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L’état facteur permanent d’insécurité


Les éléments constitutifs de l’état

· Le territoire.

* Composition du territoire de l’état :         – l’espace terrestre. Il comprend l’ensemble des terres émergées, y compris les lacs, fleuves et mers intérieures. Certaines terres émergées sont internationalisées : Dantzig jusqu’en 39, Tanger jusqu’en 56, l’Antarctique depuis le 1/12/59. Ce traité ouvre le continent à la libre recherche scientifique mais y interdit les essais nucléaires et le désarmement, et confère des droits préférentiels à 12 états, dont les USA, l’URSS, la Chine, la France,… qui constituent un directoire du continent. La France a ainsi en Terre Adélie des droits acquis sur la base d’une occupation effective. En 88, la convention de Wellington prévoyait les conditions d’exploitation des ressources minérales de l’Antarctique, ce qui a provoqué un tollé dans le monde écologique : en 4/91 à Madrid, une proposition franco-australienne a été votée pour transformer l’antarctique en réserve naturelle mondiale. Il est donc interdit d’y faire toute sorte d’exploitation pendant 50 ans. Les territoires internationalisés doivent être distingués des canaux et fleuves internationaux qui ne sont pas soustraits à la souveraineté territoriale d’un état spécifique (canal de Suez, de Panama).

– l’espace aérien. Il comprend l’espace surplombant les territoires terrestres et maritimes. La condition juridique de l’espace aérien est déterminée par l’espace sous-jacent = il y a assimilation de l’espace aérien aux territoires maritimes et terrestres sous-jacents. La convention de Paris de 1919 et celle de Chicago du 7/12/44 ont créé l’Organisation de l’Aviation Civile Internationale (une institution spécialisée de l’ONU) et prévoient que la souveraineté de l’état riverain empêche la pénétration de l’espace aérien par un aéronef étranger, sauf autorisation. Mais, il existe des assouplissements à ce principe, notamment avec la reconnaissance des « libertés de l’air » qui prévoient que les aéronefs civils ont un droit de survol et un droit d’escale technique. Le problème vient de la délimitation exacte de cet espace : l’espace extra atmosphérique est libre, détaché de la souveraineté de l’état riverain (traité sur l’espace du 27/1/67), mais aucune solution n’a été retenue pour savoir où commence l’espace extra atmosphérique. Le premier critère : la ligne Von Karman coïncide avec la limite supérieure du déplacement aérodynamique soit une centaine de kilomètres au dessus du niveau de la mer. D’autres critères : limite de la gravité terrestre, altitude de périgée des satellites (160 kms). La souveraineté de l’état s’étend donc à l’espace aérien au dessus de l’espace terrestre, mais aussi de l’espace maritime (seulement la mer territoriale). La violation de l’espace aérien peut conduire à des incidents graves, ainsi en 1983, un Boeing sud-coréen a été abattu par la chasse soviétique ; en 89, un avion militaire soviétique s’est écrasé en Belgique et l’URSS a du verser des dommages et intérêts à la Belgique pour violation de l’espace aérien, alors que le pilote fuyait le communisme et avait volé l’avion.

– l’espace maritime. Il se compose de différentes zones.

Les Eaux Intérieures Maritimes = les ports, rades, havres, embouchures de fleuve, baies d’ouverture inférieure à 24 miles marins et baies sur lesquelles l’état a des droits historiques. Les navires étrangers (sauf marine marchande et de plaisance) n’ont pas de droit de passage inoffensif = ils doivent avoir une autorisation expresse, car ces eaux sont assimilées à l’espace terrestre.

