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Les pouvoirs de droit sur une chose


Chapitre 1 : La propriété : l’appropriation exclusive.

La propriété est le droit réel par excellence. Selon l’article 544 du code civil, « la propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les droits ou les règlements ».
Section 1 : Présentation du droit de propriété.
§1 : Les attributs.

Le droit de propriété est le seul qui réunisse les trois attributs que sont l’usus, l’abusus et le fructus.

Ä L’usus (» usage) est le pouvoir d’user personnellement de sa chose. C’est une notion factuelle.

Ä Le fructus (» fruit) est le pouvoir de jouir de sa chose, d’en obtenir les fruits. En droit, la notion de fruit désigne ce qu’une chose produit périodiquement sans altération de sa substance.

On distingue : – les fruits naturels (art. 583) proviennent de la culture, du croît des animaux,…

– les fruits industriels (art. 583) viennent du travail de l’homme : le fruit d’une semence,…

– les fruits civils (art. 584) sont de l’argent : loyers perçus, intérêts des capitaux placés,…

Les produits sont produits par la chose en en altérant sa substance (mine,…). Le propre du produit est de ne jamais être reproduit.

Ä L’abusus (» abuser) est un droit extrême : on peut abuser de la chose, dans le sens où on peut en disposer en la faisant disparaître. L’acte de disparition permet de faire sortir un bien du patrimoine.

A/ La jouissance.

Il s’agit de l’utilisation (user de la chose : jus utendi) d’une chose dont on perçoit les fruits (jus fruendi). C’est un droit et non pas un devoir.

B/ La disposition.

On retrouve l’abusus. La disposition est le paroxysme en matière de droit de propriété.
§2 : Les caractères.

Le code civil érige la propriété en un droit inviolable et sacré. Le Conseil constitutionnel a déclaré le caractère fondamental du droit de propriété dans une décision du 16/1/1982.

A/ L’absolutisme.

1) Le principe général.

L’adjectif « absolue » contenu dans l’article 544 permet de parler de l’absolutisme du droit de propriété : il est absolu dans son esprit, son étendue,… Le propriétaire peut faire ce qu’il veut de sa chose (art. 552).

2) La théorie de l’empiétement.

Le propriétaire d’un terrain construit sa maison en débordant sur le territoire de son voisin. En théorie, le juge peut ordonner la destruction de ce qui empiète. La théorie (jurisprudentielle) de l’empiétement est plus souple : que la personne qui empiète soit ou non de bonne foi, et que l’empiétement soit minime ou non, le propriétaire du terrain amputé peut fixer un prix pour « obliger » l’autre à acheter la parcelle utilisée.

B/ L’exclusivité.

Le propriétaire a des droits exclusifs sur la chose : on ne peut forcer la propriété, ni à être propriétaire.

C/ La perpétuité.

Toute action s’éteint par prescription (art. 2262). La prescription maximum est de 30 ans.

La prescription acquisitive existe : quelqu’un peut acquérir la chose en l’utilisant pendant le délai de prescription. Par contre, la prescription extinctive n’existe pas en matière de propriété : ne pas utiliser la chose n’entraîne pas sa perte. La propriété est donc un droit perpétuel. Un arrêt d’Assemblée Plénière du 23/6/1975 confirme cette solution : suite à une tempête qui a entraîné la rupture d’une digue, un étang est recouvert par la mer. Après 70 ans, une digue naturelle s’est reformée, et l’étang est à nouveau séparé de la mer : les héritiers du propriétaire en retrouvent la propriété, qu’ils n’ont pas pu perdre par le non-usage.

Des droits de propriété temporaires existent aussi : les droits d’auteur se prescrivent 50 ans après la mort.

La conception perpétuelle du patrimoine se retrouve dans les successions et héritages : le droit français admet la transmission successorale de génération en génération.
Section 2 : L’acquisition de la propriété.

Sur les trois livres contenus dans le code civil, un livre est consacré à la propriété. Le mode d’acquisition le plus classique est de tenir un bien du propriétaire précédent. En matière immobilière, il existe des modes d’acquisition particuliers. Le Patrimoine Commun de l’Humanité regroupe toutes les choses qui n’appartiennent à personne en particulier, mais à tout le monde en général.
§1 : Les modes légaux.

A/ L’acquisition volontaire.

1) L’occupation.

C’est un mode direct, immédiat, « primitif et parfois sauvage » (Cornu) d’acquisition de la propriété. Juridiquement, c’est l’appréhension effective d’une chose qui n’appartient à personne (res nullius). Elle ne pourra marcher qu’en matière mobilière, car tout immeuble appartient à quelqu’un (ou à l’état).

2) La possession.

C’est une situation de fait : une emprise matérielle sur la chose. Elle ne coïncide pas toujours avec la propriété.

B/ L’acquisition automatique.

1) La succession.

C’est la conséquence d’un fait juridique, à savoir le décès d’une autre personne. La propriété des biens est transférée par le biais de la succession : en théorie, le transfert s’effectue dès le décès, mais il est possible de refuser par la suite.

2) L’accession.

Accessorium sequitur principale : l’accessoire suit le principal. Il s’agit d’un mode non volontaire d’acquisition de la propriété. Le propriétaire d’un terrain est aussi propriétaire des biens construits ou plantés sur ce terrain, ainsi que des ressources issues du sol.

a_ L’accession naturelle.

Elle se fait sans intervention humaine, par union ou incorporation d’une chose à une autre (art. 546 à 554). Il s’agit du cas de biens apportés par la crue d’un cours d’eau, de la chute d’objets (météorites,…). L’art. 564 prévoit tout de même que la chose ne doit pas être arrivée sur le terrain par fraude ou artifices.

b_ L’accession artificielle.

Elle résulte d’une activité humaine (construction ou plantation).

