du président de la commission. Les ministres des affaires économiques y sont invités quand le conseil examine des questions relatives à l’union économique et monétaire. Cette composition intergouvernementale explique que le Conseil Européen ne soit pas toujours une institution communautaire. Le Président du Conseil Européen est le chef d’état ou de gouvernement du pays qui assure la présidence du Conseil des Ministres. Aujourd’hui, le Conseil Européen ne se réunit en principe que deux fois par an, et ses actes laissent toujours aux institutions communautaires (le Conseil des ministres dans la plupart des cas) le soin de prendre les mesures juridiques de mise en œuvre.
§3 : Le rôle du Conseil Européen.

Il donne les impulsions nécessaires à la construction communautaire : il a donc une compétence décisoire, car il oriente des autres institutions. Il a aussi des compétences particulières dans le domaine de l’union économique et monétaire, de la politique étrangère, et de la sécurité. Il s’agit d’attributions officielles, mais dans la pratique le Conseil Européen est un lieu d’échange informel et libre : les conversations y sont secrètes et sans formalisme. Cette liberté est l’atout majeur du Conseil, et le préserve de toute pression extérieure. Sa composition en fait un organe d’appel des dossiers renvoyés par les instances inférieures = quand aucun accord ne parvient à être trouvé au sein du Conseil des ministres, le dossier est renvoyé au Conseil Européen.
Section 2 : La commission.
§1 : Composition et organisation de la Commission.

A/ La composition de la Commission.

Les commissaires sont des nationaux des états membres : depuis le dernier élargissement, ils sont 20, chaque état en ayant 1, sauf l’Allemagne, la France, l’Italie, l’Espagne, et la GB qui en ont 2.

1) La nomination des commissaires.

Avant le traité de Maastricht, les commissaires étaient choisis pour 4 ans d’un commun accord par les gouvernements des états membres. En théorie, aucun état ne pouvait imposer aux autres l’un de ses ressortissants.

Depuis le traité de Maastricht, la durée du mandat est de 5 ans (la même que pour les députés européens), et la nomination est devenue moins gouvernementale, afin de renforcer la cohésion de la commission. Le Conseil Européen désigne à l’unanimité le Président de la commission après consultation du Parlement (le luxembourgeois Jacques Santer depuis 1994), puis les gouvernements désignent les autres membres de la commission après consultation du Président. Le traité d’Amsterdam exige son accord. Enfin, le Parlement doit approuver à la majorité les choix des états, ce qui s’analyse comme l’investiture d’un régime parlementaire. Alors, les gouvernements peuvent nommer officiellement, d’un commun accord, les commissaires qui choisissent parmi aux les vice-présidents.

2) Le statut des commissaires.

Ils sont indépendants des états (= ils ne peuvent pas en recevoir d’instruction) et par rapport aux intérêts privés, par des incompatibilités avec toute activité privée. Ils ne peuvent être révoqués individuellement que par la CJCE et pour un motif disciplinaire. La commission peut faire l’objet d’une motion de censure du Parlement, mais dans la pratique elles n’aboutissent jamais.

B/ L’organisation et le fonctionnement de la commission.

Elle siège à Bruxelles, et est régie par le principe de collégialité, ce qui implique que chaque acte de la Commission soit pris par l’ensemble des commissaires = la minorité est solidaire de la majorité. Chaque commissaire se voit attribuer un secteur d’activité. La commission se réunit au moins une fois par semaine, son programme de travail est établi annuellement par son président, qui arrête aussi l’ordre du jour de la réunion. Le traité d’Amsterdam renforce le rôle du président en précisant que les commissaires travaillent sous son autorité.

Les mesures sont normalement adoptées à la majorité, mais dans la pratique, on recherche au maximum le consensus. Cette recherche peut être longue, et il existe donc deux mécanismes pour l’accélérer : – une procédure écrite = le commissaire qui a élaboré le projet le transmet aux autres par voie écrite. Passé un certain délai de réponse, s’il n’y a pas de manifestation expresse de l’opposition, le projet est considéré comme adopté sans débat. En cas d’opposition, un débat est organisé en séance plénière de la commission.

– les délégations = la commission habilité certains commissaires à prendre seuls les mesures qui portent sur la gestion ou l’administration de la Commission.
§2 : Les attributions de la Commission.

Les traités fondateurs ont voulu en faire un organe fort, ce qui justifie l’octroi d’attributions diverses. Mais dans la pratique, ses attributions ont diminué au profit du Conseil des ministres et du Parlement.

A/ La gardienne des traités.

