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La liberté d’information et de communication


Article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (DDHC): la liberté de communication, de pensée et d’opinion est l’un des droits les plus précieux de l’Homme. Pour le Conseil Constitutionnel (CC), c’est une liberté fondamentale, dont la loi ne peut réglementer l’usage que pour le rendre plus effectif ou pour le concilier avec celui d’autres principes de valeur constitutionnelle.

CC, 29/7/1994 a réaffirmé cette jurisprudence à propos de la loi Toubon sur l’utilisation de la langue française : la liberté de communication implique le droit pour chacun d’utiliser les termes jugés par lui les mieux appropriés à l’expression de sa pensée. Les pouvoirs publics peuvent imposer l’usage de la langue française aux personnes morales de droit public, et aux personnes de droit privé chargées de gérer un service public (SP).

La liberté de la presse écrite

Elle est consacrée par l’art.11 de la DDHC, l’art.19 de la DUDH, et l’art.10 de la CEDH. Son statut est précisé par une loi du 29/7/1881 visant la liberté de faire paraître un journal. Cette loi a été grignotée dans l’entre-deux-guerres et sous Vichy, mais elle a retrouvé son caractère libéral avec la loi du 27/11/1986.

La liberté de la presse au point de vue de l’entreprise.

La création et la diffusion du journal.

La loi de 1881 prévoit que tout journal et écrit périodique peut être publié sans autorisation préalable ni dépôt de cautionnement. Toutefois, tout nouveau journal ou nouvelle publication périodique doit être déclaré au Parquet en indiquant les titre et nom du directeur et de l’imprimeur. Chaque numéro d’une publication périodique doit mentionner le nom du directeur de la publication et de l’imprimeur, et être déposé au Parquet et à la préfecture. Les publications périodiques sont astreintes à l’obligation du dépôt légal : il faut déposer un exemplaire au ministère de l’intérieur, et 4 à la bibliothèque nationale. Cette obligation a été étendue en 1992 aux documents sonores et audiovisuels mis à la disposition du public.

La liberté s’étend aussi à la diffusion : toute entreprise de presse peut assurer la diffusion de ses imprimés à sa guise (abonnement, vente au numéro,…). Il faut une liberté de distribution : un transport sans restriction jusqu’au lieu de vente. Depuis 1947, toute entreprise de presse peut distribuer elle-même ses publications ou en confier le soin à des entreprises spécialisées. Ces entreprises de messagerie ne peuvent pas refuser de passer un contrat avec une entreprise de presse pour distribuer ses publications.

Le statut de l’entreprise de presse.

La loi de 1986 définit l’entreprise de presse comme toute personne physique ou morale, ou groupement de droit éditant une publication de presse paraissant à intervalles réguliers. Leur statut a été plusieurs fois modifié et repose actuellement sur la loi du 23/10/1984, modifiée en 1986.

  • Transparence :
    • toute publication de presse doit avoir un directeur de publication qui assure la responsabilité civile et pénale des actes de l’entreprise. Le but est d’éviter la pratique antérieure consistant à choisir comme directeur de presse un parlementaire dont l’immunité mettait la société à l’abris des poursuites. Son nom, et celui du propriétaire du journal doivent figurer sur chaque exemplaire.
    • quand une entreprise de presse a la forme d’une société par actions, les actions doivent être nominatives, et le transfert d’action doit être porté à la connaissance des lecteurs dans le délai d’un an.
    • la loi de 1984 obligeait les entreprises de presse à publier chaque année le bilan et le compte de résultat. Cette exigence a été supprimée en 1986.
  • Pluralisme : le législateur est intervenu suite au phénomène de concentration des entreprises de presse dans les années 1980. La loi de 1984, modifiée en 1986, empêche un groupe de presse de contrôler plus de 30% (15% en 1984) de la diffusion nationale des quotidiens d’information de même nature.

L’aide de l’Etat à la presse

Une aide à la collecte des informations

Avoir un correspondant dans chaque pays étant trop cher, les entreprises d’information achètent leurs informations à des agences de presse. L’ordonnance du 2/11/1945 définit ces agences comme des organismes privés qui fournissent aux journaux et périodiques des informations, articles, reportages, photos, ou tout autre élément de rédaction, et qui tirent leurs principales ressources de ces fournitures. Ces agences doivent être inscrites sur une liste dressée par les autorités administratives.

