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Conclusion du cours d’Histoire des institutions


A la fin du 15ème, la féodalité politique est en voie de disparition. L’autorité publique a été finalement reconcentrée entre les mains du monarque, qui gouverne un territoire réunifié, est indépendant à l’égard de tous, maîtrise la fiscalité, l’armée et la justice = ne partage pas sa souveraineté. Certes, il convoque les EG car il reste fidèle à la tradition du gouvernement à grand conseil, mais il prend toujours les décisions seul. Cette monarchie va basculer dans l’absolutisme.

Si tout cela est en germe dès le 15ème, l’absolutisme ne s’épanouira qu’au 17ème, et dans l’intervalle, la royauté française aura réussi à mettre en sommeil les EG. Sur le plan des institutions, le passage à l’absolutisme se traduit par l’effacement politique des EG acquis en 1614, mais sur le plan intellectuel, il se traduit par une réflexion autour de la notion de souveraineté.

Le siècle charnière a en fait été le 16ème, qui a ouvert une ère nouvelle en occident :     – le siècle des grandes découvertes : élargissement de l’horizon, avec l’économie qui se mondialise, et l’argent et l’or (en provenance d’Amérique) qui se déversent sur l’Europe = modification de l’équilibre économique.

– le siècle de la 3ème renaissance intellectuelle après celles des 8-9ème et 12ème siècle = redécouverte de l’antiquité : les valeurs païennes, l’épicurisme et le stoïcisme.

– le siècle de la réforme protestante. Elle s’est développée en Allemagne avec Luther, puis est arrivé progressivement en France à partir de 1520 : la propagande réformée touche d’abord les strates les plus élevées de la société (bourgeois, professions libérales, nobles urbains,…). Les catholiques sont surtout inquiets en raison de la conversion de la noblesse (en contact avec les paysans) et de l’organisation rapide du protestantisme (depuis Genève, Calvin suit de près la progression du protestantisme en France et s’efforce de le structurer = réalisé vers 1560).

Durant la première moitié du 16ème, la vie quotidienne en France reste tout de même paisible, et le pays a une image brillante = pays riche dont les institutions fonctionnent bien. Le tournant a lieu à la mort d’Henri 3 en 1559, car son jeune fils, François 2 meurt en 1560. Charles 9, frère du roi, est mineur, ce qui ouvre une période de régence de Catherine de Médicis. Il meurt lui aussi prématurément sans descendance masculine, et la couronne passe à son frère, Henri 4.

La situation religieuse se dégrade à partir de 1562 et on entre vraiment dans les guerres de religion, qui seront incessantes pendant 36 ans. Les luttes civiles sont marquées par de nombreux massacres dont celui de la Saint Barthélémy (23/8/1572), et par de nombreux combats militaires. Compte tenu de la conception française de la monarchie (pouvoir royal donné par Dieu et alliance étroite entre l’Eglise et l’Etat), l’impact de ses guerres risque de miner les soubassements de la monarchie. Au début, le pouvoir monarchique est effectivement fragilisé, puis il se renforce grâce aux théologiens et légistes qui jettent les bases doctrinales de l’absolutisme de droit divin. Le premier point de fragilisation est la thèse scolastique = pour Saint Thomas d’Aquin, Dieu a effectivement établi le pouvoir politique, mais il a d’abord donné le pouvoir au peuple qui ensuite a organisé la souveraineté selon les circonstances = le roi gouverne en vertu d’un pacte passé entre lui et le peuple. Avec les guerres de religion, cette thèse trouve un nouveau souffle et est récupérée par des théoriciens protestants, les monarchomaques (T. De Beze, F. Hotman, F. Duplessis-Mornay) qui reprennent l’idée de la monarchie contractuelle et en tirent des conclusions = si le roi outrepasse ses pouvoirs et ses droits, il devient un tyran auquel on est fondé à résister = le peuple est fondé à sanctionner, déposer voire mettre à mort le roi (justification des régicides d’Henri 3 et Henri 4). La diffusion de ces théories a justifié la contre-offensive des juristes et théologiens qui vont justifier la monarchie de droit divin. Pour les partisans du droit divin, le roi tient directement son pouvoir de Dieu, en est le lieutenant au temporel et n’est pas responsable devant les hommes. On ne peut donc casser le contrat pour les fautes du roi. Les premiers éléments de cette théorie ont été forgés dès le 14ème mais au 16ème on a redéveloppé la thèse du droit divin, qui atteint sa forme la plus radicale sous l’influence de la pensée de Bossuet dans les années 1670. Dans son ouvrage « politique tirée des propres paroles de l’écriture sainte », Bossuet affirme que le trône du roi est le trône de Dieu lui-même, que la personne des rois est sacrée et que l’on doit obéir au roi car la religion l’ordonne. La seule limite que le roi ait à reconnaître, est selon Bossuet, le respect du bien public. Cette vision apparemment sans failles, a en fait un gros point faible : elle ne perdurera que tant que la croyance en Dieu demeurera forte, et dès que le sentiment irréligieux se développe au 18ème, l’absolutisme de droit divin s’écroule.

A coté de cette théorisation du droit divin, les théories autour de l’absolutisme se développent. Au 16ème, la souveraineté est considérée comme une autorité parfaite, entière, absolue sans laquelle un état n’est pas indépendant : elle est considérée comme un monopole de contrainte, un pouvoir objectif institué pour conserver une organisation politique économique et sociale. Avec Jean Bodin, la réflexion s’oriente dans ce sens, et en 1576 il publie « les 6 livres de la république » qui a un retentissement considérable : Henri 4, Richelieu, et Louis 14 se réclameront de cet ouvrage, qui définit la souveraineté comme la caractéristique de l’état = une puissance absolue (déliée de toute contrainte et de tout contrôle = seul le souverain a le pouvoir de faire la loi), perpétuelle (elle dépasse la personne du roi) et indivisible (pour être parfaite, elle doit être sans partage, sinon elle est amoindrie et peut être paralysée).

Fort de ce principe, Bodin arrive à la conclusion que le meilleur régime politique est une monarchie, mais une monarchie pure, c’est-à-dire avec un seul titulaire pour une souveraineté parfaite. Mais pour lui, l’absolutisme est différent de l’arbitraire car le roi use de la souveraineté pour le bien commun = travaille au bien-être collectif, et sa personne se confond avec le bien public. Il n’y a donc plus besoin de représentants de la nation, car seul le roi la représente.

Cette vision de la souveraineté est encore la notre aujourd’hui : la révolution de 1789 n’a pas modifié la conception de la souveraineté, mais n’a fait qu’en changer le titulaire (passage du roi au peuple)