Ä L’utilisation de matériaux appartenant à quelqu’un d’autre (art. 554) : le propriétaire du terrain devient propriétaire des matériaux, car ils sont devenus accessoires au terrain. Leur propriétaire ne peut pas les récupérer, même si plus tard ils sont à nouveau détachés du terrain. En revanche, il doit être payé, la valeur étant estimée à la date du paiement. Il est aussi possible d’envisager des dommages et intérêts.

Ä La construction sur le terrain d’autrui (art. 555) : ce cas diffère de celui de la théorie de l’empiétement, en ce que la totalité du bien est construit sur le terrain d’autrui. Le propriétaire du sol peut soit conserver la propriété du bien, soit demander son enlèvement aux frais du constructeur. Les travaux doivent réaliser une chose nouvelle et autonome par rapport à ce qui existait (rénovation insuffisante).

En pratique, on distingue les impenses : – nécessaires : ils ont été réalisés pour ne pas porter atteinte à la substance de la chose (système d’évacuation des eaux,…). Leur auteur a droit au remboursement.

– utiles : ils ne sont pas indispensables (simple drainage du terrain,…). Leur auteur n’est remboursé que de la plus-value apportée à la maison par les travaux.

– voluptuaires : ils n’ont d’intérêt que pour celui qui les a réalisé (piscine,…). Le propriétaire peut demander la remise en état des lieux, et des dommages et intérêts.

L’art. 555 distingue selon que l’auteur de la construction était ou non de bonne foi : si le constructeur est de : – bonne foi, il sera indemnisé (à la charge du propriétaire), soit de l’équivalent de la plus-value apportée au bien, soit du coût des matériaux et de la main d’œuvre. La démolition est rare dans un tel cas.

– mauvaise foi, la démolition est souvent ordonnée ainsi que l’indemnisation du propriétaire (à la charge du constructeur).

L’article 2268 énonce que la bonne foi est toujours présumée : il faut prouver la mauvaise foi.
§2 :L’acquisition conventionnelle.

La rencontre des volontés suffit à rendre la vente parfaite, en vertu du principe du consensualisme : il n’est pas nécessaire que le transfert de propriété ai été matériellement réalisé. En matière immobilière, le consensualisme cède la place devant le formalisme : il faut un acte matériel, le plus souvent notarié.
Section 3 : Les limites du droit de propriété.
§1 :Les limites légales et réglementaires.

A/ Les limites d’ordre public.

1) La monnaie.

C’est un bien meuble particulier : c’est un bien corporel, consomptible par le premier usage, et fongible. L’argent est seulement mis à disposition du citoyen, qui a un droit d’usage et de jouissance, mais pas l’abusus (interdit de le démolir). Il est juste dépositaire de la monnaie, pas propriétaire.

2) L’expropriation.

L’article 545 apporte un tempérament au principe de l’article 544 : il admet l’expropriation, mais uniquement pour cause d’utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité.

3) Le droit de préemption.

L’Etat exerce parfois ce droit au profit du Trésor quand un prix de vente lui paraît insuffisant ou en cas d’aliénation (pour empêcher qu’un bien appartenant à l’histoire ne quitte le domaine public national).

B/ Les limites d’ordre privé.

1) Les œuvres artistiques.

Elles sont soumises à un régime juridique spécial. L’exercice des droits de propriété peut être limité : il est interdit de détruire une œuvre d’art (pas d’abusus). L’auteur garde des droits sur l’œuvre après la vente.

2) L’entretien.

Il y a des obligations légales d’entretien : en cas de risque d’atteinte à la sécurité des personnes (maison qui s’écroule sur la voie publique) ; en matière de servitude de passage (entretien du chemin concerné),…

3) Les autorisations administratives.

Il faut respecter les régimes d’autorisation de construire ainsi que diverses autres réglementations.
§2 :Les limites jurisprudentielles.

Les tribunaux judiciaires sont les gardiens naturels de la propriété privée.

A/ La théorie de l’abus de droit.

Cette théorie date du droit romain : elle vise à sanctionner l’exercice malicieux d’un droit.

1) Le concept.

Pour Planiol, le droit cesse là où l’abus commence : celui qui abuse de son droit n’est peut-être plus dans son droit. Juridiquement, on ne peut pas délimiter l’exercice d’un droit, mais plutôt définir la limite où il y a abus. Josserand parle ainsi de l’exercice antisocial d’un droit. Les limites peuvent résulter de différents, tous soumis à subjectivité : art. 1134 al.2 (bonne foi) ; la notion d’excès de pouvoir en droit administratif ; le critère psychologique de l’intention de nuire ; … = frontières assez floues à définir.

2) Les critères.

La jurisprudence a essayé de dégager des critères. L’arrêt des sources de St-Galmier retient la qualification d’abus de droit en raison de forages pratiqués dans un jardin, dans le but de gêner l’exploitation d’une source d’eau par le voisin. L’arrêt Clément Bayard (Req. 3/8/1915) retient l’abus du droit de propriété en reprochant au propriétaire d’avoir érigé des pieux sur des baraquements dans le seul but d’obliger son voisin a lui acheter son terrain. Þ Il faut une intention de nuire et une absence d’utilité.

Deux adages s’appliquent à cette théorie : « dura lex, sed lex » (« la loi est dure, mais elle est la loi ») et « summum jus, summa injuria » (« au droit le plus extrême, l’injustice la plus grave »).

B/ La théorie des troubles anormaux de voisinage.

1) Le principe.

Cette théorie jurisprudentielle est soumise à l’appréciation des juges : il faut la présence de voisins (pas nécessairement contigus) et un trouble (sonore, olfactif, fumée,…). Le caractère répété de la gène et l’intensité sont recherchés, de même qu’une faute d’imprudence ou de négligence. En fait, l’activité du voisin est souvent légale, mais en raison de l’usage qui en est fait, le trouble de voisinage devient anormal.

