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La Grande-Bretagne: Un régime parlementaire non rationalisé


Les grands principes de base.

· Constitution et système juridique.

* Une constitution coutumière : pour l’essentiel, c’est la dernière constitution non écrite. Elle est formée de règles juridiques non écrites et de textes écrits = des contrats arrachés par la force à l’issue de révolte : la Magna Carta (1215), la Pétition des droits (1628), l’Habeas Corpus (1679), le Bill Of Rights (1689).

Ce type de constitution non écrite peut s’adapter plus facilement à l’évolution de la société car il n’y a pas de procédure de révision écrite. Elle présente toutefois des inconvénients = elle est plus floue, plus imprécise et parait moins adaptée à un état démocratique qui suppose des exigences de clarté.

* Les conventions de la constitution : certaines normes constitutionnelles forment le droit strict qui englobe la coutume ancienne (Common Law), les sources écrites du droit constitutionnel, et la Statute Law ; d’autres forment les conventions de la constitution = des usages, pratiques dont l’expérience a démontré l’utilité pour le fonctionnement harmonieux des institutions.

La violation de ces conventions n’entraîne aucune sanction, mais les tribunaux les considèrent de plus en plus comme des règles d’interprétation du droit, ou des règles coutumières récentes.

· La Rule of Law.

C’est le principe de base de tout le système constitutionnel britannique. Il revêt 3 significations : la soumission des autorités étatiques au droit régulièrement établi, les autorités publiques sont justiciables devant les mêmes tribunaux que ceux qui jugent les citoyens, la garantie et la sauvegarde des droits et libertés individuelles qui ont pour fondement juridique la Common Law, les grands pactes,…

C’est l’équivalent de notre état de droit.

· Le sort des traités internationaux.

Vision dualiste : l’ordre international et l’ordre juridique britannique sont strictement séparés. Les traités internationaux ne sont applicables en Grande Bretagne qu’à condition d’avoir été transformés en une loi votée par le Parlement.

Les institutions fondamentales et leur équilibre institutionnel.

· La monarchie.

Le rôle du monarque a évolué : la monarchie absolue a évolué vers une monarchie libérale et parlementaire.

* La signification de la Couronne : c’est la plus ancienne des institutions britanniques. En 1688, une co-souveraineté fait du roi le King of Parlament = il tire son titre du parlement et non plus de Dieu. Son histoire est un long déclin qui a accompagné la hausse de pouvoir des chambres. Règle de succession au trône : règle de transmission héréditaire, fixée depuis 1701 = les hommes héritent en premier, et à défaut ce sont les femmes.

* Les attributions du monarque : à l’origine, ses pouvoirs étaient absolus. Mais, de plus en plus, ils ont été limités. Aujourd’hui, les prérogatives royales ne sont exercées que formellement par le monarque. Ce sont des pouvoirs et privilèges attachés à la Couronne sans autorisation expresse du parlement = en principe, le monarque en use discrétionnairement et n’est pas responsable de ses actes. Aujourd’hui, c’est le gouvernement qui exerce ces prérogatives et il est responsable de ses actes devant le parlement. Le roi n’intervient plus que pour ratifier l’utilisation de la prérogative = il est obliger de donner son accord.

Les prérogatives royales sont la nomination des ministres, de magistrats, d’un grand nombre de fonctionnaires et la création de nouveaux pairs de la Couronne ; l’attribution des titres de noblesse et les décorations ; le droit de convoquer, dissoudre ou proroger le parlement ; le droit de sanctionner et promulguer les lois ; le droit de légiférer sur les territoires coloniaux et dépendants ; le droit de déclarer la guerre ; de conclure des traités et de reconnaître des états ; le droit de grâce ; l’autorisation d’un recours en appel auprès du conseil privé.

* Le conseil privé : il est composé des conseillers personnels du monarque. C’est un organisme qui regroupe environ 300 personnes d’origines très diverses. Son rôle a diminué avec celui du roi face au parlement, mais il conserve une double fonction : examiner un certain nombre de décisions qui doivent obtenir la sanction du monarque, et une fonction judiciaire : juge d’appel des décisions rendues en dernier ressort par les tribunaux des dominions et dépendances de la Couronne qui reconnaissent cette juridiction.

Aujourd’hui, l’importance du monarque est nulle. Il n’a qu’une fonction d’enregistrement des actes du gouvernement. Le monarque anglais a toujours rempli un rôle de gardien de l’état = il est le garant de l’indépendance et de l’unité nationale.

· Le gouvernement et le Cabinet.

Le Cabinet est la pièce maîtresse du régime britannique : il exerce tous les pouvoirs de la Couronne, détient toujours une majorité parlementaire, et est désigné de façon démocratique. Ces 3 éléments expliquent la proéminence du cabinet et du PM.

* Origine du Cabinet : à l’origine, c’est une commission officieuse du conseil privé au sein de laquelle toutes les décisions importantes sont prises dès le 16ème. Aujourd’hui, il est autonome et indépendant du conseil privé, mais ses décisions sont considérées comme prises par la Reine en conseil. C’est un organe collégial et solidaire.

