Le Conseil de l’Europe, créé en 1949 comporte actuellement 41 membres. Cette organisation de coopération intergouvernementale vise à promouvoir le respect des droits de l’Homme sur le continent européen et à mettre en place des mécanismes de nature à rendre leur protection effective.
C’est en son sein que la CEDH a été adoptée le 4/11/1950 : elle est entrée en vigueur en 1953, et prévoit un catalogue de droits fondamentaux ainsi que des mécanismes juridictionnels propres à faire respecter ces droits fondamentaux par les Etats. Le respect de ces droits est assuré par la Cour Européenne des Droits de l’Homme : cet organe juridictionnel est composé de 41 juges.
Depuis l’entrée en vigueur le 1/11/1998 du protocole n°11, tout particulier qui estime que ses droits fondamentaux définis et protégés par la CEDH sont violés par la législation ou par des pratiques de son Etat, peut saisir la Cour Européenne après épuisement des voies de recours nationales. Si celle-ci rend un arrêt constatant une violation, elle pourra condamner l’Etat à mettre sa législation en conformité avec la CEDH (ou a cesser sa pratique) et elle pourra accorder la satisfaction équitable au requérant, c’est-à-dire condamner l’Etat à lui verser une indemnité à titre de réparation du préjudice subi.
La saisine de la Cour est ouverte aux Etats, ainsi qu’à tout citoyen européen ou non, qui se trouve sur le territoire d’un Etat qui a signé la CEDH.
La France a ratifié la CEDH en 1974, mais n’a accepté les recours individuels qu’en 1981 : auparavant, les particuliers ne pouvaient pas saisir directement la Commission Européenne des Droits de l’Homme (disparue avec la réforme de 1998).
La CEDH contient des principes fondamentaux de valeur constitutionnelle qui s’imposent aux constitutions et aux législations nationales : droit à la vie, interdiction de la torture, interdiction de l’esclavage, droit à la liberté et à la sûreté, droit à un procès équitable dans un délai raisonnable devant un tribunal indépendant et impartial, principe de légalité des infractions, respect de la vie privée, liberté d’expression, droit de se marier, et de fonder une famille, liberté de réunion et d’association,…
Il existe aussi des protocoles additionnels : le protocole n°1 de 1952 (droit au respect de la propriété, droit à l’instruction, droit à des élections législatives libres), le protocole n°6 de 1983 (abolition de la peine de mort), le protocole n°7 (garantie procédurale en cas d’expulsion d’étrangers, droit à l’indemnisation en cas d’erreur judiciaire, égalité entre époux au regard du mariage, durant le mariage et lors de sa dissolution).
§1 : La Cour de Justice juge des droits de l’Homme.
A/ Le recours à la technique des principes généraux.
Les traités de Paris et de Rome ne contiennent pas de catalogue de droits fondamentaux. Face au risque d’adoption par les institutions communautaires d’actes contraires à certains principes fondamentaux, la Cour constitutionnelle allemande a affirmé en 1974 que des actes communautaires contraires aux droits fondamentaux contenus dans la constitution allemande seraient déclarés inapplicables.
La CJCE a alors élaboré une jurisprudence, consistant à dégager des principes généraux du droit communautaire : elle va notamment découvrir les droits fondamentaux contenus dans la CEDH, mais sans se référer à ce texte. Les droits fondamentaux de la CEDH ou la CEDH elle-même ne s’applique donc pas en tant que telle dans l’ordre juridique communautaire, mais en tant que principes généraux.
Les droits fondamentaux appliqués en tant que principes généraux s’imposent aux institutions qui doivent les respecter avant l’adoption de l’acte, étant entendu qu’un acte communautaire qui serait contraire à l’un de ses droits pourrait être annulé par la CJCE.
La CJCE a ainsi dégagé un catalogue prétorien de droits fondamentaux : le principe de la dignité humaine (CJCE, 1974), le principe d’égalité (CJCE, 1962), le principe de non discrimination (CJCE, 1976 Defrenne), la liberté de religion et de croyance (CJCE, 1976), la protection de la vie privée (CJCE, 1980), le secret médical (CJCE, 1992), le droit de propriété (CJCE, 1979), le respect de la vie familiale (CJCE, 1989), l’inviolabilité du domicile (CJCE, 1989).
