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Les débuts de la royauté capétienne (fin 10ème – début 12ème)


En 987, le roi carolingien Louis 5 meurt à Senlis, sans descendance. Son oncle ne rallie pas les suffrages des grands. L’archevêque de Reims, Adalbéron, discrédite le candidat carolingien et vante les mérites d’Hugues Capet (ducs des Francs, il préside la réunion), qui est élu roi des Francs lors de cette réunion. Il est sacré roi le 3/7/987. Une nouvelle dynastie s’implante.

Les forces de la royauté capétienne.

· L’instauration de l’hérédité et de la primogéniture.

Hugues Capet est élu = acclamé par les grands. C’est une perpétuation d’une technique mérovingienne. La sacre permet de légitimer plus sûrement son autorité, l’acclamation étant réduite au rang de simple formalité. Hugues Capet souhaite faire triompher le principe de l’hérédité, mais les grands ne sont pas prêts à accepter une mise en place brutale du principe. Hugues Capet a donc recours à l’association au trône = il sollicite des grands l’autorisation d’associer son fils Robert au trône dès 987, en utilisant la prétexte d’un risque de vacance du pouvoir suite à une intervention militaire nécessaire à Barcelone. Les grands ont fini par accepter : sacre de Robert le 25/12/987. Hugues est Rex Coronatus ; Robert est Rex Designatus. A la mort d’Hugues Capet en 996, Robert devient roi unique, puis associe son fils au royaume,… = ce principe se perpétue jusqu’à Philippe-Auguste en 1080, puis le roi estime qu’il n’est plus nécessaire d’associer son fils, qui  lui succède effectivement sans problème. Le principe d’hérédité est la première loi fondamentale du royaume. L’acclamation demeure intégrée dans la cérémonie du sacre, mais ce n’est plus qu’une formalité, car c’est l’hérédité qui fait le roi, et non plus l’acclamation.

La primogéniture s’est imposée en s’inspirant des usages en vigueur pour la succession des fiefs, sous l’impulsion de l’église soucieuse de conserver une certaine unité. Le principe a été posé pour la première fois en 1027 : Robert 1er a bien associé son fils Hugues au trône, mais il meurt au combat en 1027. Un autre fils est associé au trône = l’aîné des enfants puînés. Le principe de primogéniture est acquis, mais il n’y a pas encore eu de problème avec les sexes.

· Le sacre.

Jusqu’au 14ème, il fait le roi = il est créateur du pouvoir royal. A partir de 1027, il se déroule à Reims. La cérémonie a lieu en 3 étapes :

– le roi entre dans la cathédrale, entouré des grands du royaume. Il prête plusieurs serments (défendre l’église, lui conserver ses libertés, maintient de la paix entre les peuples et faire régner la justice). L’archevêque qui a reçu les promesses procède à l’electio = l’acclamation par les grands (symbolique).

– l’onctio = l’archevêque bénit l’épée, le sceptre, la couronne et les habits du sacre. Le roi reçoit l’onction en 9 points (même baume que pour les archevêques), puis il reçoit les éléments symboliques de sa fonction (l’anneau = union du roi et de ses sujets ; le sceptre court = la puissance du roi ; la main de justice = équité et droit).

– la coronatio = entouré des grands, l’archevêque place la couronne sur la tête du roi : le pouvoir temporel dépend du pouvoir spirituel.

Le sacre moralise la fonction royale, légitime la dynastie et protège le roi. Il y a une alliance entre l’église et la royauté : le roi est l’intercesseur entre Dieu et ses sujets.

· Le pouvoir thaumaturgique du roi.

Le roi est capable de faire des miracles : innovation de la royauté capétienne. Il guérit les écrouelles (tuberculose), par toucher le jour du sacre, le lendemain et tous les jours de grandes fêtes religieuses. Des guérisons sont attestées dès Robert Le Pieux.

Cette croyance de l’opinion publique, qui confère aux capétiens un grand rayonnement auprès des plus simples, est un grand soutien populaire qui compense le manque de légitimité. Le don de guérisseur n’est pas lié à un roi en particulier, mais à la fonction royale en général : Dieu leur donne ce pouvoir = il soutient les capétiens, qui sont donc politiquement infaillibles.

Les points faibles : une autorité royale restreinte.

· Une autorité directe réduite au seul domaine royal.

* La définition du domaine : l’ensemble des terres sur lesquelles le roi exerce une autorité directe, et l’ensemble des droits et revenus, parfois disséminés en dehors de ce territoire = l’ensemble de la fortune privée et des revenus publics du roi.