Les cas les plus fréquents sont ceux de proximité d’un aéroport ou d’une porcherie. Si le voisin s’est installé après, en connaissance de cause, il ne peut pas se plaindre ; s’il était installé avant, il peut obtenir une condamnation pour troubles de voisinage, ou obtenir de l’exploitant qu’il réduise au maximum la nuisance (filtres,…).

2) Sanction.

L’appréciation est in concreto. Les juges du fond peuvent demander la limitation de la nuisance, accorder des dommages et intérêts, … Pour Starck, c’est un droit de nuire moyennant indemnité.

C/ La théorie de l’apparence.

Dans certains cas, la personne qui a cru traiter avec le verus dominus (véritable propriétaire) doit être protégée.

Exemple : suite à un décès, un testament attribue un bien à l’un des héritiers, qui le revend. Un testament plus récent est découvert : il doit donc être appliqué, mais il attribue le bien en question à un autre héritier. Le nouvel acquéreur est protégé, car il a cru traiter avec le véritable propriétaire. Ses droits sont reconnus en application de l’adage Error communis facit jus (« l’erreur commune fait le droit ») : la personne doit avoir commis une erreur que n’importe qui aurait commis.

1) Nemo plus juris.

Nemo plus juris ad alium transferre potest quam ipse habet : « nul ne peut transmettre plus de droit qu’il n’en a lui-même ». Cette règle reçoit une première limitation avec l’application de la théorie de l’apparence, mais il y en a d’autres : l’article 2279 ; l’inopposabilité de la contre-lettre d’une simulation aux tiers ; la prescription acquisitive ;…

2) Les conditions d’application de la règle.

L’opération réunit 3 personnes : le véritable propriétaire, le propriétaire apparent, et le tiers acquéreur (acquéreur a non domino). La théorie de l’erreur commune ne s’applique que dans trois hypothèses : en présence d’un héritier ou d’un légataire ; d’un mandataire ; ou d’un propriétaire apparent.

a_ Un acte à titre onéreux.

La raison d’être de la règle est de protéger les tiers. Si l’acte conclu entre le propriétaire apparent et le tiers acquéreur est un acte à titre gratuit, on peut retirer ce droit à son nouveau propriétaire sans qu’il y perde. Il n’a donc pas de raison d’être protégé.

En cas de succession, le caractère quasi-gratuit est entre le véritable propriétaire et le propriétaire apparent : cela n’intervient pas.

b_ Un tiers de bonne foi.

Le tiers acquéreur doit réellement avoir cru traiter avec quelqu’un qui était le véritable propriétaire. Peu importe l’erreur qu’il a commis. De plus, la bonne foi est présumée en vertu de l’article 2268 du code civil.

c_ Une erreur commune.

Elle doit être partagée par tous : tout le monde a pris cette personne pour le véritable propriétaire.

d_ Une erreur invincible.

Il était impossible de ne pas se tromper : il ne doit pas y avoir de moyen de vérifier s’il y avait ou non une erreur. Pour Carbonnier, c’est une « erreur de force majeure ».

3) Les effets de la règle.

a_ Les rapports entre le véritable propriétaire et le tiers acquéreur.

Le tiers acquéreur est considéré comme le propriétaire de la chose : il est maintenu dans son droit de propriété. Le véritable propriétaire est donc dépouillé de sa propriété.

b_ Les rapports entre le véritable propriétaire et le propriétaire apparent.

Si la chose n’a pas encore été aliénée, le propriétaire apparent la restitue au véritable propriétaire.

Si le propriétaire apparent était de bonne foi : il doit restituer la somme issue de la cession du bien, mais peut garder les éventuels fruits de la chose (loyers,…).

Si le propriétaire apparent était de mauvaise foi (il savait ne pas être propriétaire de la chose) : il doit restituer la chose (ou la somme correspondante), ainsi que les éventuels fruits qu’il aurait pu recevoir. Il peut aussi être condamné à verser des dommages et intérêts au véritable propriétaire si celui-ci a subi un préjudice.

Chapitre 2 : L’attribution concurrente.

Plusieurs personnes peuvent avoir en même temps des droits ressemblant à de la propriété sur un même bien.
Section 1 : La propriété collective.

Au moins 2 personnes sont propriétaires d’un même bien : chaque protagoniste a les trois attributs de la propriété. La multipropriété n’est pas concernée, car il n’y a qu’une sorte de droit de jouissance : selon la loi du 8/7/1998 (transposition en droit interne d’une directive européenne du 27/10/1994), il s’agit de « jouissance des biens immobiliers à temps partiel ».

Les « biens sectionnaux » sont des terres léguées à une commune, qui appartiennent à chacun des habitants de la commune. Cette règle existe depuis le XVIIIème dans certaines régions. Un village de Lozère avait institué un tirage au sort annuel pour déterminer le propriétaire du morceau de terre pour l’année. Celui qui le récupérait le sous-louait à un agriculteur = c’était une sorte de jouissance privative temporaire et aléatoire d’un bien. Ce mécanisme a été décrété illégal.

La propriété collective à l’état pur recouvre les hypothèses de copropriété, de propriété commune, et de propriété indivise. En 1804, les rédacteurs du code civil concevaient la propriété exclusive d’une personne sur une chose, mais ne faisaient que tolérer de rares hypothèses de propriété collective (biens communs des époux, un peu d’indivision,…).
§1 : La copropriété ordinaire : l’indivision.

Pour le droit civil, l’indivision est quelque chose d’exceptionnel et d’anormal. La loi du 31/12/1976 est la première a légiférer en cette matière et le code civil n’effleure cette question qu’au seul article 815.