* Cabinet et ministère : le cabinet est un organe décisionnel restreint (environ 20 membres). Le ministère forme le noyau stable de la majorité parlementaire. Le PM choisit les membres du Cabinet parmi les membres qui composent l’ensemble du gouvernement. Certains membres du gouvernement = le Lord Chancellor, le Chancellor of the l’Exchequer,… sont membres d’office du Cabinet.

* Attributions du Cabinet :      – exécutives : il prend des décisions générales et exerce le pouvoir exécutif au sens strict : il contrôle l’administration sous réserve de certaines nominations qui appartiennent au PM.

– législatives : il a l’exclusivité de l’initiative pour les lois de finance. Le parlement ne peut pas infléchir le budget = il ne fait que l’enregistrer. Le délai de débat aux Communes ne peut pas excéder 25 jours. En matière générale, le Cabinet partage l’initiative avec les parlementaires, mais la quasi-totalité (85 %) des lois votées proviennent du Cabinet. Il peut aussi intervenir durant la procédure législative. Il bénéficie d’un recours fréquent à la législation déléguée : le parlement autorise le Cabinet ou les ministres à prendre des règlements qui ont force de lois = des Statutory Instruments.

* Le PM : cette institution n’est devenue officielle qu’au 19ème. C’est le véritable chef de l’exécutif anglais.

Il est nommé par le monarque, mais depuis le début du 19ème, le roi est obligé de choisir le chef de la majorité parlementaire aux Communes. Ce leader est désigné à l’avance par son propre parti, et est responsable devant son parti.

Ses attributions sont considérables : il est le chef de l’exécutif et du gouvernement. Il n’est jamais lié par les avis des autres ministres, préside les réunions du Cabinet, en détermine l’ordre du jour, et tranche les conflits entre les ministres. L’autorité du PM s’impose aux membres du Cabinet, qui sont rarement invités à voter = on essaye d’avoir un consensus, sinon le PM tranche.

Le PM compose et remanie le Cabinet, est le chef de l’administration, le ministre de l’économie et des finances, et détient les actes de la prérogative royale. La dissolution est devenue un instrument politique entre les mains du PM = c’est une mise en jeu de la responsabilité électorale du gouvernement. Elle est en pratique utilisée dans 3 cas : conforter ou assurer une plus grande majorité au parti politique du PM, occasion pour le PM d’obtenir une ratification populaire sur un programme de politique général nouveau, choisir le moment le plus propice pour des élections compte tenu de la popularité du gouvernement. La seule limite de ce droit de dissolution est que le PM doit attendre d’avoir réalisé son programme législatif.

· Le parlement.

* Organisation et fonctionnement des deux chambres :      – la chambre des Communes est composée de 659 députés élus au SUD pour 5 ans au SM à 1 tour. Il faut au moins 40 MP présents pour que la séance ait lieu. Il y a une cession unique annuelle.

Grande importance des whips qui veillent à la discipline et à la bonne marche de leurs groupes parlementaires.

Le Speaker préside les communes et est nommé pour toute la durée de la législature par consensus entre les partis. Il a un pouvoir de police et d’organisation des débats au sein de la chambre, et filtre les amendements parlementaires. Il doit rester neutre.

Les commissions législatives : 10 commissions permanentes restreintes, composées de 50 membres nommés par le Speaker de façon proportionnelle à la représentation des partis. Elles ne sont pas spécialisées et leur composition varie avec chaque texte.

La commission toute entière est la réunion en séance spéciale de la chambre des Communes pour étudier certains projets plus spécifiques ou plus importants. Elle n’a plus un rôle très important.

Les commissions de contrôle sont des commissions restreintes spécialisées, qui contrôlent l’action du gouvernement.

– la chambre des Lords a aujourd’hui un rôle complètement effacé. Au 17ème- 18ème, quand le bicamérisme est né en GB, elle avait des pouvoirs aussi, voire plus importants que la chambre des Communes. Mais au 20ème, elle en a perdu la quasi-totalité. Elle est présidée par le Lord Chancellor, et est composée d’environ 1200 membres non élus : 790 Lords héréditaires, 325 Lords viagers, des Lords judiciaires et 26 Lords spirituels.

* Les attributions des chambres : un bicamérisme inégalitaire.

* Les communes        – contrôlent l’action gouvernementale par le biais des commissions de contrôle (leurs actions débouchent sur un rapport non contraignant pour le gouvernement = seules les 14 commissions ministérielles sont dangereuses politiquement), par les questions au gouvernement (contrôle très contraignant) et par la mise en œuvre de la responsabilité politique. Le principe de cette responsabilité est né en 1782 avec le ministère North sur la base de l’Impeachment (= les communes peuvent mettre en accusation les ministres qui seront alors jugés par la chambre des Lords). La responsabilité du gouvernement est très peu formalisée : seule la motion de censure peut contraindre un gouvernement à démissionner. Deux cas sont considérés comme tel = le rejet pur et simple du budget par les Communes, et le vote d’un amendement à l’Adresse. Utilisée 2 fois au 20ème en 1923 et 1979. En dehors de ces cas, le gouvernement apprécie librement la portée d’un vote où il est mis en minorité.

