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Les organes judiciaires des Communautés Européennes


§1 : La Cour de Justice des Communautés Européennes et le Tribunal de Première Instance.

A/ La Cour de Justice des Communautés Européennes.

La Cour de Justice des Communautés Européennes siège à Strasbourg.

1) Composition et formation de la Cour de Justice des Communautés Européennes.

a_ La composition de la Cour de Justice des Communautés Européennes.

· La CJCE comprend 15 juges, désigné par commun accord des gouvernements des Etats (art.223 CE). Leur mandat dure 6 ans, et est renouvelable : il y a un renouvellement partiel tous les 3 ans.

Ils sont choisis par les représentants des gouvernements des Etats, qui se réunissent au Conseil pour proposer un ou plusieurs candidats, puis adoptent l’acte de nomination des juges de la Cour à l’unanimité.

Afin d’assurer l’indépendance des juges vis-à-vis des Etats, l’art.223 CE ne prévoit aucune condition quant à leur nationalité : un Etat peut présenter un juge de n’importe quelle nationalité, même non communautaire. Toutefois, les Etats ont toujours proposé des juges de leur nationalité, en estimant que les grandes traditions juridiques propres aux Etats doivent être respectées au sein de la Cour de Justice.

L’art.223 exige que les juges soient aptes à exercer de hautes fonctions juridictionnelles ou qu’ils possèdent des compétences notoires : on refuse l’idée de juges qui aient un formation politique.

· Les avocats généraux assistent les juges : ils sont huit, mais un neuvième est actuellement nommé à titre provisoire (art.222 CE). Ils sont nommés pour un mandat de 6 ans, et sont renouvelés partiellement tous les 3 ans. Les conditions d’indépendance et de compétence sont les mêmes que pour les juges.

Ils ont une fonction comparable à celle du Commissaire du Gouvernement (devant le juge administratif français) : ils proposent une solution juridique au litige, dans des conclusions qui ne lient pas les juges.

· Les référendaires assistent les avocats généraux : en général, il y en a au moins 3 par avocat général. Ils sont chargés d’effectuer les recherches et de proposer des éléments de solutions à l’avocat général.

· Le président de la CJCE est nommé pour un mandat de 3 ans (renouvelable) par les juges en leur sein. Il n’a pas de compétences contentieuses spéciales, mais peut, par voie d’ordonnance reporter une affaire, la radier ou la déclarer irrecevable. Il assure la présidence des audiences et des délibérations.

· Le greffier de la CJCE est nommé pour 6 ans. Il assiste les juges et les avocats généraux, réceptionne les plaintes, transmet les dossiers et mémoires des requérants aux avocats généraux, au juge et aux avocats des parties, et assure la gestion de la publicité des arrêts de la Cour au recueil : il est le relais entre les requérants et la partie attaquée. Il a aussi une fonction d’administration (gestion financière de la Cour).

b_ Les formations de la Cour de Justice des Communautés Européennes.

La CJCE siège normalement en formation plénière, avec un quorum minimum de 9 juges.

Des formations restreintes ont toutefois été mises en place en 1995, en raison de la lourdeur et de la lenteur de la procédure : la CJCE comprend désormais 4 chambres de 3 juges, et 2 chambres de 7 juges.

Ces formations restreintes sont simplement chargées de l’instruction des dossiers, mais la CJCE a admis qu’elles puissent juger de recours exercés par des particuliers ou des renvois préjudiciels en interprétation, à condition qu’ils ne soulèvent pas de difficultés particulières. Le traité CE permet d’attribuer certains contentieux aux chambres, notamment le contentieux des fonctionnaires contre les institutions : le président de la CJCE désignera les chambres. Un arrêt rendu en formation plénière a plus d’importance.

2) La procédure devant la Cour de Justice des Communautés Européennes.

La procédure devant la CJCE ressemble à celle mise en œuvre devant la juridiction administrative française : elle est contradictoire, publique, inquisitoriale, et mixte (une phase écrite et une phase orale).

· La phase écrite débute par une requête introductive d’instance : la partie demanderesse présente sa plainte au greffe de la CJCE, sous la forme d’un mémoire dans lequel elle expose l’objet du litige, les arguments juridiques à la base de sa demande et sa demande (annulation d’un acte, engagement de la responsabilité des Communautés). Cette requête doit être déposée au greffe dans un délai variable selon le type de contentieux (en matière d’annulation d’un acte communautaire, le traité CECA prévoit un délai d’un mois, et les traités CE et CEEA prévoient un délai de 2 mois). La demande du requérant est alors inscrite au rôle de la CJCE, et le Président de la CJCE désigne un juge rapporteur chargé d’instruire l’affaire en fait et en droit, ainsi qu’un avocat général chargé d’établir des conclusions propres à éclairer la Cour sur la solution à apporter au litige. Une fois le greffier saisi de la demande, la partie adverse se voit notifier la plainte : elle dispose alors d’un délai d’un mois pour présenter son mémoire en défense.

