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Les notions fondamentales


Chapitre 1 : Le patrimoine.

Pour Aubry et Rau (1873), « le patrimoine est l’ensemble des biens et obligations d’une personne, envisagé comme formant une universalité de droits » : il regroupe les biens et les dettes. Pour Atias, c’est « la représentation pécuniaire de la personne ». Mais en fait, ce n’est pas uniquement une valeur en argent : l’article 2092 du code civil l’évoque en citant les « biens mobiliers et immobiliers, présents et à venir ».
Section 1 : La composition du patrimoine.

Le patrimoine est plus un contenant qu’un contenu, et varie avec l’écoulement du temps. On en exclue tout ce qui ne peut pas être évalué en argent (droits politiques, de la personnalité, autorité parentale, nom, honneur,…). La clientèle d’un commerce ne devrait pas y rentrer, mais la jurisprudence a dû s’aligner.

CA Paris, 25/9/1998 : la clientèle n’est pas dans le commerce, mais on peut la présenter. Les conventions sont autorisées, mais elles ne peuvent comporter d’obligations de résultats.
§1 : L’actif.

Il comprend tous les éléments qui peuvent être évalués en argent, vendus, donnés, ou détachés de la personne du propriétaire pour être cédés. Il compose notamment ce qui va être transmis aux héritiers au décès de la personne : le patrimoine est transmissible à cause de mort et à titre universel.
§2 : Le passif.

Le patrimoine comprend la totalité du passif, c’est-à-dire toutes les dettes au sens large : les sommes d’argent mais aussi les obligations auxquelles la personne est tenue. La dette appartient au patrimoine dès sa naissance, même si elle n’est pas immédiatement exigible, et même si elle est incertaine.
Section 2 : Les caractères du patrimoine.
§1 : Les éléments de patrimoine parfait.

A/ La cessibilité.

Les biens du patrimoine sont cessibles isolément : liberté d’en disposer un à un.

B/ La transmissibilité.

La patrimoine est transmissible, mais seulement à cause de mort (personne physique), ou en cas d’absorption (personne morale) : on veut attacher un patrimoine à une personne, et empêcher une personne de s’en départir. L’objectif est de protéger les êtres humains contre eux-mêmes, et permettre de changer d’avis. Ainsi, la donation de l’ensemble du patrimoine est interdite, et la mort civile n’existe plus.

C/ La saisissabilité.

Le patrimoine peut être saisi, pas dans sa totalité mais sur l’ensemble des biens qui le compose. Limite : les créances alimentaires sont protégées, de même que les salaires surtout en cas de licenciement.
§2 : L’esprit du patrimoine.

A/ Le patrimoine est lié à la personne.

Tout le monde a un patrimoine, et on ne peut se départir de sa totalité, car il est une émanation de la personnalité juridique. La loi du 22/7/1867 a supprimé la contrainte par corps.

B/ L’unité du patrimoine.

Le patrimoine est indivisible : toute personne en a un, et n’en a qu’un seul. Le droit allemand admet la divisibilité au travers du patrimoine d’affectation. Le droit français admet quelques rares exceptions, telles que la fortune de mer (affectation d’un patrimoine professionnel pour les commerçants maritimes en raison du risque), l’acceptation d’une succession sous bénéfice d’inventaire (art. 1413 et suivants du code civil), l’EURL et l’EARL (engagement de la personne morale à concurrence de l’actif apporté). Un projet Marini souhaite étendre ces dispositions aux sociétés par actions simplifiées unipersonnelles et aux SA unipersonnelles = développement du patrimoine d’affectation en droit commun.

L’article 2093 du code civil stipule que « les biens du débiteurs sont le gage commun des créanciers ». Il s’agit d’un objectif de sûreté maximale.

Chapitre 2 : Diverses classifications.
Section 1 : La distinction entre les droits réels et les droits personnels.
§1 : La classification.

Le droit objectif (impérium) concerne surtout le droit public. Les droits subjectifs (dominium), qui comportent notamment le droit des personnes, se subdivisent entre les droits extra patrimoniaux et patrimoniaux. Ces derniers regroupent les droits réels et les droits personnels (droit des obligations).

A/ Les droits réels.