La Mer Territoriale (12 miles marins » 22 kms) : la largeur a évolué au cours de l’histoire (3 miles au 17ème, puis 6 et 12) en fonction de la portée des canons. La mer territoriale est mesurée à partir du point de laisse de basse mer (niveau de la marée la plus basse de l’année) ou de la ligne de basse droite (ligne tirée entre les îlots dans le cas d’une cote trop complexe = technique utilisée par la CIJ en 51 dans l’affaire des pêcheries opposant la Norvège et la GB. Elle s’écarte parfois de 25 miles de l’espace terrestre principal). Pour les états qui se font face, la règle de l’équidistance s’applique. Dans cette zone, les navires étrangers ont un droit de passage inoffensif = continu et rapide, mais il comprend aussi l’arrêt et le mouillage s’ils constituent des incidents ordinaires de navigation ou en cas de force majeure. Ce droit bénéficie aux navires civils et militaires, sous couvert du respect de certaines règles = canons bloqués dans l’axe du navire ou tournés vers le large. Les sous-marins bénéficient aussi de ce droit mais ils doivent circuler en surface. L’état riverain a un droit de pêche et d’exploitation de toutes les ressources qui peuvent s’y trouver, ainsi qu’un droit de poursuite contre les navires étrangers.

La Zone Contiguë : 24 miles marins mesurés à partir du même point de départ que la mer territoriale. L’état peut y opérer des contrôles pour prévenir aux lois de police fiscale, sanitaire, d’immigration,…

La Zone Economique Exclusive : largeur fixée à 200 miles marins. L’état côtier y exerce des droits exclusifs d’exploration et d’exploitation des ressources économiques (pèche,…).

La Haute Mer n’est plus sous la souveraineté de l’état. La convention de Genève de 58 en a fait un espace libre, dont le statut juridique est dominé par la liberté (de naviguer, pécher, poser des câbles ou pipelines, de survoler,…). Toutefois, elle ne peut pas être utilisée à des fins stratégiques (traité de Moscou de 63), et on ne peut y faire d’essais nucléaires. Les libertés sont limitées par certains états, ainsi, la France a établi une zone interdite autour de Mururoa de 120 miles marins. Le CE (arrêt De Bollardière) en 75 a estimé qu’il s’agissait d’un acte de gouvernement insusceptible de recours.

Le plateau continental (= fond des océans) : largeur minimale de 200 miles marins. Il s’agit d’une zone naturelle = dépend du relief.

Le fond des océans a été déclaré patrimoine commun de l’humanité par une convention de 82. Il est placé sous juridiction de l’autorité internationale des fonds marins.

* Le titre territorial : l’état a un titre au territoire sur lequel il s’est constitué. Ce titre est le lien par le fait duquel un espace appartient à un état. Il peut s’acquérir de deux façons : titre initial ou originaire / titre dérivé.

Le titre originaire : il y a constitution d’un titre territorial originaire quand un espace passe de la qualité d’espace non approprié à celle de territoire. Les espaces terrestres qui n’appartiennent à aucun état peuvent faire l’objet d’un tel titre dans deux cas : un état une première fois approprié puis abandonné (= la déréliction), ou un espace qui n’a jamais fait partie du territoire d’un état = terrae nullius.

La constitution d’un tel titre est très rare aujourd’hui et est dépourvue d’intérêt pratique. Son seul intérêt est que tout litige actuel portant sur l’appartenance originaire d’un espace à un état doit être résolue par application des règles en vigueur au moment où le titre a été acquis. Les modes d’acquisition peuvent être :                        – l’attribution : exemple des terres d’Amérique du sud attribuée par l’église au souverains d’Espagne et du Portugal.

– la découverte d’un nouveau territoire : rare, car le plus souvent, des traités ont été passés par les découvreurs européens avec des chefs locaux.

– l’occupation effective : elle résulte du déploiement complet de l’autorité d’un état, prise dans ses aspects normatifs et opérationnels. L’état qui revendique le territoire doit y faire sentir sa présence. Si l’espace en cause est d’accès difficile, le droit international admet que des actes épisodiques et un exercice purement intellectuel de l’autorité étatique suffisent. Ainsi, le 28/1/1931, une sentence arbitrale relative à l’île de Cliportone (= petite île à l’ouest du Mexique qui a fait l’objet de contestation entre la France et la Mexique) a confirmé son appartenance française en raison d’une autorité française épisodique.

Pour les territoires faciles d’accès, la reconnaissance du titre est conditionnée à des opérations matérielles de réalisation de l’ordre juridique de l’état prétendant. C’est ce qui a été mis en évidence en 53 par la CIJ dans l’affaire des îles Minquiers et Ecrehous (entre la côte nord de la Bretagne et Jersey) qui ont été attribuées à la GB.

