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Les pouvoirs de fait sur une chose


Il s’agit de l’emprise qu’une personne peut avoir sur une chose, mais pas en vertu d’un droit. Le pouvoir de fait est ce que je vois en tant qu’observateur extérieur. Dans certains cas le droit peut rattraper la chose.
Chapitre 1 : La possession.

Elle est au fait, ce que la propriété est au droit. La possession n’est pas un droit. Les philosophes grecs distinguaient déjà ces deux notions, mais le code civil les a parfois confondu : il traite mal la possession, et ne la définit d’ailleurs pas.
Section 1 : Section préliminaire : La présentation de la possession.

1) Possession et autres notions.

a_ Un pouvoir de fait.

La possession est une emprise matérielle sur une chose. Elle est la détention matérielle, apparente et effective : un locataire a un droit sur la chose, jouit d’elle mais, à la différence du détenteur, il ne se comporte pas comme le propriétaire. Un droit réel peut se trouver derrière la possession. Il y a un parallèle avec la possession d’état en droit de la famille. La possession est ce qui est vécu et apparent.

b_ Possession et droit.

Juridiquement, la possession (situation de fait) va produire des droits. Elle peut correspondre au droit.

c_ Possession et propriété.

Pour le Doyen Carbonnier, la possession est l’ombre de la propriété : tout propriétaire a une vocation à la possession, et le possesseur est le plus souvent propriétaire.

La possession est une notion plus large : elle peut exister en cas d’usufruit, de gage ou de servitude.

En cas de transaction sur un bien, on sait que le vendeur est possesseur : il est considéré propriétaire.

2) Théories doctrinales.

a_ Savigny.

Il a élaboré en 1803 une doctrine, présentée comme la conception subjective de la possession. Pour lui, ce qui prime, c’est le comportement psychologique de l’individu (l’animus) : la volonté de se comporter comme le propriétaire. La possession ne s’applique qu’au seul possesseur qui veut être propriétaire.

L’animo domini est l’esprit du maître : je me comporte comme un propriétaire avec cet état d’esprit.

b_ Jhering.

Il a dégagé en 1865 une théorie, présentée comme objective. La possession est la meilleure façon de prouver la titularité du droit, car la possession et la propriété coïncident le plus souvent. L’état d’esprit importe peu, seule l’emprise matérielle (le corpus) manifestant la propriété : une présomption de propriété existe derrière l’emprise matérielle qu’est la possession. Il donne beaucoup d’importance à la protection possessoire : la protection de la possession d’un immeuble. La loi française a repris ce système en 1975.
Section 1 : Les conditions de la possession.

Selon l’article 2228 du code civil, « la possession est la détention ou la jouissance d’une chose ou d’un droit que nous tenons ou que nous exerçons par nous-mêmes, ou par un autre qui la tient ou qui l’exerce en notre nom » : c’est quelqu’un qui se présente comme propriétaire sans forcément l’être.

Selon Planiol et Rippert, la possession est l’exercice sur une chose, d’un pouvoir de fait qui correspond dans sa manifestation extérieure à l’exercice d’un droit.

Pour Capitant, c’est le fait d’exercer volontairement les prérogatives d’un droit indépendamment du point de savoir si on est juridiquement le véritable titulaire du droit.

Aubry et Rau ont une définition très généraliste : c’est l’état ou la relation de fait qui donne à une personne la possibilité physique actuelle et exclusive d’exercer sur une chose des actes matériels d’usage, de jouissance et de transformation.

Pour Cornu, c’est un pouvoir de fait exercé sur une chose avec l’intention de s’en affirmer le maître même si le sachant ou non, on ne l’est pas.

Þ Les éléments caractéristiques sont : un pouvoir de fait ; un droit réel ; un animus ; un corpus ; indifférence de la qualité de propriétaire.

§1 : Les éléments constitutifs.

La détention : le détenteur n’a qu’une emprise matérielle (corpus) en vertu ou non d’un titre.

La possession : le possesseur a une emprise matérielle et se comporte en plus comme le propriétaire, qu’il le soit ou non (corpus et animus).

La propriété : le propriétaire a une emprise matérielle, se comporte comme le propriétaire, et a en plus le titre de propriété (corpus, animus et titre).

A/ Le corpus.

C’est l’élément matériel de la possession. Le code civil y attache une grande importance. Cette emprise matérielle se fait le plus souvent sur une chose corporelle.

1) Les actes de détention et de jouissance.

Un acte de détention matérielle de la chose, se manifeste par le biais d’une action physique : se saisir de la chose. Une personne morale peut posséder un immeuble, si elle a un corpus dessus. La notion d’emprise physique n’est pas une exigence : elle peut être exercée de façon symbolique (les clefs d’un immeuble ; le possesseur d’une servitude de passage a juste à marcher sur la bande de terrain concerné). L’objectif est d’exercer le droit : le sujet actif exerce un rapport homme/chose dans la possession.