Ils portent sur des choses corporelles : choses existantes, individualisées, déterminées. Les choses futures en sont donc exclues. Ces droits procurent un pouvoir direct et immédiat sur la chose : ils considèrent un rapport homme/chose. Le droit de propriété est le droit réel par excellence.

1) Les droits réels principaux.

L’article 544 du code civil traite de la propriété : il s’agit du droit réel principal. Juste derrière, on place les démembrements de la propriété : usufruit (578) ; servitudes (637) ; emphytéose (937-951 code rural) ; droit d’usage et d’habitation (635-637).

Cette liste est limitative car les individus doivent être en mesure de connaître les droits réels principaux.

2) Les droits réels accessoires.

Ils sont accessoires à un droit personnel : il s’agit de droits réels adjoints à un droit personnel insuffisant par lui-même. Ex : l’hypothèque (droit réel) qui couvre un prêt (droit personnel).

· Les droits réels accessoires sur les immeubles : l’hypothèque (art. 1144), le privilège immobilier spécial (hypothèque spéciale), l’antichrèse (art. 2085 : nantissement d’un immeuble).

· Les droits réels accessoires sur les meubles : le gage (art. 2037 du code civil), le privilège immobilier spécial (il peut être considéré comme portant sur un meuble ou sur un immeuble).

B/ Les droits personnels.

On retrouve principalement les obligations. En pratique, tout ce qui ne peut pas être qualifié de droit personnel est un droit réel. Dans les droits personnels, il y a 2 personnes : un créancier et un débiteur.

C/ La frontière entre les droits réels et les droits personnels.

L’usufruit est un droit réel ; le bail est un droit personnel. Dans la pratique, il n’y a pas de grande différence, puisque l’usufruit permet par exemple d’occuper une maison et de se comporter comme le propriétaire sans l’être. Le nu-propriétaire a le titre de propriété, mais l’usage et la jouissance sont pour l’occupant. L’usufruitier a un pouvoir direct et immédiat sur la chose : il peut tout faire sauf la détruire, car l’usufruit a vocation à disparaître un jour.

La servitude de passage est une atteinte au droit de la propriété. C’est un droit réel mais qui fait apparaître un droit personnel : le propriétaire du terrain sur lequel repose la servitude de passage est obligé d’entretenir la bande de passage. C’est une obligation propter rem (à cause de la chose).
§2 : Le régime juridique applicable.

A/ L’opposabilité.

C’est permettre au titulaire d’un droit réel d’exiger le respect de son droit. Il n’a pas à prouver que les autres connaissaient ce droit, car il est opposable erga omnes. Quelques limites : dans certains cas, des conditions (publicité,…) doivent être remplies pour rendre le droit opposable.

B/ Le droit de suite.

Il permet de suivre la chose. Il faut respecter des règles de forme.

C/ Le droit de préférence.

Il pose des priorités. Il a pour raison d’être de régler des choses complexes : plusieurs personnes réclament des droits incompatibles sur une même chose : le droit de préférence permet de trouver la personne qu’on va préférer aux autres = celui qui a régulièrement inscrit son droit.

D/ L’abandon (ou déguerpissement).

En principe, le titulaire d’un droit réel peut s’en défaire de sa propre initiative sans avoir à le céder. On peut ainsi abandonner la détention d’un immeuble, pour céder la place à un créancier. Il faut respecter quelques conditions : procéder à une déclaration au greffe du tribunal du lieu de situation de l’immeuble ; ne pas être obligé personnellement à la dette ; un minimum de capacité juridique : être capable d’aliéner ; il ne faut pas être obligé à la dette, être débiteur vis-à-vis de l’immeuble. On nomme alors un curateur pour l’immeuble : la saisie sera poursuivie contre le curateur.
Section 2 : La distinction des meubles et des immeubles.

Cette distinction, fondamentale en droit des biens, peut poser problème.

AP, 15/4/1988 (affaire des fresques de Casenove) : la Cour de cassation a considéré que des fresques étaient des meubles, bien qu’elles soient réalisées sur un mur, et qu’elles soient faites pour y rester.
§1 : La summa divisio.

L’art. 516 du code civil présente deux grandes catégories : « tous les biens sont meubles ou immeubles ». Celle des meubles est résiduelle : tout ce qui ne peut pas être qualifié d’immeuble est un meuble.

A/ Les immeubles.