Pour assurer leur indépendance à l’égard des intérêts financiers, elles sont soumises à des interdictions (faire de la publicité, recourir à des fonds étrangers) et reçoivent des aides de l’Etat (aides fiscales,…).

Pour assurer la transparence de ces agences, leurs actions doivent être nominatives, et tout transfert de titre doit être communiqué au public ; le directeur doit être le propriétaire ou l’actionnaire majoritaire.

L’AFP a été créée en 1957 pour éviter une dépendance des entreprises de presse vis-à-vis des agences étrangères. Cet organisme autonome est doté de la personnalité civile, et est dirigé par un PDG désigné par un conseil d’administration composé en majorité de représentants et directeurs d’entreprises françaises publiant des quotidiens. Ses ressources proviennent surtout de la vente des documents et services d’information. L’Etat l’aide indirectement en souscrivant des abonnements (» 60% de ses ressources).

L’aide de l’Etat aux entreprises de presse

L’Etat permet aux entreprises de presse de vendre des journaux à un prix inférieur au prix de revient. Il accorde des aides :

  • indirectes : régime fiscal privilégié (taxe professionnelle, TVA à 2.1%, déduction des investissements,…) tarif préférentiel en matière postale et téléphonique, frais de transports SNCF réduits.
  • directes : pour certains quotidiens nationaux d’information politique et générale disposant de faibles revenus publicitaires, et pour les quotidiens régionaux, départementaux et locaux d’information politique et générale disposant de faibles ressources.

Ces aides devraient être sélectives en fonction de la nature des journaux : les journaux spécialisés se portent bien, mais les journaux d’information politique et générale chutent (179 en 1945 ; 70 aujourd’hui).

La liberté de presse du point de vue du journaliste

Le journaliste est protégé par un statut, au travers de la délivrance de la carte d’identité professionnelle. Elle est délivrée par une Commission composée pour moitié de directeurs de journaux et de journalistes. Cette carte est attribuée sans condition de diplôme ni d’aptitudes professionnelles, et permet juste à son titulaire de bénéficier de certains avantages (droit d’accès, bénéfices fiscaux,…).

Le journaliste bénéficie de la clause de conscience : il a le droit de quitter moyennant indemnité un journal notamment en cas de changement notable dans le caractère ou l’orientation de ce journal.

Le droit au secret journalistique : un journaliste a le droit de ne pas révéler ses sources d’informations. Ce droit a été reconnu par la loi du 4/1/1993, et a été consacré par la CEDH en 7/1994.

Les journalistes peuvent se protéger collectivement face aux détenteurs de capitaux en créant des sociétés de rédacteurs pour acheter une partie du capital du journal.

Þ Les limites à cette liberté sont constituées par les délits de presse : violation d’un secret protégé par la loi (délibération d’un tribunal, secret médical,…), publication de fausse nouvelle, diffamations, injures,…

La liberté de la presse au point de vue du public.

Les droits des individus.

Tout individu a :

  • droit à la transparence et au pluralisme de l’information: le CC considère le droit à un pluralisme de l’information comme un objectif de valeur constitutionnel, en vertu duquel les lecteurs doivent être à même d’exercer leur libre choix.
  • droit à une information exacte
  • droit d’engager des poursuites civiles ou pénales: quand une publication pose un préjudice, la victime peut demander au juge civil ou pénal de condamner les entreprises de presse, directeur ou journaliste à des dommages et intérêts. Elle peut aussi demander au Président du TGI de prescrire en référé des mesures coercitives destinées à prévenir ou faire cesser le dommage dont elle est l’objet. Au pénal, la loi de 1881 a institué des délits de presse pour lesquels le prévenu devra prouver son innocence. Il s’agit donc d’exceptions au principe de la présomption d’innocence en matière pénale.
  • un droit de réponse: ce droit est ouvert pendant un an à compter de la publication, à toute personne physique ou morale nommée ou précisément désignée dans une publication périodique, que l’article en question lui soit ou non favorable. Ce droit est gratuit : la réponse doit être publiée à la même place et dans les mêmes caractères que l’article incriminé, et ne peut pas dépasser la longueur de l’article incriminé, étant entendu qu’elle devra toujours faire entre 50 lignes et 200 lignes. Ce droit ne peut s’exercer qu’en corrélation avec l’article incriminé.