En tant que garante de l’intérêt communautaire, la commission veille au respect des traités, mais aussi des actes communautaires. Elle exerce ce rôle à l’égard des états, des institutions communautaires et des particuliers. Elle dispose de pouvoirs d’information et de prévention = les états doivent lui notifier les mesures prises pour transposer les directives. Elle a aussi le pouvoir de poursuivre les infractions en saisissant la Cour de Justice pour lui faire constater un manquement d’un état, sanctionner les entreprises qui violent le droit communautaire de la concurrence. Elle dispose du pouvoir de gérer les clauses de sauvegarde, c’est-à-dire d’autoriser les dérogations aux traités. Enfin, elle peut contrôler les aides publiques accordées aux entreprises, car elles sont susceptibles de fausser la libre concurrence, qui est l’un des principes fondamentaux du système communautaire (ex de la France avec le Crédit Lyonnais).

B/ Un organe d’initiative.

Cet organe exprimant l’intérêt commun, il doit assumer l’initiative de l’intégration communautaire. La commission a le pouvoir de faire des propositions en matière de révision des traités, et en matière diplomatique où elle doit demander au Conseil des ministres l’autorisation d’ouvrir et conduire des négociations. Elle a un pouvoir d’initiative en matière budgétaire, qui est surtout présent dans l’exercice du pouvoir normatif assuré par le Conseil des ministres. Les traités de Rome prévoient que le conseil ne décide que sur proposition de la commission. Elle inspire donc toute la législation communautaire. Le conseil ne peut pas agir de façon autonome. Les propositions de la commission ne peuvent être modifiées qu’à l’unanimité des membres du Conseil, sauf dans les cas de codécision. Cette faculté de modifier à tout moment sa proposition initiale n’est pas négligeable, car la proposition modifiée est à la base du travail du Conseil, et elle permet à la commission de jouer un rôle de conciliateur entre les états, la modification tenant compte des réactions des états au sein du Conseil. Aujourd’hui, ce pouvoir est en déclin, car la Commission assure une pré-négociation = avant de faire une proposition, elle s’assure du soutien d’un minimum d’état, et n’utilise donc plus son pouvoir de modification au cours de la procédure.

C/ Un organe d’exécution des traités et des actes du Conseil.

Ce n’est pas un pouvoir exécutif de type national, en raison de sa faible autonomie. La commission est chargée d’adopter des mesures d’exécution à portée générale = elle est investie d’un pouvoir normatif, mais subordonné au Conseil. Elle prend des décisions à caractère particulier adressées aux gouvernements ou aux entreprises. C’est un pouvoir assez diversifié = elle participe à la gestion administrative des politiques communes (elle gère l’approvisionnement en matière fissible pour l’EURATOM), elle assure la gestion financière des politiques communes (politique de recherche) et est gestionnaire de l’ensemble des fonds communautaires (fonds sociaux européens).

En matière externe, la Commission conduit les négociations des traités en exécution des mandats et habilitations données parle Conseil des ministres. Elle représente d’ailleurs avec lui l’Union Européenne sur la scène internationale.
Section 3 : Le Conseil des ministres.

Il assure l’insertion des états dans le système communautaire, et comme il incarne les intérêts des états, et bien qu’il ait été conçu à l’origine comme un organe secondaire par rapport à la commission, il est devenu dans la pratique l’organe principal de l’Union Européenne.
§1 : Organisation et fonctionnement du Conseil des ministres.

A/ La composition du Conseil des ministres.

C’est un collège de représentants des états membres. Les traités prévoyaient qu’il était composé de ministres des gouvernements de chaque état membre, puis le traité de Maastricht a élargi cette composition, et le Conseil est désormais composé d’un représentant de chaque état au niveau ministériel habilité à engager son gouvernement, qui pourra être assisté d’un membre d’un exécutif d’une entité infra étatique d’un état fédéral. Les ministres qui y siègent sont normalement ceux des affaires étrangères en raison de leur compétence générale, mais la pratique a fait évoluer cette composition, qui varie en fonction de l’ordre du jour : il peut s’agir de ministres techniques, de ministres spécialisés,… = des « conseils sectoriels ». Cette juxtaposition nuit à la cohérence de l’institution car favorise les contradictions entre la politique agricole et la politique extérieure. Pour tenter de remédier à ce dysfonctionnement, des conseils conjoints se réunissent où chaque état est représenté à la fois par son ministres des affaires étrangères et par un ministre spécialisé.

B/ Les modalités de fonctionnement du Conseil des ministres.

La présidence est assurée par rotation pour 6 mois par chaque état membre (actuellement = Autriche) : l’ordre de rotation est fixé par le Conseil des ministres à l’unanimité, ce qui permet d’assurer l’égalité entre les états. La pratique a mis en place une troïka regroupant le président passé (Royaume-Uni), le président actuel, et le prochain président (Allemagne) destinée à assurer la continuité de l’institution. Le président assure les missions administratives et donc prépare et dirige les travaux, convoque les conseils, fait procéder aux votes, établit l’ordre du jour et signe les actes arrêtés par le conseil. Sa mission la plus importante est de nature politique : il est chargé d’assurer les liens entre les instituions et de trouver des consensus entre les institutions et au sein du Conseil.