– l’acquiescement des tiers à une prétention unilatérale de souveraineté.

– l’accession, la continuité ou la contiguïté.

Le tire dérivé : quand il y a transfert d’une portion de territoire d’un état à un autre état. Le transfert peut résulter d’une annexion (régie par la règle coutumière du droit de la guerre) ou d’une cession (suite à un traité conclu en temps de paix ou à l’issue d’une guerre).

La délimitation du territoire : ce problème se pose quel que soit le titre : la répartition entre ce qui appartient précisément à un état et ce qui ne lui appartient pas, est appelée juridiquement la délimitation. La frontière est la ligne légale qui marque la limite du territoire et sépare d’un autre état ou d’un espace international. La détermination de la frontière comporte deux opérations : la délimitation (un acte purement intellectuel, un travail de cartographie) et la démarcation, qui consiste à reporter sur le terrain le tracé qui délimite le territoire. La délimitation est unilatérale quand elle sépare un état d’un espace international ; elle est conventionnelle quand elle sépare les territoires de 2 états. En cas de conflit, la délimitation se fait par voie juridictionnelle, le plus souvent par la CIJ de La Haye (ex : en 1978 pour la délimitation du plateau continental de la Mer Egée entre Grèce et Turquie). Quand un fleuve sert de frontière, 3 formules sont possibles : soit la frontière est placée sur le rive d’un état (le fleuve est à un seul état), soit la ligne est à égale distance des deux rives (le fleuve est coupé en deux), soit le fleuve est navigable et flottable, et la frontière suit alors le thalweg (on trace une ligne qui suit les points les plus profonds du principal chenal de navigation).

La délimitation par voie conventionnelle entre l’Argentine et la Chili : traité de paix de 84 et d’amitié (29/11/84) grâce à la médiation du pape.

· La population.

Il n’y a pas d’état sans population.

* Détermination : l’appartenance à la population d’un état donné résulte de l’existence d’un lien juridique de rattachement entre une personne physique et un état = la nationalité. Son attribution peut être originaire et est alors fondée sur le Jus Sanginis (droit du sang), sur le Jus Solis (droit du sol), ou sur une combinaison des deux. Mais elle peut aussi faire l’objet d’une acquisition : substitution d’un état à un autre, mariage, adoption, naturalisation. Pour que la nationalisation ait une valeur juridique, la CIJ demande qu’il y ait un lien effectif : arrêt Nottebohn de 1955 = Nottebohn, citoyen allemand vivant au Guatemala demande la nationalité du Liechtenstein de peur que l’Allemagne et le Guatemala n’entrent en guerre (pour la GM2). La nationalité lui est accordée, mais ses biens ont été saisis pendant la guerre et il a été interné : il a demandé la protection diplomatique du Liechtenstein qui lui a accordé, mais le Guatemala l’a contesté car la nationalité était une fiction. La CIJ a donné raison au Guatemala, car Nottebohn n’a pas de lien effectif avec le Liechtenstein.

La nationalité peut faire l’objet d’une perte, car la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948 dispose seulement que « nul ne peut être privé arbitrairement de sa nationalité » : la perte peut donc être imposée ou volontaire (=répudiation).

L’article 2 § 1 de la charte des nations unies prévoit un droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Ce principe tente à répartir les populations entre les états conformément à leurs volontés, mais aujourd’hui, il pose plus de questions qu’il n’en résout : il a joué un rôle déterminant dans la décolonisation, mais depuis les années 70, il a été convenu que ce principe ne pouvait s’appliquer à la population d’un état souverain.

* Conséquences de l’appartenance à la population de l’état :          – sur le territoire national : l’état a le droit de légiférer sur les nationaux, qui vont bénéficier de droits plus ou moins importants. Ils vont aussi être soumis à des obligations.

– en dehors du territoire national : un national peut demander à bénéficier de la protection diplomatique s’il est victime à l’étranger d’actes dommageables. L’exercice de cette protection est discrétionnaire (en France, elle fait partie des actes de gouvernement = insusceptible de recours : arrêt Cramencel du CE de 1966).