Le code civil, dans la version de 1804, est d’inspiration rurale. Les immeubles sont définis aux articles 518, 519, 520, 521, 524, 556, 557 et 559 à 564. Ce qui compte dans les immeubles, c’est la terre : tout ce qui y a trait, et la terre elle-même sont des immeubles. L’article 517 classe les immeubles en 3 catégories.

1) Les immeubles par nature.

Ce sont des biens qui font l’objet d’une certaine fixité : sol, biens incorporés au sol, bâtiments, moulins à vent (art. 519) et tous les végétaux.

2) Les immeubles par destination.

C’est un meuble destiné à devenir immeuble. C’est une fiction de droit : bien que ce soit un meuble, on fait comme si c’était un immeuble. L’article 522 énonce un cas, mais on peut aussi ajouter les tracteurs attachés à une exploitation agricole, les camions d’une entreprise de déménagement, les grosses machines d’une usine, le chien de garde qui ne quitte pas sa niche, les clés de maison,… Pour qu’une chose soit un immeuble par destination, il faut : – une identité de propriétaire : le meuble et l’immeuble (de rattachement) doivent appartenir au même propriétaire.

– un rapport de destination entre le meuble et l’immeuble par nature : il faut relever la volonté du propriétaire de faire du meuble un immeuble par destination.

– un lien objectif entre le meuble et l’immeuble. L’article 524 prévoit l’affectation au service du fonds, mais il peut aussi s’agir d’une attache à perpétuelle demeure (art. 525).

3) Les immeubles par l’objet auquel ils s’appliquent (art. 526).

Ce sont des droits portant sur un immeuble (droits réels immobiliers) : des actions en revendication de propriété immobilière, des actions immobilières possessoires et pétitoires. Les immeubles doivent faire l’objet d’une publicité par le biais d’une inscription au registre de conservation des hypothèques. Il s’agit d’avertir les tiers qu’un droit est né sur cet immeuble. Le principe du livre foncier, applicable en Alsace et Moselle, est inspiré du système allemand : l’inscription est réalisée par le juge.

B/ Les meubles.

Ils ne valent rien. Jusqu’au Moyen Age, on considérait qu’ils n’avaient pas de valeur (res mobilis, res vilis). Le code civil de 1804 n’était pas éloigné de cette pensée : les meubles y font l’objet d’un effort mois soutenu que les immeubles. Ils sont dispensés du système de publicité : dans la plupart des cas, on n’a pas de titre de propriété. Seuls les meubles qui ont de la valeur sont immatriculés : les voitures, avions, bateaux,… En général, un meuble est quelque chose de mobile, mais ce n’est pas une équation certaine.

1) Les meubles corporels.

a_ Les meubles par nature (art. 528)

Les animaux sont des meubles : ils sont traités comme des choses inanimées. Les matériaux de construction sont des meubles (avant la construction), de même que le gaz, l’électricité ou l’essence.

b_ Les meubles par anticipation.

Ce sont des immeubles qui ont vocation a devenir des meubles. Un champ de blé est un immeuble, mais le blé coupé est un meuble. Si le blé est acheté avant d’être poussé, le contrat porte sur un immeuble par anticipation. On applique l’effet relatif aux tiers au contrat : pour eux, le bien reste un immeuble.

2) Les meubles incorporels.

a_ Les meubles par l’objet auxquels ils s’appliquent.

C’est un droit réel mobilier : l’usufruit est un droit réel ; l’usufruit d’un meuble est un droit réel mobilier. C’est aussi le cas des créances mobilières ou des actions en justice (délictuelle ou contractuelle).

b_ Les meubles par détermination de la loi (art. 529 du code civil).

Ce sont les parts sociales, les actions des sociétés cotées en bourse, les rentes, les propriétés incorporelles (clientèle, offices ministériels, et surtout toute la propriété industrielle et intellectuelle).

§2 : Les distinctions secondaires.

A/ La distinction entre les choses consomptibles et non consomptibles.

Il s’agit en fait de choses qui s’usent et disparaissent par le premier usage que l’on en fait.

La raison d’être de cette distinction est évidente dans une hypothèse de prêt, car en principe, le bien est restitué à terme. Pour un bien consomptible, il faudra prévoir dans les termes du contrat la façon dont il sera rendu au terme du prêt : une restitution par équivalent suffit pour ce genre de bien.