Les diplômes royaux : des actes authentiques caractéristiques des chancelleries du Moyen Age, se divisent en deux catégories : les jugements et les préceptes (un acte qui donne force exécutoire à des dispositions de caractère gracieux ou administratifs).

Au 10ème et 11ème, les diplômes sont expédiés par la chancellerie royale dans un espace de plus en plus réduit : jusqu’en 987, les rois carolingiens adressaient des diplômes à des églises de l’extrême sud du royaume ; à partir de 987, plus rien dans le sud du royaume = l’attachement manifesté à l’égard des carolingiens ne se manifeste pas à l’égard des capétiens. Dans les autres zones, la perte d’autorité est moins nette mais quand même réelle : très peu de diplôme pour la Normandie, le Poitou, le Berry, l’Auvergne, et aucun en Aquitaine et Toulousain, mais la disparition est moins radicale qu’à Barcelone.

Le nombre de diplôme diminue et son contenu évolue : ce sont des chartes privées, signées par un grand nombre de personnes = les témoins sont nécessaires pour fonder et étayer une décision car l’autorité royale ne suffit plus. Le roi est un seigneur féodal comme les autres et son domaine est aussi confronté au problème d’émiettement seigneurial au 11ème : pas d’amputation majeure puis au 11ème, le roi rachète des seigneuries, comtés, vicomtés,… L’extension du domaine se fait aussi par mariage des puînés avec des familles comtales de la périphérie du domaine. Hors de ce domaine, le roi a conservé un droit d’intervention et d’investiture sur des évêchés royaux.

* L’administration du domaine : le roi gouverne en prenant conseil comme tout seigneur. La composition du conseil se dégrade entre le 12ème et le 13ème, car les conditions sociales des personnes qui y siègent sont de plus en plus modestes. Aucun grand laïc ne veut plus paraître dans l’entourage du roi, puis les grands prélats ecclésiastiques désertent aussi le conseil avec la réforme grégorienne. Le roi s’entoure dans sa cour de chevaliers ruinés = la mesnie royale, dans laquelle il puise pour pourvoir aux fonctions de grands officiers. Ce sont des familiers du roi, investis de taches publiques et domestiques : le sénéchal a le pouvoir de commandement de l’armée royale, et surveille ses agents ; le connétable est responsable de la surveillance des écuries royales ; le chambrier est responsable de l’entretien du palais et de la garde du trésor royal ; le chancelier est responsable du secrétariat royal, contrôle la rédaction, expédie les actes royaux et détient le sceau royal. Cette organisation n’est pas originale : la plupart des chefs de principauté sont entourés des mêmes officiers, suivant la même organisation. A partir des années 1030, apparition des prévôts = ils existent dans la plupart des principautés, et encadrent les populations, rendent la justice et collectent les revenus attachés à la seigneurie.

· Le roi et les grands.

Au nord, il doit composer avec le comte de Flandres ; au nord-ouest avec le duc de Normandie, le comte d’Anjou ; au nord-est avec le comte de Champagne et le duc de Bourgogne ; au sud avec le comte de Nevers ; au sud-est avec le duc d’Aquitaine et de Gascogne et le comte de Toulouse.

Certains princes ignorent totalement le roi : ceux les plus au sud n’entretiennent plus au 11ème la moindre relation avec le roi : ils ne lui prêtent pas hommage. Ils considèrent leurs honneurs comme des biens propres qu’ils tiennent de Dieu et de leurs ancêtres. Les autres princes, moins éloignés du centre du royaume, ont plus ou moins régulièrement fait hommage au roi mais ils ne considèrent pas leurs honneurs comme des fiefs ou des bénéfices pour autant. Les grands laïcs considèrent leurs principautés comme des alleux.

Les sentiments d’indépendance et de liberté vis-à-vis de la royauté poussent certains à mener une politique diplomatique à l’échelle européenne (l’Anjou s’allie avec l’empire germanique). La seule solution que le roi a, est de profiter des oppositions et affrontements qui surgissent régulièrement entre ses grands dignitaires = il y joue un rôle d’arbitre.

Le roi n’a aucun pouvoir de décision ni de coercition juridique, mais il a une faculté d’arbitrage, un droit de regard sur les affaires des grands et un appui fidèle de l’église qui exalte le rôle pacificateur du roi.

Cette politique très modeste a contribué à l’émergence très progressive de règles qui vont définir les rapports de fidélité = apparition lente des obligations des grands à l’égard du roi. Quand Louis 6 est sacré en 1108, beaucoup de grand laïcs refusent de lui prêter hommage, car ils savent que l’hommage et la fidélité sont liés.

Rupture au début 12ème avec l’instauration de l’idée qu’il faut mettre en place une logique hiérarchique.