– détiennent le pouvoir législatif : 3 lectures successives = la première est formelle, puis les commissions interviennent avant la seconde lecture qui est suivie d’une discussion très approfondie. La troisième lecture conduit à l’amélioration du texte et à son adoption définitive par vote (geste personnel). Cette procédure peut être accélérée par le système de la guillotine (1887) qui permet au gouvernement de limiter la longueur des débats en répartissant par avance le temps de parole entre les intervenants ; et par le système du kangourou (1909) qui autorise le Speaker à choisir les amendements qui doivent être discutés.

L’opposition joue un rôle important : son leader préside le Shadow Cabinet et est parfois consulté par le gouvernement. Le parlement sert de tribune à l’opposition et permet un dialogue entre le gouvernement et l’opposition.

* La chambre des Lords a dominé la vie politique britannique jusqu’à la fin du 18ème. Elle pouvait s’opposer aux textes du roi, qui la contournait en pratiquant des fournées de Lords. Cette pratique a conduit à une plus grande modération des Lords, qui se fixe pour but au 18ème de faire respecter aux Communes leur programme législatif. Cet affrontement va amorcer son déclin. En 1911, un Parliament Act lui retire tout pouvoir en matière financière. Elle n’a plus qu’un veto suspensif de 2 ans, auquel un second Act met fin en 1949. Deux Acts de 58 et 63 instaurent les Lords viagers et autorisent les Lords à renoncer à leurs titres pour se faire élire aux Communes. La procédure parlementaire y est organisée selon le principe de l’autorégulation. En matière judiciaire, elle est la juridiction suprême du Royaume Uni, et siège alors en formation restreinte : sa décision peut annuler la précédente (renvoi devant la CA) ou évoquer l’affaire (substituer son propre arrêt à celui de la CA). En matière législative, la chambre des Communes a toujours le dernier mot.

Le système politique et électoral.

· Le « two party system » ou le bipartisme anglais.

* Les partis : la révolution de 1648 opposait les Tories et les Whigs. Au cours du 19ème, les Tories sont devenus les conservateurs et les Whigs, les libéraux. Au 19ème, le Labour Party bouscule cette opposition et élimine le parti libéral.

Le parti conservateur n’a pas d’idéologie stricte : il est ultra libéral, nationaliste (politique extérieure) et défend des valeurs familiales.

Le parti travailliste est beaucoup moins nationaliste (moins europhobe). Il a abandonné les grand principes de l’économie sociale dirigiste et prône une « sociale démocratie ».

Les tiers partis ont une importance très relative au parlement de façon épisodique. On y trouve le parti libéral (libéralisme, respect des droits individuels,…), des partis nationalistes (gallois, écossais,…),…

* Le SM à 1 tour : il est pratiqué en GB depuis le 19ème. Il est très brutal dans ses effets et seuls les grands partis arrivent à être représentés. Ses effets sont le bipartisme, et une tendance à renforcer le nombre de sièges du parti majoritaire (loi du cube), ce qui renforce l’efficacité gouvernementale, mais crée une injustice dans la représentation (Gerrimandering).

· L’évolution politique récente.

* Domination de Margaret Thatcher : elle arrive au pouvoir en 1979, en tant que leader du parti conservateur, et va y rester jusqu’en 1990. Elle veut mettre en place un capitalisme populaire, mais les conséquences sociales sont graves. Elle a longtemps prôné une politique nationaliste. En novembre 90, des membres de son parti vont la faire chuter car sa politique économique est trop dure socialement.

* Le gouvernement de John Major : il est désigné en 90, suite à son élection comme nouveau leader du parti conservateur. Il a une attitude plus européenne, moins ultra libérale, même s’il maintient les grands objectifs du programme conservateur. A partir de 92, il est fragile politiquement au sein de son parti.

* L’arrivée au pouvoir des travaillistes : Victoire des travaillistes en mai 97. Tony Blair est nommé PM. Politique encore moins europhobe et plus sociale.

Conclusion :

Le régime britannique est un régime parlementaire non rationalisé. Il n’y a aucune technique pour tenter d’augmenter l’efficacité du gouvernement, mais il est capable de fonctionner sans rationalisation. C’est donc un régime parlementaire classique, car non rationalisé, mais pas entièrement classique, car il est moniste et non plus dualiste.

Le régime a subi des altérations avec la pratique : la responsabilité politique n’est plus jamais mise en œuvre, la dissolution est détournée, et le bipartisme anglais n’implique pas une collaboration souple entre le pouvoirs.

Le statut du PM est prédominant car il est irresponsable politiquement devant les communes et détient presque tous les pouvoirs. Pour certains auteurs, il y a une déviation vers le régime présidentiel.