B/ L’opposition chose fongible/chose certaine.

Une chose fongible est une chose de genre (un bien rigoureusement équivalent à un autre comme instrument de paiement ou de restitution) : le débiteur pourra désintéresser le créancier en lui rendant une chose du même genre. Ce sont toutes les choses que l’on mesure par de la quantité : du pain, de l’argent,…

Un corps certain est déterminé, identifié. On ne peut restituer en équivalence : il faut indemniser.

· Transfert de propriété : en cas de disparition du bien avant la remise à l’acheteur, pour un bien fongible, on considère qu’il n’y a pas eu de transfert de propriété : la chose périt au propriétaire (res perit domino). Pour un corps certain, le transfert de propriété est opéré, du fait du consensualisme, dès la signature.

· La compensation (deux parties sont créancières l’une envers l’autre) : elle n’existe que si les dettes existent entre les mêmes parties, et qu’elles sont fongibles, liquides et exigibles. Souvent, la compensation est réalisée par une somme d’argent (art. 1291). On n’exige pas que les dettes soient connexes.

C/ Les choses appropriées et non appropriées.

En théorie, toutes les choses sont susceptibles d’appropriation, mais il n’y a aucune obligation. Selon l’article 1128, « seules les choses dans le commerce peuvent être l’objet de conventions » : des points d’achoppement existent autour d’hypothèses délicates (clientèle, sépulture,…) qui touchent à l’humain.

Les sépultures sont des choses hors commerce : elles sont protégées par le respect de l’humain, et de ce qu’il en reste après la mort. On ne peut enterrer qui on veut où on veut. TI Lille, 26/11/1998 : le juge judiciaire (garant de la propriété) s’est déclaré compétent en parlant de la possession d’une sépulture (droit réel immobilier à valeur patrimoniale) méritant d’être protégée au même titre que la propriété.

Le corps humain est une chose hors commerce : l’article 1128 s’applique donc : TGI Paris, 3/6/1969 a refusé l’application d’un contrat prévoyant le prélèvement d’un tatouage fait pour les besoins d’un film sur une mineure, en raison de l’illicéité de l’objet ; AP, 31/5/1991 interdit les contrats de mère porteuses car il s’agit de contrats de location sur le corps humain. Il y a un problème autour de la réification pour fixer les limites avec les prothèses : TGI Lille, 23/3/1999 considère un chien d’aveugle comme une prothèse.

Dans le don de sang, le sang est traité presque comme une chose : certains auteurs souhaiteraient poser un droit de destination, permettant au donneur de surveiller l’utilisation de son don. En matière de prélèvements des organes vitaux, le système français présume le consentement de la personne en situation de coma dépassé, mais une manifestation du vivant de la personne exprimant son refus suffit à la renverser. Les éléments du corps ne sont plus traités comme un corps humain mais comme des choses.

1) Les choses communes (art. 714).

Ce sont des choses qui n’appartiennent à personne et dont l’usage est commun à tous : l’air, l’eau, le gibier, les poissons en mer, la chaleur, le soleil. Des polices limitent l’appropriation des sources d’énergie.

2) Les immeubles vacants et sans maître.

Un bien sans maître appartient au domaine privé de l’Etat. En fait, seuls les immeubles sont concernés. En matière de meubles, on considère qu’ils restent sans maître jusqu’à ce que quelqu’un se les approprie.

3) Les biens du domaine public.

Ils sont classés selon des domaines, et ne peuvent en sortir que par un déclassement (loi ou décret).

· Le domaine public maritime : les ports, rivages, lais et relais de la mer. Un ostréiculteur ne peut pas être propriétaire de « son » champs : il y a des régimes d’occupation temporaire (concession de 5 à 50 ans). Il ne peut pas utiliser économiquement la surface qu’il exploite comme le peut un agriculteur. La loi du 17/11/1997 leur permet donc de revendiquer des droits réels, notamment d’hypothéquer leurs bâtiments.

· Le domaine public fluvial : les voies navigables et flottables, les canaux.

· Le domaine public terrestre : les routes, chemins, rues, fortifications, édifices publics, œuvres d’arts des musées, livres de bibliothèques,…

4) Les richesses publiques.

Elles appartiennent à la collectivité, mais l’état peut en autoriser l’exploitation par des concessions : mines,…