Trois modes de votation coexistent : – le vote à la majorité simple n’est utilisé que dans des cas limités.

– le vote à l’unanimité, qui assure l’égalité entre les états et protège la souveraineté (l’abstention ne vaut pas veto), mais qui risque d’entraîner des blocages.

– le vote à la majorité qualifiée : il cherche à ne pas donner de faculté de blocage aux petits états, sans permettre non plus aux grands états d’écraser les petites puissances. Ce double objectif se traduit par la pondération, qui consiste à attribuer à chaque état un nombre de voix proportionnel à leur importance démographique, politique et économique. L’Allemagne, la France, la GB et l’Italie ont chacun 10 voix ; l’Espagne en a 8 ; la Belgique, la Grèce, les Pays-Bas et le Portugal en ont 5 ; l’Autriche et la Suède en ont 4 ; le Danemark, l’Irlande, la Finlande en ont 3 et le Luxembourg en a 2. La majorité qualifiée a été fixée à 62 voix sur 87 afin d’empêcher un seul état d’avoir une minorité de blocage, et que les 5 grands ne puissent pas mettre à eux seuls les petits états en minorité. Quand le Conseil des ministres statue sur proposition de la Commission, le seuil de 62 voix suppose un vote favorable d’au moins 10 états. Le vote est donc le résultat d’une certaine cohésion, même si un petit état peut se faire imposer une décision non voulue.

Ce mode de votation exprime la supranationalité, ce qui explique que certains états tels que la France s’y soit montrés hostiles. Les compromis du Luxembourg et de Ioannina (27/3/1994) qui précède les adhésions autrichienne, finlandaise et suédoise, limitent cette supranationalité en prévoyant que si des états membres du conseil des ministres représentant 23 à 25 voix indiquent leurs intentions de s’opposer à une décision, le Conseil des ministres devra tout faire dans un délai raisonnable pour trouver une solution satisfaisante adoptée par au moins 65 voix.

C/ Les services du Conseil des ministres.

Le secrétariat général joue un rôle de soutien logistique.

Le Comité des Représentants Permanents (=CoRePer) a un rôle majeur dans le fonctionnement du conseil : il a deux formations = une composée des ambassadeurs chargés des dossiers politiques ; et une composé de représentants permanents adjoints en charge des dossiers techniques, dont le rôle est d’assurer la liaison entre leurs gouvernements respectifs et les institutions communautaires. Les représentants sont les porte-parole des gouvernements devant les institutions communautaires, et ils défendent la position communautaire devant leurs gouvernements. Le CoRePer supervise le travail des experts et prépare celui du Conseil des ministres, ce qui permet d’y accélérer le mécanisme de décision : seules les questions litigieuses au sein du CoRePer font l’objet d’un débat par le Conseil des ministres, les autres étant examinées très rapidement.
§2 : Les attributions du Conseil des ministres.

Il n’existe pas de titre particulier qui y soient relatifs dans les traités = les attributions sont dispersées dans différents traités. Elles sont très diverses, et font que le Conseil des ministres n’est pas seulement un organe purement exécutif, car il assure la réalité du pouvoir normatif et du pouvoir législatif.

1) Le pouvoir normatif.

Le Conseil des ministres en exerce l’essentiel sous réserve du pouvoir de proposition et d’application de la commission, et de l’intervention (de plus en plus fréquente) du parlement. Les actes du Conseil des ministres sont de différentes natures :

– les règlements : ce sont des actes à portée générale, obligatoire dans tous leurs éléments et directement applicables dans les états membres.

– les directives : elles ont aussi une portée générale, et sont obligatoires quant au résultat à atteindre = elles laissent aux états le choix des moyens pour la transposer.

– les décisions : ce sont des actes obligatoires dans tous leurs éléments, directement applicables dans les états membres, mais à la différence des règlements, ils sont adressés à un destinataire précis.

– les avis et recommandations : ce sont des actes non contraignants.

2) Le pouvoir de nomination.

Le Conseil des ministres choisit les membres du Conseil économique et social, du Comité Consultatif de la CECA, de la Cour des Comptes, et du Comité des régions.

3) Une fonction constituante.

Le Conseil des ministres intervient dans la révision des traités. Les propositions de révision émanent d’un état membre ou de la commission. Elle est adressée au Conseil des ministres qui procède à des consultations, puis convoque une Conférence Intergouvernementale chargée d’élaborer un projet de traité.

4) Des fonctions externes.

Elles recouvrent les relations extérieures des communautés. Il autorise l’ouverture des négociations, donne mandat à la commission pour mener ces négociations, et il conclue les accords. Le conseil des ministres, avec la commission, exprime par l’intermédiaire de son président la position de l’Union Européenne sur la scène mondiale.

5) Des fonctions budgétaires.

Le Conseil des ministres arrête le projet de budget et participe à son adoption.