La loi avait pour objectif de prévoir les cas où l’indivision est admise, et de doter l’indivision d’une organisation. Elle prévoit aussi les problèmes qui peuvent apparaître, et les modes de règlements de ces problèmes : au bout de 5 ans, tout est prescrit.

Juridiquement, l’indivision ne doit pas durer plus de 5 ans, mais, dans les faits, si les co-indivisaires s’entendent, il n’y a pas de raison que l’indivision s’arrête. Chaque indivisaire doit être traité sur un pied d’égalité avec les autres : il faut donc l’unanimité pour toutes les décisions concernant le bien. Il est aussi possible de sortir de l’indivision : le droit fait tout pour permettre cette sortie.

A/ L’indivision légale.

Le législateur s’est inspiré du régime de la communauté de biens entre époux : le code civil organise des mesures de déblocage en cas de situation de crise. L’article 815 du code civil prévoit que nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision, et que le partage peut toujours être provoqué.

Pour le législateur, l’indivision est un état temporaire avant un passage à la propriété ordinaire. Cette conception tient au fait que la loi fixe une durée maximum de l’indivision de 5 ans, et que même si cette règle n’est pas respectée, un jour ou l’autre, il y aura un retour à la propriété individuelle.

1) La nature des droits des co-indivisaires.

a_ La quote-part.

Chaque co-indivisaire est propriétaire d’une fraction théorique du bien indivis : il peut disposer de sa quote-part, notamment la céder ou l’hypothéquer.

Les quotes-parts peuvent être variables : les co-indivisaires n’ont pas forcément tous la même fraction du bien. En cas de part d’importance égale, on parle de « parts viriles ».

Il est juridiquement permis d’aliéner sa quote-part : le co-indivisaire peut provoquer le partage s’il veut sortir. Cela marque alors la fin de l’indivision.

b_ Le partage.

Selon l’article 815 du code civil, chaque co-indivisaire peut à tout moment demander le partage de l’indivision. La loi ne prévoit aucun aménagement à cette règle, mais le juge pourra décider de surseoir à la réalisation immédiate du partage dans le cas où le partage risque de porter atteinte à la valeur des biens indivis. Le but est d’éviter un usage abusif du droit : il s’agit juste d’un délai.

Si un indivisaire veut partir, mais que les autres veulent rester en indivision, ils peuvent racheter la quote-part de l’indivisaire qui veut partir, et bénéficient même d’un droit de préemption. Cela permet d’empêcher la vente du bien tout en permettant à celui qui veut partir de recevoir sa somme d’argent, ainsi que d’éviter la vente de la quote-part à un tiers.

2) La gestion de l’indivision.

L’unanimité (unicité de la propriété) n’est exigée que pour les actes de disposition (cession du bien,…).

a_ Les actes de gestion.

· Les actes d’administration : l’exigence de l’unanimité est assouplie, et on pose des présomptions de mandat : un indivisaire qui fait des actes d’administration est présumé avoir agi à la demande des autres. L’acte est alors opposable à tous les co-indivisaires.

L’habilitation judiciaire : le juge autorise à passer outre le refus injustifié de l’un des co-indivisaires.

· Les actes conservatoires : chacun des co-indivisaires peut prendre une décision relative à ces actes.

Þ En dehors des actes conservatoires ou d’administration, le législateur incite les co-indivisaires à se faire des mandats : – le mandat général est un blanc-seing pour tous les actes de gestion. Le mandant étant engagé par n’importe quel acte juridique du mandataire, c’est limité aux actes d’administration courante.

– le mandat spécial est utilisé lorsqu’un acte déterminé doit être pris.

b_ Les mesures de crise.

Elles visent à débloquer les situations de crise susceptibles d’apparaître au sein de l’indivision. Le juge peut : – habiliter un co-indivisaire à représenter un indivisaire « hors d’état de manifester sa volonté ».

– autoriser un co-indivisaire à agir pour celui qui oppose un refus mettant en péril l’intérêt commun.

c_ Les questions pécuniaires.

Chaque co-indivisaire supporte les pertes proportionnellement à ses droits dans l’indivision.

Les créanciers de l’indivision sont distingués des créanciers personnels des indivisaires, et sont privilégiés : on affecte à leur garantie les biens indivis.

Les fruits (surtout les fruits civils) : tous les fruits des biens indivis augmentent l’indivision (« Fructus augent hereditatem »). Leur produit peut être laissé en pot commun, ou être partagé annuellement entre les co-indivisaires, après déduction des dépenses courantes. Après 5 ans (du jour où les fruits auraient dû ou pu être perçus) plus aucune recherche n’est recevable, car l’indivision est censée demeurer moins de 5 ans.

L’indivisaire gérant : il doit gérer dans l’intérêt collectif de tous les indivisaires. Il a droit à une rémunération pour sa gestion, indépendamment du résultat de son exploitation (prescription de 5 ans).

B/ L’indivision conventionnelle.

Elle a été recherchée, construite et élaborée par des personnes (innovation de la loi de 1976).

La durée ne peut excéder 5 années, mais le renouvellement est possible (décidé à l’unanimité). Le partage reste toujours possible. Un gérant doit être désigné (art.1873-5 et suivants), le droit de regard est renforcé, l’unanimité peut être remplacée par une majorité (changement décidé à l’unanimité).
§2 : La mitoyenneté.

Elle est contenue dans les articles 653 et suivants du code civil, au milieu des dispositions relatives aux servitudes, alors que ce n’en est pas une. C’est une copropriété particulière, qui concerne les voisins.

A/ Nature juridique.

C’est une propriété en commun d’un mur, d’une haie ou d’un fossé servant de séparation entre deux fonds. La mitoyenneté étant perpétuelle, elle ne peut pas porter sur une universalité : les biens qui la composent doivent avoir une utilité commune, c’est-à-dire servir aux deux fonds.

