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Le Tribunal des conflits


Il a été instauré en 1849, puis recréé par la loi relative au CE du 24/5/1972. Il n’appartient à aucun des 2 ordres de juridiction.

L’organisation du Tribunal des conflits.

Il est composé de membres d’emprunt qui appartiennent aux juridictions supérieures des deux ordres = 4 conseillers d’état et 4 conseillers à la Cour de cassation, ainsi que de 4 commissaires du gouvernement (2 titulaires et 2 suppléants), nommés pour un an par décret, choisis de façon paritaire (maîtres des requêtes au CE / avocats généraux à la Cour de cassation) et qui sont les homologues du commissaire du gouvernement agissant devant les juridictions administratives. Ils se réunissent 4 ou 5 fois par an, car ce tribunal a une activité faible (» 50 affaires par an). Il est présidé par le Garde des Sceaux, mais en pratique la présidence est assurée par un vice-président élu par et parmi les membres. En cas de partage égalitaire des voix, le Garde des Sceaux doit présider et est départiteur.

Ce tribunal, qui siège au Palais Royal, statue selon une procédure inspirée de celle du CE = il se prononce après avoir entendu en séance publique les observations des avocats (des avocats aux conseils) et les conclusions du commissaire du gouvernement. Par soucis de respecter le caractère paritaire de l’institution, si le commissaire du gouvernement est un membre du CE, le rapporteur doit être un membre de la Cour de cassation (et inversement).

Le rôle du Tribunal des conflits.

· Le règlement des conflits d’attributions positifs.

L’administration, représentée par un préfet, soustrait à une juridiction de l’ordre judiciaire la connaissance d’un litige au motif qu’il ne relève pas de la compétence du juge judiciaire : soit qu’il relève de la compétence d’un autre ordre de juridiction (constitutionnel, administratif,…), soit qu’il ne relève de la compétence d’aucune juridiction.

* Le déroulement de la procédure : le préfet, ou l’autorité qui le représente, met en œuvre la procédure quand il estime que le juge judiciaire est incompétent, par le biais d’un déclinatoire de compétence. C’est un mémoire par lequel il demande à la juridiction judiciaire de se dessaisir d’une affaire pendant devant elle. Il doit motiver les déclinatoires par des références aux textes, et peut le présenter tant que l’instance n’a pas pris fin. Le tribunal doit alors rendre un jugement acceptant ou rejetant le déclinatoire.

L’arrêté de conflit : si le tribunal rejette le déclinatoire, il doit surseoir à statuer pendant un délai de 15 jours, qui permet au préfet de prendre un arrêté de conflit. Le juge judiciaire doit alors immédiatement se dessaisir de l’affaire.

L’intervention du Tribunal des conflits : il est saisi par le Garde des Sceaux, et dispose d’un délai de 4 mois pour statuer. S’il n’a pas statué au bout des 4 mois, le juge judiciaire peut continuer à statuer sur l’affaire. Mais, pendant ce délai, le Tribunal des conflits peut décider de :    – confirmer l’arrêté de conflit (s’il est régulier) = se prononce en faveur de l’incompétence du juge judiciaire qui est dessaisi.

– annuler l’arrêté de conflit pour un motif de forme (ne tranche pas le conflit), ou pour un motif de légalité interne, ce qui revient à confirmer la compétence du juge judiciaire.

* Les tribunaux devant lesquels le conflit peut être élevé : en principe, le conflit peut être élevé devant tous les tribunaux et toutes les cours relevant de la Cour de cassation. Il ne peut jamais être élevé devant la Cour de cassation, devant les Cours d’Assises, et en matière correctionnelle il ne peut l’être que pour l’action civile. Il ne peut pas être élevé avant l’ouverture de l’action, ni quand un jugement définitif sur le fond du litige est intervenu. Cette procédure n’a pas de pendant au profit de l’autorité judiciaire.

· Le règlement et la prévention des conflits d’attributions négatifs.

Il y a conflit négatif quand, successivement saisis de la même question, le juge judiciaire et le juge administratif se sont déclarés incompétents, au motif que l’autre ordre de juridiction était compétent. Ce conflit aboutit donc à un déni de justice.

* Les conditions du conflit négatif : les juridictions des 2 ordres doivent s’être déclarées incompétentes pour connaître du litige en invoquant l’incompétence de leurs ordres juridictionnels ; l’une des déclarations d’incompétence doit être erronée ; les déclarations d’incompétence doivent se rapporter au même litige.

* Le règlement du conflit négatif par le Tribunal des conflits : le Tribunal est saisi par une requête des parties, ou par le Garde des Sceaux (pour déclaration d’incompétence erronée). Il statue en décidant de la juridiction compétente, et lui renvoie l’affaire sur le fond.

* La prévention du conflit négatif : en vertu du décret du 25/7/60 une juridiction qui sait qu’elle va provoquer un conflit négatif doit saisir de manière préventive le Tribunal des conflits.

· Les autres attributions du Tribunal des conflits.

* Le règlement des difficultés de compétence sur renvoi des juridictions de l’ordre administratif ou de l’ordre judiciaire : une innovation du décret du 25/7/60, qui a ouvert au CE et à la Cour de cassation une action permettant de renvoyer au Tribunal des conflits la résolution des difficultés de compétence « soulevant une difficulté sérieuse et mettant en jeu la séparation des autorités administratives et judiciaires ». Cette procédure est à l’origine de la plupart des arrêts importants du Tribunal des conflits.

* Le règlement des contrariétés de jugement conduisant à un déni de justice : le Tribunal des conflits peut statuer sur le fond en solutionnant lui-même le litige, quand les deux ordres de juridiction sont compétents, et que leurs décisions successives aboutissent à un déni de justice en raison des solutions de fond contradictoires apportées à une même affaire. Cette action ressort de la loi du 20/4/32, qui a été votée suite à l’affaire Rosay : M. Rosay, gravement blessé dans une collision entre le véhicule privé dans lequel il se trouvait et un véhicule militaire, avait intenté une action en dommages et intérêts devant le juge judiciaire pour engager la responsabilité civile du propriétaire du véhicule privé. Le juge judiciaire estimant que le dommage provenait du véhicule militaire, a déclaré que le litige relevait du juge administratif, mais celui-ci a estimé que la faute provenait du véhicule privé (compétence du juge judiciaire). Cette loi ne peut jouer qu’à 3 conditions : le demandeur doit avoir obtenu une décision de chacun des deux ordres de juridiction ; les deux juridictions doivent avoir statué au fond et sur le même objet ; elles doivent avoir prises des décisions conduisant à un déni de justice, au sens d’un résultat juridiquement injustifiable. L’intéressé peut alors saisir le Tribunal dans les 2 mois suivants la dernière décision contraire.