Chaque partie peut ensuite adresser un mémoire en réplique, afin de préciser le contenu de la demande de la partie attaquante et les réponses de la partie attaquée.

Le Président de la CJCE clôt  la phase écrite sur demande du juge rapporteur, et  détermine une date pour la seconde phase de la procédure.

· La phase orale est constituée de la lecture du rapport d’audience du juge rapporteur, des plaidoiries des avocats des parties, et des conclusions de l’avocat général. En réalité, le rapport d’audience et les conclusions sont rédigés, et les parties au litige en prennent connaissance avant la date dite de la phase orale, qui en réalité, se limite aux plaidoiries et aux références de l’affaire en cause.

· Le délibéré s’ouvre après les lectures des conclusions de l’avocat général. Il permet aux juges de prendre une décision et de rédiger l’arrêt, qui sera rendu en audience publique à une date fixée par le Président.

B/ Le Tribunal de Première Instance des Communautés Européennes.

1) La création du Tribunal de Première Instance des Communautés Européennes.

Dès les années 1970, la CJCE va connaître des difficultés pour rendre ses arrêts dans des délais raisonnables (le délai de jugement en matière de renvoi préjudiciel en interprétation était inférieur à 8 mois au début des années 1970, mais il a été porté à 22 mois à partir des années 1980).

La CJCE a alors sollicité la création d’un tribunal exerçant un certain nombre de compétences afin de désengorger la CJCE et donc de raccourcir les délais d’instance. La première tentative (1974) échouera. L’Acte Unique Européen (art.168 A) prévoit la création d’un Tribunal de Première Instance, mais il faudra attendre le 24/10/1988 pour que le Conseil adopte la décision portant création du TPICE après consultation de la CJCE et de la Commission. Le TPICE commencera à fonctionner à partir du 1/1/1989.

Le TPICE est adjoint à la CJCE dans les mêmes locaux, mais c’est juste un organe juridictionnel.

2) La composition et la formation du Tribunal de Première Instance des Communautés Européennes.

Le TPICE est composé de 15 juges, nommés dans les mêmes conditions que les juges de la CJCE.

Il n’y a pas d’avocat général, ce qui explique la particularité de la mission des juges.

Lorsqu’un litige est porté devant le TPICE, son Président un juge rapporteur et un juge qui remplira les fonctions d’avocat général (il ne participera donc pas au jugement rendu par le tribunal).

Le TPICE peut se réunir en formation plénière ou constituer des chambres de jugement (de 3 à 7 juges) en fonction du type de contentieux.

Le greffe du TPICE est celui de la CJCE : il s’agit d’un greffe commun.

3) La procédure devant le Tribunal de Première Instance des Communautés Européennes.

La procédure devant le TPICE est la même que devant la CJCE. Ces règles de procédure sont rédigées dans un règlement de procédure : il y en a un pour le TPICE et un autre pour la CJCE.

4) Pourvoi contre les jugements du Tribunal de Première Instance des Communautés Européennes.

Les jugements du TPICE peuvent faire l’objet d’un pourvoir devant la CJCE. Cela s’assimile à un pourvoi en cassation, car :       – la CJCE n’est que juge du droit : elle ne contrôle que l’application du droit.

– la CJCE refuse d’apprécier une seconde fois et de rejuger les faits.

Þ La CJCE pourra annuler un jugement du TPICE s’il était incompétent, ou s’il a commis une erreur de droit. La justice communautaire n’est pas à double degré : seul le TPICE apprécie les faits.

Les décisions rendues par la CJCE sur la base d’un pourvoir sont mentionnées aff. …/… (P).
§2 : Compétences et nature des fonctions juridictionnelles.

A/ Compétences de la Cour de Justice des Communautés Européennes.

1) Mode d’attribution des compétences de la Cour de Justice des Communautés Européennes.

Les compétences de la CJCE sont déterminées par les traités de base.

Les compétences originaires de la CJCE n’ont jamais été remises en cause : les Etats considèrent la CJCE comme une instance de régulation suprême du droit communautaire, qui doit déployer sa jurisprudence afin de permettre la bonne application du droit communautaire dans l’ordre juridique communautaire.

Les compétences de la CJCE ont été élargies en 1997 par le traité d’Amsterdam, notamment dans le cadre de la CPJP. La Cour intervient désormais dans la sphère de l’union : les articles 35 alinéas 2, 6 et 7 UE la chargent :       – d’interpréter les décisions-cadres, décisions et mesures adoptées dans le cadre du 3ème pilier ;

– d’apprécier la validité de ces mêmes actes ;

– de contrôler la légalité des décisions-cadres et décisions adoptées dans le cadre du 3ème pilier.