Toute hypothèse d’indivision sera exclue en cette matière, et il est impossible de céder son droit de mitoyenneté indépendamment de son propre fond : la dissociation est impossible.

B/ Etablissement.

1) Règles de fond.

a_ Acquisition.

Il faut un titre de propriété, qui servira ultérieurement de preuve.

Le mode conventionnel d’acquisition de la mitoyenneté : deux voisins décident d’édifier un mur à fonds commun et s’en partagent la mitoyenneté. Il est aussi possible pour le propriétaire exclusif d’un mur de proposer à son voisin la cession de la mitoyenneté (à titre onéreux ou à titre gratuit).

L’acquisition par prescription : un voisin qui se sera comporté comme s’il était mitoyen sans que le véritable propriétaire ne se soit manifesté, sera considéré en fait et en droit comme un propriétaire mitoyen, au bout d’un délai de 30 ans maximum.

L’acquisition forcée : c’est une solution jurisprudentielle. Elle aura lieu quand le voisin non propriétaire du mur s’en sert pour adosser une construction : on le force à acquérir à titre gratuit ou onéreux, la propriété du mur dont il se sert. C’est le pendant de l’acquisition par prescription.

b_ Cession.

La cession conventionnelle : un accord de volonté suffit.

La cession forcée de mitoyenneté : un voisin force le propriétaire exclusif à lui céder la mitoyenneté.

Le déguerpissement : chacun des copropriétaires peut abandonner la mitoyenneté (charges d’entretien trop lourdes,…). Cette hypothèse est exclue lorsque la personne a adossé une construction sur le mur, ou si les réparations à faire sur le mur sont de son fait.

2) Règles de preuve.

L’article 653 du code civil présume mitoyen tout mur servant de séparation. Cette présomption est réfragable, et aujourd’hui le nombre de cas où elle est renversé tend à renverser le principe.

C/ Droits et obligations des voisins.

1) Droits d’usage.

Chaque copropriétaire mitoyen a le droit d’utiliser le mur, la clôture ou la haie pour y apposer une construction, y adosser une palissade,… Le législateur réglemente toutefois ces droits : le percement du mur ne peut excéder la moitié de sa largeur ; la palissade ne doit pas dépasser la hauteur du mur ;…

2) L’entretien.

Chaque copropriétaire peut prendre l’initiative des réparations, qui sont exécutées à frais commun.

3) Modifications.

La loi réglemente le perçage du mur mitoyen ou son surélevement. Le coût du surélevement sera ainsi supporté par le seul voisin qui la décidé. La partie surélevée pourra être cédée, mais il n’y a pas de possibilité d’acquisition forcée.
§3 : La copropriété des immeubles bâtis.

La loi du 10/7/1965 a modifié et remanié l’art. 664 c.civ., le seul à y être consacré. Les textes en la matière sont souvent impératifs : le statut légal de la copropriété est applicable dès qu’elle apparaît.

A/ Notions générales.

1) Parties privatives et parties communes.

En principe, chaque copropriétaire doit recevoir la propriété divise de parties privatives et une quote-part de la propriété indivise des parties communes. Les lots sont l’ensemble des droits appartenant, dans la copropriété des immeubles bâtis, à chaque copropriétaire, et comprenant outre la propriété exclusive d’une partie privative, une quote-part dans la copropriété des parties communes.

La propriété des parties privatives a un abusus encadré : il n’est pas possible de toucher aux parties communes qui se trouvent à l’intérieur de cet appartement (murs porteurs,…).

Les parties communes sont les parties des bâtiments et des terrains affectés à l’usage et à l’utilité de tous les copropriétaires ou de plusieurs d’entre eux. En fait, tout ce qui n’est pas partie privative est partie commune : c’est une catégorie résiduelle.

2) Documents fournis lors de l’achat.

Le règlement de copropriété : il est fondamental, en ce qu’il est le mode d’emploi de la vie en commun. Ce contrat (contrat d’adhésion) est accepté du seul fait de l’achat de l’immeuble. Il a été élaboré à l’origine par les premiers propriétaires, c’est-à-dire qu’il a été rédigé par ceux qui ont fait naître la copropriété.

L’état descriptif de la situation de l’immeuble : il contient la surface de l’appartement privatif, éventuellement de la cave et du parking privatif, et la surface totale des parties communes de la propriété.

3) Le syndicat de copropriété.

C’est une personne morale : il s’agit d’une association obligatoire dans une copropriété divise. Par ce biais, tout copropriétaire peut agir en justice pour la défense de ses intérêts propres ou de l’intérêt général. Il a pour objet la conservation de l’immeuble et l’administration des parties communes.

Une personne qui achète un lot dans la copropriété devient automatiquement membre du syndicat. L’assemblée générale de la copropriété, organisée à intervalles réguliers, ne siégera régulièrement que si tous les copropriétaires y ont été convoqués, peu importe qu’ils soient ou non présents. Les décisions prises par l’assemblée générale s’imposent à tous les propriétaires, mêmes ceux qui ont voté contre ou qui n’étaient pas présents lors du vote. Une majorité renforcée est requise pour nommer et révoquer le syndic.

Le Conseil Syndical est une émanation facultative du syndicat de copropriété : seules les copropriétés importantes y ont recours. C’est un organe d’assistance et de contrôle du syndic, d’information et de surveillance. Il n’a pas tous les pouvoirs du syndicat de propriété, et s’il dépasse le cadre de ses prérogatives, ses actes pourront être contestés et sa responsabilité engagée.

4) Le syndic.