Les pouvoirs des autorités publiques.

Les pouvoirs publics peuvent limiter la liberté de la presse au nom de l’intérêt général.

Le ministre de l’intérieur peut ainsi interdire la diffusion de publication étrangères pour des motifs larges : ordre public, moralité, lutte contre certaines idéologies (nazisme, intégrisme islamique,…). Cela concerne les écrits rédigés en langue étrangère, ainsi que les écrits de provenance étrangère rédigés en langue française. Le CE exerçait un contrôle minimum sur l’interdiction du ministre de l’intérieur, mais depuis CE, 9/7/1997 il exerce un contrôle normal.

Il est possible d’interdire l’exposition et la publicité de certaines publications présentant un danger pour la jeunesse, en raison de leur caractère pornographique ou licencieux, ou en raison de la place qui y est faite au crime ou à la violence. L’autorité judiciaire pourra saisir quelques exemplaires à titre de preuve ; l’autorité administrative pourra, dans le cadre de son pouvoir de police et pour assurer le maintien de l’ordre public, procéder à une saisie sur la totalité de l’édition. Le juge sanctionne le détournement de procédure : CE, 24/6/1960 société Frampar ; TC, 8/4/1935 Action Française (voie de fait).

Un projet de loi actuellement en discussion au Parlement, prévoit de punir d’une amende de 100.000F toute diffusion d’images de personnes menottées ou entravées ; la diffusion de sondage sur la culpabilité d’une personne ; la divulgation de l’identité d’un mineur victime ; la diffusion d’une reproduction des circonstances d’un crime ou d’un délit lorsque cela porte atteinte à la dignité de la victime.

La liberté de communication audiovisuelle.

Elle est consacrée à l’art.10 de la CEDH ; par la loi Fillioud du 29/7/1982, modifiée par la loi Léotard du 30/9/1986, et par la loi Carignon de 1994. Cette liberté peut être rattachée à l’art.11 de la DUDH.

La conquête de la liberté.

La radio, puis la télévision ont longtemps vécu sous le régime du monopole d’Etat, institué dans le cadre de la RTF, puis de l’ORTF, démembré en 1974 en 7 organes qui avaient le statut de SA mais dont l’Etat était seul actionnaire. Ce monopole n’excluait pas, à cotés des radios d’Etat, que des radios-périphériques émettent hors du territoire national.

Ce monopole est l’une des raisons pour lesquelles la France a été longue à ratifier la CEDH. Il a été supprimé en 1982 en même temps que la tutelle du pouvoir politique en ce domaine.

La suppression du monopole de l’Etat.

La loi du 9/11/1981 est venue autoriser au niveau local l’émission de radios privées.

La loi du 29/7/1982 autorise l’Etat à concéder des chaînes de télévision à des organismes privés (Canal+ en 1983 ; La 5 ; M6).

La loi Léotard du 30/9/1986 a supprimé ce système de la concession, au profit du système d’autorisation préalable. Cette loi affirme par ailleurs la domanialité publique de l’espace hertzien, ce qui renvoie à la précarité de l’occupation privative du domaine public. Cette même loi est venue organiser la privatisation de TF1, qui a eu lieu en 1987 au profit du groupe Bouygues.

La suppression de la tutelle du pouvoir politique, et la création d’une AAI (le CSA).

En tant que monopoles d’Etat, la radio et la télévision étaient placées sous la tutelle du ministre de l’information. Cette tutelle a été supprimée en instituant une AAI chargée de faire écran entre le pouvoir et les sociétés de programmation. La Haute Autorité de la Communication Audiovisuelle créée en 1982, a été remplacée en 1986 par la Commission Nationale de la Communication et des Libertés, à son tour remplacée en 1989 par le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel.

Le CSA comprend 9 membres nommés pour un mandat de 6 ans (renouvellement par 1/3 tous les 2 ans) ni révocable ni renouvelable. Le Président de la République, et ceux des 2 chambres du Parlement nomment chacun 3 membres, parmi lesquels le Président de la République nommera le Président du CSA.