Ces droits fondamentaux visent à rassurer les Etats membres, et s’inspirent d’ailleurs des traditions constitutionnelles communes aux Etats membres, qui ont ainsi la garantie que le droit dérivé ne violera pas des règles qui ont une valeur constitutionnelle chez eux.
Les Etats ne sont donc plus habilités à invoquer une suspension du droit communautaire dérivé au motif qu’il violerait leur droit constitutionnel, puisque ces droits fondamentaux s’imposent désormais aux institutions et au droit dérivé.
B/ La CEDH intégrée par la CJCE dans sa jurisprudence.
Progressivement, la CJCE va intégrer le droit de la CEDH dans sa jurisprudence. Après avoir évoqué ce texte (CJCE, 14/5/1974 Nold), elle y a fait expressément référence dans CJCE, 28/10/1975 Rutili.
Depuis, la CJCE n’hésite plus à affirmer que la CEDH constitue une source de droits fondamentaux qui s’imposent aux institutions et qui peuvent entraîner l’annulation ou l’invalidation d’un acte communautaire qui y serait contraire : le droit de la CEDH est intégré dans le bloc de la légalité communautaire.
Le Parlement et la Commission ont envisagé un projet de traité d’adhésion de la Communauté Européenne à la CEDH, et la CJCE a été saisie du point de savoir si une telle adhésion était possible.
CJCE avis, 28/3/1996 : en l’état actuel des choses, la Communauté Européenne ne peut pas juridiquement adhérer à la CEDH, car aucune disposition du traité CE ne lui donne compétence pour adhérer à la Convention et à son mécanisme de sauvegarde des Droits de l’Homme. De plus, seuls les Etats peuvent actuellement adhérer à la CEDH, à l’exclusion des organisations internationales.
§2 : Le contrôle politique de la protection des Droits de l’Homme dans l’Union européenne.
Jusqu’au traité de Maastricht, les renvois à la CEDH n’étaient que des références jurisprudentielles. L’art.F du traité de Maastricht (art.6UE avec Amsterdam) dispose que « l’Union est fondée sur les principes de la liberté, de la démocratie, du respect des Droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ainsi que de l’état de droit, principes qui sont communs aux Etats membres », et qu’elle « respecte les droits fondamentaux tels qu’ils sont garantis par la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme et des libertés fondamentales […] en tant que principes généraux du droit communautaire ».
Cet art.6UE marque le passage d’une référence prétorienne à la CEDH à une référence textuelle : il proclame un certain nombre de droits fondamentaux et renvoie aux traditions constitutionnelles des Etats ainsi qu’à la CEDH. Cet ensemble constitue une sorte de normativité constitutionnelle qui s’impose aux institutions et au droit dérivé de telle sorte qu’un acte qui violerait ces droits peut être annulé par la CJCE.
Le respect de ces droits est assuré par : – une application jurisprudentielle : la CJCE rend ces droits applicables par le recours aux principes généraux du droit ou par référence directe à la CEDH.
– un mécanisme de contrôle et de sanction politique, prévu à l’art.7UE (ex-art.F1). Cet article prévoit que le Conseil, réuni au niveau des chefs d’Etats et de gouvernements et statuant, sur avis conforme du Parlement européen, à l’unanimité moins l’Etat incriminé peut sanctionner un Etat qui viole de manière grave et persistante les droits énoncés à l’art.6UE, en suspendant ses droits institutionnels : son Commissaire ne participera plus aux délibérations de la Commission et ses représentants ne siègeront plus au sein du Conseil des ministres jusqu’à ce que l’Etat mette un terme à sa violation grave et persistante des droits contenus dans l’art.6UE.
Cet article a été conçu dans la perspective de l’adhésion des pays de l’est : l’adhésion à l’Union suppose d’être un Etat européen, démocratique et respectueux des droits fondamentaux énoncés à l’art.6UE. Il y a donc un contrôle a priori du respect des droits fondamentaux par l’Etat candidat, et cet article visait à instaurer un contrôle politique a posteriori afin d’éviter tout risque de dérapage après l’adhésion de l’Etat. Le paradoxe est que cet article pourrait être mis en œuvre pour l’Autriche (Etat déjà membre).