C’est l’exécutif : un agent chargé de prendre soin des affaires de la copropriété. Il s’agit d’une personne morale ou physique, copropriétaire ou non, professionnelle ou non : dans les grosses copropriétés, il s’agit souvent d’un syndic professionnel, personne morale non copropriétaire (emploi à temps complet) ; dans les petites copropriétés, c’est généralement une personne physique copropriétaire non professionnelle.

Il s’occupe : – de l’aspect matériel de la vie en copropriété : il exécute les stipulations du règlement de copropriété, et peut intervenir pour forcer un copropriétaire à respecter ce règlement.

– de la gestion matérielle de la vie de tous les jours, c’est-à-dire dresser les charges. Il paye le gardien et le concierge,… et se rémunère. Un copropriétaire non professionnel sera souvent bénévole.

B/ Droits et obligations des copropriétaires.

En théorie, il n’y a pas de problème, car les droits et obligations sont posés par la loi ou le règlement de copropriété. Mais on ne peut pas reprocher à un locataire de ne pas respecter ce règlement.

1) Sur les parties privatives.

La liberté totale est le principe : on a presque tous les droits à l’intérieur de son appartement, sauf les limites posées par le règlement. On laisse la jouissance sur les parties privatives, mais à condition de ne pas porter atteinte aux droits des autres propriétaires, ni à la destination de l’immeuble.

La clause d’habitation bourgeoise a pour objet de limiter les installations de professionnels. En général, les professions libérales avec peu de passage de clientèle sont tolérées (architecte, médecin,…).

2) Sur les parties communes.

C’est un régime de copropriété indivise forcée et perpétuelle. Chaque copropriétaire a une quote-part sur ces parties, en proportion de la valeur de ses parties privatives. Ils ont tous un droit d’usage et de jouissance sur ces parties, mais à condition qu’il soit exercé conformément à la destination de l’immeuble, et sans porter atteinte aux droits des autres propriétaires.

Parmi les principales obligations, on trouve l’obligation de contribuer aux charges de la copropriété proportionnellement aux droits dans la copropriété : le calcul se fait au prorata des tantièmes. Il existe une dérogation pour l’entretien de l’ascenseur, dont les habitants du rez-de-chaussée sont dispensés.
Section 2 : L’usufruit.

Il confère temporairement la jouissance directe de la chose d’autrui. Il y a donc un nu-propriétaire, qui est obligé de partager sa chose, et un usufruitier, bénéficiaire du droit réel qu’est l’usufruit.
§1 :Heurs et malheurs de l’usufruit.

L’usufruit est un démembrement de propriété : quelqu’un dispose d’un droit réel sur la chose d’autrui.

Pour Mallaury, c’est une « institution de vieillard », car la population âgée y a beaucoup recours.

Ä la nue-propriété est conférée aux enfants : le décès de l’usufruitier leur donne la pleine propriété.

Ä dans un couple, le survivant a une vocation successorale d’usufruitier sur une partie des biens, les enfants étant nus-propriétaires.

Ä l’usufruit conventionnel porte sur des biens variés.

Ä la vente d’un immeuble avec usufruit moyennant une rente viagère.

Ä l’usufruit croisé : les concubins s’accordent réciproquement l’usufruit sur leur moitié du bien.
§2 :Nature juridique.

Art. 578 : L’usufruit est le droit de jouir des choses dont un autre a la propriété comme le propriétaire lui-même, mais à la charge d’en conserver la substance. Cet article présente une similitude de construction avec l’article 544 relatif à la propriété.

A/ Domaine d’exercice.

L’usufruitier n’a que l’usus et le fructus. Le nu-propriétaire n’a que l’abusus.

1) Dans la durée.

L’usufruit a un caractère nécessairement temporaire. En présence d’un usufruit conventionnel, un terme a dû être prévu : le nu-propriétaire redeviendra alors propriétaire plein et entier. Si rien n’a été prévu, en présence d’usufruitier : – personne physique : l’usufruit prendra nécessairement fin avec le décès de l’usufruitier. Il est possible de prévoir un délai plus court.

– personne morale : l’usufruit ne peut excéder 30 ans (art. 619).

L’objectif est de permettre à l’article 578 de s’appliquer : le nu-propriétaire a vocation à redevenir propriétaire. Cela tient au fait que l’usufruit est un simple démembrement de propriété, stérile sur les plans juridique et économique.

2) Quant à l’objet.

a_ Des choses.

L’usufruit peut grever tout bien particulier, meuble (droit réel mobilier) ou immeuble (droit réel immobilier). Pour Proudhon, il « emprunte le corps de la chose qui doit être livrée à l’usufruitier ».

Il peut porter sur une : – universalité : en cas de succession ab intestat (décès sans testament). On applique alors les règles légales contenues dans le code civil.

– chose corporelle ou incorporelle : c’est possible sur un fond de commerce, une propriété littéraire ou artistique, ou sur une valeur mobilière.

– chose consomptible : la dernière condition de l’art. 578 ne pourra pas s’appliquer. Un portefeuille d’actions est concédé en nue-propriété, et l’ancien propriétaire en garde l’usufruit : cette valeur mobilière peut être mangée en bourse. De même, l’assurance-vie entre époux : le survivant en a l’usufruit, et les enfants en ont la nue-propriété. Le survivant en consomme ce qu’il veut, le reste revenant, à son décès, à ses enfants : la part consommée sera retenue sur sa propre succession (échappe au fisc).

b_ Des droits.

Ce droit réel peut porter sur un droit, une créance : c’est alors un droit réel sur un droit personnel. Il peut s’agir de l’usufruit d’un usufruit, de l’usufruit d’un autre droit réel ou de l’usufruit d’une servitude. Il est aussi possible de louer son usufruit : on fait alors un droit personnel sur un droit réel.