Þ Dans le cadre du 3ème pilier, le traité d’Amsterdam a élargi les prérogatives de la CJCE. Dans le cadre du 1er pilier, un titre 4 relatif à la politique d’asile, d’immigration, de franchissement des frontières va être créé : le contrôle de la réglementation nécessaire à la mise en œuvre de ce titre relève de règles contentieuses et procédurales dérogatoires au droit commun, qui limitent la compétence de la CJCE, qui n’est notamment pas habilitée à interpréter la réglementation communautaire portant sur l’ordre public.

2) Variété des compétences de la Cour de Justice des Communautés Européennes.

Ä Les saisines à titre facultatif : la procédure de l’art.300 al.6 CE permet à la CJCE d’apprécier la compatibilité des accords externes conclus par la Communauté Européenne avec le droit primaire. La saisine est réservée aux Etats, au Conseil et à la Commission.

L’art.95 al.3 et 4 CECA prévoit une procédure de « petite révision CECA » lors d’une Conférence Inter-Gouvernementale classique, à l’initiative des Etats membres.

Ä Les saisines à titre préjudiciel : l’art.234 CE permet aux juges nationaux, le cas échéant sur demande des parties au litige, de saisir la CJCE d’un renvoi préjudiciel en interprétation, ou d’un renvoi préjudiciel en appréciation de validité.

Ä Les saisines à titre contentieux : les Etats membres, les institutions, et dans certaines hypothèses, les personnes physique ou morales, pourront saisir la CJCE.

Ce pourra être :        – un recours en manquement d’Etat (art.228 CE) ;

– un recours en responsabilité extra-contractuelle des Communautés (art.235 CE) ;

– un recours contre les sanctions prononcées par la Commission dans le domaine des aides d’Etat, et particulièrement dans le domaine de la concurrence (art.232 CE) ;

– un recours en exception d’illégalité contre les règlements communautaires (art.241 CE) étant entendu que la jurisprudence a admis l’exception d’illégalité contre les mesures d’application d’une directive ; recours des personnels contre les institutions (art.236 CE) ;

– un recours en carence des institutions (art.232 CE) ;

–  recours en annulation contre les actes des institutions (art.230 CE).

Þ Dans le cadre d’un recours en carence, d’un recours en annulation ou d’un recours en responsabilité extra-contractuelle, les personnes morales et physiques ne pourront agir devant la CJCE que dans le cadre d’un pourvoi contre un jugement du TPICE (compétent en première instance pour connaître de la plupart des recours dirigés par les personnes morales et physiques). En revanche, la CJCE est compétente en premier et dernier ressort en matière de renvoi préjudiciel en interprétation, de renvoi préjudiciel en appréciation de validité, et en matière de recours en manquement.

3) La nature des compétences de la Cour de Justice des Communautés Européennes.

La CJCE dispose de compétences :   – de nature commerciale : le contentieux de la concurrence ;

–  de nature administrative : le contentieux de l’annulation ;

– de nature prud’homale : litige entre les agents et leurs institutions ;

– de nature constitutionnelle : la répartition des compétences entre les Etats et les Communautés et entre les institutions. Dans le rapport sur « certains aspects de l’application du traité de Maastricht » (5/1995), la CJCE a elle-même recours au terme de compétence constitutionnelle.

– de nature internationale : dans le recours en manquement, elle rappelle aux Etats membres qu’ils sont fautifs du fait du non-respect de leur obligation internationale qui est de mettre en œuvre les traités communautaires.

B/ Compétences du Tribunal de Première Instance des Communautés Européennes.

1) Mode d’attribution des compétences du Tribunal de Première Instance.

Les compétences du TPICE lui sont attribuées par le Conseil qui, en vertu de l’art.225 CE, adopte à l’unanimité et sur demande de la CJCE, une décision portant attribution de compétences au TPICE.

2) Variété des compétences du Tribunal de Première Instance des Communautés Européennes.

Le TPICE est compétent à titre principal :       – pour connaître des litiges entre les Communautés et leurs agents. Cette compétence couvre tous les recours, y compris les recours en indemnité.

– pour connaître des recours des personnes physiques et morales contre les institutions : recours en annulation des actes communautaires, recours en carence, recours contre les décisions en matière de concurrence.

– pour connaître des recours des entreprises sidérurgiques contre la Commission dans le cadre du traité CECA.

Les recours en annulation, en carence et celui des fonctionnaires sont possibles dans le cadre des 3 traités.