Le CSA doit garantir l’exercice de la liberté de communication audiovisuelle, l’indépendance du SP, et veiller au pluralisme, à la diversité et à la qualité des programmes, et à la défense de la culture française.

Il a un pouvoir :

  • consultatif : il peut faire des propositions (pour améliorer la qualité des programmes, ou sur les cahiers des charges que doivent respecter les sociétés de programme), et remet tous les ans aux autorités publiques un rapport sur le bilan de l’activité, et propose des réformes.
  • de nomination et révocation des présidents des chaînes publiques de radio et télévision.
  • d’autorisation d’émettre : il délivre le droit d’émettre aux radios et télévisions, après mise en concurrence. L’autorisation est en principe donnée pour 10 ans pour la télé, et pour 5 ans pour la radio.
  • de sanction : ce pouvoir ne s’applique aux chaînes publiques que depuis la loi Carignon.

Le CSA peut adresser des observations au Conseil d’administration de la société de programme, pour lui demander de respecter ses obligations (quotas de publicité,…), puis la mettre en demeure de les respecter, ou condamner la chaîne publique ou privée à diffuser un jugement la condamnant (France-Infos en 1999). Il peut aussi ordonner une suspension de programme pour un mois maximum (Skyrock en 1994) et infliger une sanction pécuniaire dont le montant dépendra de la gravité du manquement aux obligations, et des avantages que le contrevenant en aura tirés. Le CSA préfère souvent la concertation à la répression.

Þ Toutes les sanctions infligées par le CSA sont susceptibles d’un recours devant le CE.

Le respect du pluralisme

Le Conseil constitutionnel a considéré à plusieurs reprises (1986 pour la loi Léotard) que le pluralisme des courants d’expression est un objectif de valeur constitutionnel. Il est garanti par la coexistence d’un secteur public et d’un secteur privé, et par l’application dans chaque secteur d’obligations bien précises.

  • Le secteur public comprend :
    • une société de production (SFP) : une SEM chargée de produire des œuvres audiovisuelles destinées en priorité aux chaînes publiques.
    • Télévision Diffusion de France : une SA à capital majoritairement public, chargée de la diffusion des programmes.
    • l’Institut National de l’Audiovisuel : un EPIC (PDG nommé en Conseil des ministres) chargé de conserver et exploiter les archives des sociétés nationales de programme.
    • les Sociétés Nationales de Programme : l’Etat en est unique actionnaire (Radio-France, Radio-France Outre-Mer, Radio-France Internationale, France2, France3, Arte, La Cinquième). Elles sont essentiellement financées par la redevance audiovisuelle et la publicité.

Þ Le pluralisme y est assuré par le respect d’un certain nombre d’obligations : diffuser les déclarations du gouvernement, retransmettre les débats parlementaires, accorder aux parti politiques un temps d’émission, diffuser des émissions religieuses consacrées aux différentes religions représentées en France,… De façon générale, il doit respecter les règles régissant les SP : principes d’égalité, de continuité (service minimum).

  • Le secteur privé :
    • les radios privées (»1800) sont contrôlées par toute personne morale de droit privé.
    • les télévisions privées (locales ou nationales) sont obligatoirement des sociétés. Elles sont financées par la publicité, le parrainage ou l’abonnement des usagers (Canal+).

Þ Des obligations visent à préserver le pluralisme de l’information, à respecter l’égalité entre les partis politiques en période électorale, à respecter les dispositions anti-concentration (la loi de 1986 interdit de détenir même indirectement plus de 49% du capital ou des droits de vote d’une société audiovisuelle),…

Le CSA aurait besoin d’être réformé, car tout ce qui est numérique échappe à son contrôle.

Une réforme de l’audiovisuel est en discussion au Parlement : elle prévoit la création d’une société holding coiffant France2, France3, La Cinquième et Arte ; la fusion de La Cinquième et de la Sept ; la réduction du temps de publicité sur France2 et France3 (maximum abaissé de 12 à 5 minutes par heure) ; et un allongement à 5 ans de la durée du mandat des Présidents de France Télévision et de l’INA.