L’usufruit d’un usufruit : quelqu’un qui a l’usufruit d’un bien peut le donner en usufruit, et ainsi de suite. L’usufruit doit être temporaire : on prend en compte la vie de l’usufruitier originaire.

B/ Un droit réel démembré.

1) Un droit réel.

L’usufruit est un droit réel : il a les droits de suite et de préférence. Il y a un pouvoir direct et immédiat sur la chose : c’est donc un rapport homme / chose, alors qu’un locataire devra passer par son bailleur pour avoir un pouvoir sur la chose. L’usufruitier a donc plus de pouvoir que le locataire.

L’usufruit est protégé : son rachat forcé est interdit, sauf en matière successorale. La succession ab intestat attribue en usufruit ¼ du patrimoine au conjoint survivant. Les enfants peuvent procéder à son rachat forcé : les héritiers récupèrent le bien donné en usufruit en le rachetant en l’échange d’une rente.

L’usufruit peut être acquis pas prescription : une personne se comporte comme un usufruitier, mais il n’y a pas d’acte. Au bout d’un certain temps, il y a prescription acquisitive.

L’usufruit est un droit réel, alors que le bail est un droit personnel. Ces deux notions se ressemblent quand l’usufruitier jouit d’un immeuble contre une prestation financière. L’usufruitier a un pouvoir direct et immédiat sur la chose, alors qu’on ne peut pas sous-louer une location sans autorisation. La location ne vient que par un contrat de bail, mais l’usufruit peut naître de plusieurs façons.

2) Un démembrement du droit de propriété.

L’usufruit explose les 3 attributs de la propriété sur la tête de personnes différentes : l’usufruitier a l’usus et le fructus ; le nu-propriétaire a l’abusus. Dans une propriété, le propriétaire a ces trois attributs ; dans une copropriété, chaque copropriétaire a les trois attributs. L’abusus du nu-propriétaire n’est pas plein et entier, car il ne peut pas détruire le bien, et il ne peut en céder la propriété qu’à une moindre valeur. Il s’agit donc d’un abusus limité, dit « abusus en sommeil ».

Pour le doyen Carbonnnier, l’usufruit est un droit de propriété temporaire. En fait, il ne remplit pas les conditions de ce droit. Même l’image d’une propriété temporaire limitée aux fruits est imparfaite.
§3 :Le régime juridique de l’usufruit.

L’usufruitier est actif, alors que le nu-propriétaire est passif.

A/ Etablissement et disparition de l’usufruit.

1) L’acquisition.

a_ L’usufruit légal.

Il est établi du fait de la loi : – lors d’un décès. En cas de succession ab intestat, l’usufruit naît automatiquement de par la loi : le conjoint survivant aura ¼ du patrimoine en usufruit. En France, le conjoint survivant n’a presque pas de droit : une réforme du droit de succession existe, mais n’aboutit pas.

– pour les biens d’un mineur. On demande aux parents de gérer les biens de l’enfant, et ils en auront l’usufruit. Cet usufruit légal prend fin avec le décès de l’usufruitier, et à la majorité de l’enfant. C’est alors le nu-propriétaire qui met un terme à l’usufruit.

Dans ces cas, on retrouve l’application de « l’usufruit, institution familiale ».

b_ Un acte juridique.

L’usufruit est un contrat. Il peut être vendu, cédé, hypothéqué, donné,… ou saisi par les créanciers.

On peut retrouver en arrière-plan un fait juridique : la succession ab intestat. Dans un testament, le de cujus peut organiser l’usufruit de certains biens, voire donner la totalité de ses biens en usufruit. La part réservataire implique de réserver une partie de ses biens à ses enfants, mais on peut faire ce que l’on veut du reste. L’usufruit est alors presque conventionnel, mais il n’y a pas de consentement des intéressés.

Il peut résulter d’un contrat à titre onéreux ou gratuit. Le propriétaire d’un bien qui veut faire un usufruit peut : – garder l’usufruit et donner la nue-propriété : usufruit par deductionen.

– donner l’usufruit et garder la nue-propriété : usufruit donné par translationem. C’est le moyen le plus simple de l’usufruit.

c_ Le fait juridique.

L’usufruit peut aussi s’acquérir par prescription acquisitive.

2) L’extinction.

L’usufruit s’éteint : – au terme fixé, dans le cas d’un usufruit conventionnel. Si l’usufruit est passé avec une personne morale, le terme est de 30 ans.

– par la mort de l’usufruitier. S’il y a un seul nu-propriétaire, mais plusieurs usufruitiers, l’usufruit prendra fin avec le décès du dernier usufruitier.

– par la prescription extinctive : un usufruitier qui ne se comporte pas comme le propriétaire du bien pendant 30 ans perdra son usufruit.

– par la perte de la chose. La disparition de l’objet de l’usufruit y met fin, car il s’agit d’un droit réel. Si la chose disparaît par la faute de l’usufruitier (violation de l’art. 578 du code civil), il en est tenu pour responsable. Si elle disparaît par la force majeure, le nu-propriétaire supporte cette perte en vertu de la règle « la chose périt au maître ». Si le nu-propriétaire fait disparaître la chose, il devra indemniser l’usufruitier : cette hypothèse ne peut normalement pas advenir.

– pour un vice de forme, ou si l’usufruitier renonce à son usufruit.

– par la consolidation : c’est quand l’usufruitier devient nu-propriétaire, et réunit ainsi les trois attributs de la propriété. Il est devenu propriétaire, car il a consolidé son droit.

– par la déchéance de l’usufruitier : lorsque ce dernier a mal usé de la chose, il y a un abus de jouissance qui, à terme, risquait de porter atteinte à la substance de la chose.

B/ La vie de l’usufruit (les acteurs).

1) L’usufruitier.

a_ Les droits de l’usufruitier.

Il a le droit d’user de la chose et de tous les accessoires de la chose : l’accessoire suit le principal (« Accessorium sequitur principale »). Il ne peut toutefois user de la chose que conformément aux habitudes de l’ancien propriétaire (respect dans les grandes lignes de l’aménagement intérieur du bien, de la destination du bien : il ne peut pas transformer un fonds de commerce en immeuble d’habitation).

Il dispose d’un droit de jouissance de tous les fruits et revenus de la chose : il peut la louer. On ne peut pas toucher aux produits de la chose, car cela porterait atteinte à sa substance. Exceptionnellement, par convention, l’usufruitier et le nu-propriétaire peuvent passer un accord permettant à l’usufruitier de disposer des produits : c’est un quasi-usufruit.

On peut aussi autoriser l’usufruitier à conclure des baux : l’usufruit étant temporaire, les baux sont limités à 9 ans, et il ne peut s’agir que de baux civils. Il n’est possible de conclure des baux commerciaux ou ruraux, ou des baux de plus de 9 ans que si le nu-propriétaire est d’accord. En l’absence de cet accord, la sanction encourue est la nullité.

b_ Les obligations de l’usufruitier.

Il doit restituer la chose à l’expiration de l’usufruit : statistiquement, il dure 16 ans. L’usufruitier doit rendre la chose dans l’état dans lequel elle est : il n’est pas possible de réclamer une remise en état. Il doit procéder à un inventaire et à une description de l’état des lieux au début de l’usufruit : l’usufruitier doit souvent donner caution. On exigera de lui qu’il jouisse de la chose en bon père de famille (art. 601 du code civil). A l’extinction de l’usufruit, le règlement du compte aura lieu, essentiellement pour les fruits : un usufruitier qui aurait fait des améliorations ne sera pas indemnisé ; l’usufruitier doit supporter les charges usufruitières (impôt sur le revenu dans le cas d’un immeuble ; entretien de la chose ; …).

2) Le nu-propriétaire.

Il doit être passif.

a_ Les droits du nu-propriétaire.

Il peut disposer de son droit : le vendre, le donner, l’hypothéquer. La vente d’une nue-propriété se fera à une valeur inférieure à celle de la propriété. Le nu-propriétaire n’est pas autorisé à donner en gage le bien qu’il a en nue-propriété, car il y a nécessairement dessaisissement du bien, ce qui ne peut pas être rempli par le nu-propriétaire. Il peut hypothéquer un bien immobilier.

b_ Les obligations du nu-propriétaire.

Il ne doit rien faire. Il a à sa charge les grosses réparations (art. 605 du code civil) : il s’agit d’une situation juridiquement gênante et lacunaire. On est en présence d’un droit réel : l’usufruitier ne peut pas exiger du nu-propriétaire ces travaux. Si l’usufruitier les faits lui-même, il ne pourra pas en demander le remboursement au nu-propriétaire. Tout au plus, il sera remboursé de la plus-value apportée au bien, dans l’esprit de l’enrichissement sans cause. La jurisprudence est floue sur ce point. Les nus-propriétaires ne sont pas enclins à procéder aux grosses réparations, alors qu’ils ont vocation à redevenir propriétaires : absence de dynamisme économique.

Le nu-propriétaire a l’obligation de ne rien faire qui puisse entraver l’exercice de l’usufruit par l’usufruitier.

Les conventions d’usufruit se trouvent dans les hypothèses post-successorale : la nue-propriété revient à la mère, et l’usufruit aux enfants. La convention intervient en cas d’inégalité entre les usufruitiers. On passe une convention d’usufruit entre les usufruitiers, et on met à la charge de l’usufruitier favorisé de verser un loyer pour l’occupation. Le loyer est fixé en fonction de nombre de pièces occupées. La convention est souvent passée devant notaire.
§4 : Les droits d’usage et d’habitation.

Ils sont toujours présentés après l’usufruit, comme des jumeaux. Ces droits sont diminutifs de l’usufruit. Pour Planiol et Ripert, il s’agit d’un « petit usufruit ». C’est un cadre particulier, encore plus familial que l’usufruit : il y a beaucoup d’intuitus personae. Ils sont institués pour la satisfaction des besoins d’un individu et de sa famille.

Ce sont des droits réels sur la chose d’autrui. Ils s’apparentent à l’usufruit et lui emprunte son régime juridique tant en ce qui concerne leur constitution, leur extinction que les obligations de l’usager ou de l’habitant. Il y a quelques dérogations : il est interdit de louer ou de céder la chose.

Ces droits sont insaisissables, et aucune hypothèque ne peut être réalisé sur le bien.

On ne peut les établir que dans un contexte particulier, et uniquement par des volontés privées. Les deux origines principales sont la convention et le testament. Ils ne peuvent être utilisés qu’en nature : on y a joute la notion de service : elle ne s’applique que parce qu’il y a un besoin du titulaire : la disparition du besoin fait disparaître le droit.

L’objet était de rendre service à quelqu’un de la famille qui en avait besoin. Aujourd’hui, on trouve une application originale de ces droits : les maisons de retraite organisent des systèmes de loyer d’occupation : un droit d’usage et d’habitation est instauré entre la maison de retraite et la personne âgée. Cette dernière paye une sorte de loyer, mais reçoit en échange des services. Elle verse un forfait au début, dont seule une partie peut être récupérée si elle souhaite partir.

Le droit d’usage est un droit réel principal, démembrement du droit de propriété qui confère à son titulaire (l’usager) le droit d’utiliser la chose et d’en percevoir les fruits, mais dans les limites de ses besoins et de ceux de sa famille.

Le droit d’habitation est le droit à l’usage d’une maison reconnue à une personne déterminée, dans la mesure de ses besoins et de ceux de sa famille.