Un acte de jouissance est exigé au travers du corpus : il faut une exploitation effective. En fait, le corpus suppose une emprise matérielle et l’exercice de prérogatives supposées par le droit. S’il réunit les deux, ce sera un corpus parfait. Mais, le corpus peut être établi en ne faisant état que d’un seul élément. Ce qui est retenu, c’est l’emprise matérielle directe de l’homme sur la chose.

2) Cas particuliers : la possession corpore alieno.

Le propriétaire possède le bien par le corpus d’une autre personne (corpus alieno), qui l’exerce à sa place. Dans le bail, tout locataire possède pour quelqu’un d’autre et réalise une possession corpore alieno. Le corpus est délégué : quelqu’un l’exerce pour le propriétaire.

L’article 2228 prévoit cette hypothèse :  » la possession est la détention ou la jouissance d’une chose ou d’un droit que nous tenons ou que nous exerçons […] par un autre qui la tient ou l’exerce en notre nom »

L’hypothèse du constitut possessoire : dans le cas d’une vente d’un bien encombrant, si l’acheteur ne peut pas l’emmener tout de suite, il en est propriétaire (il a le titre), mais le corpus est resté au vendeur, qui détient la chose pour l’acheteur en attendant qu’il vienne la reprendre.

B/ L’animus.

Il s’agit de l’état d’esprit du possesseur qui se comporte comme le titulaire du droit sur la chose. Dans le doute (il peut être propriétaire), le possesseur bénéficie de larges hypothèses de droit. On a recours à la notion d’apparence intellectuelle : l’animus domini : le possesseur a l’âme d’un maître.

Il est indifférent que le possesseur soit de bonne ou mauvaise foi. Le seul intérêt sera dans les effets.

L’animus est le comportement : sa preuve juridique étant difficile à rapporter, l’article 2230 du code civil présume que l’on possède à titre de propriétaire : il présume l’animus.
§2 : Qualités et vices.

La possession sans vice est pleine de qualités. Selon l’article 2229 du code civil, « pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publiée, non équivoque, et à titre de propriétaire ». Ces conditions sont nécessaires pour une possession utile = possession parfaite.

A/ Les qualités touchant à l’élément corporel.

Le législateur cherche à protéger celui qui réunit tous les éléments. Du pouvoir de fait qu’est la possession, on passe par présomption au titre de propriétaire. Pour cela il ne doit manquer aucune qualité.

1) La possession doit être continue.

Il n’y a besoin de posséder la chose à tout instant. Seule une rupture anormale rend la possession suspecte aux yeux de la loi. Civ., 3/5/1960 retient la discontinuité quand elle est marquée par des intervalles anormaux, assez prolongés pour constituer des lacunes. Pour la Cour de cassation, ce qui compte, c’est un usage normal et régulier de la chose. C’est un examen casuistique.

L’exigence de continuité se retrouve en matière de prescription : l’interruption gène le calcul du délai.

2) La possession doit être paisible.

Il ne faut pas de violence. Ce vice est : – relatif : seule la victime pourra invoquer la violence.

– temporaire : on peut faire état d’une possession utile dès que la violence cesse. Le droit ferme les yeux dans le cas d’une entrée en possession violente, mais qui est ensuite paisible, ou face à un maintien en possession violent.

3) La possession doit être publique.

Les actes de possession doivent être francs et apparents. On sanctionne la clandestinité, car on craint une volonté de dissimulation. Ce peut être un vice relatif : une clandestinité devant un public déterminé.

La clandestinité cessera quand la publicité sera assurée au grand jour. C’est valable pour des meubles, mais aussi pour des immeubles : possession à certains moments d’un terrain, dans le but de le prescrire.

B/ Qualités touchant à l’élément psychologique.

1) L’équivoque.

C’est quand il y a un doute sur le possesseur : il a le corpus mais à quel titre? Certaines situations ne sont pas claires : en cas d’indivision, si un coindivisaire agit, est-ce en tant que coindivisaire (propriétaire) ou pour l’indivision (coindivisaire gérant)? De même, en cas de communauté de vie (concubinage, PACS, mariage, cohabitation,…) l’emprise sur un même bien sera partagé : on ne sait plus qui est propriétaire.

2) Bonne ou mauvaise foi.

a_Présentation.

Quelqu’un de bonne foi est quelqu’un d’ignorant : il croit vraiment être propriétaire d’un bien qui ne lui appartient pas. Selon l’article 550 du code civil, « le possesseur est de bonne foi quand il possède comme propriétaire, en vertu d’un titre translatif de propriété dont il ignore les vices. Il cesse d’être de bonne foi du moment où ces vices lui sont connus ». Il s’agit le plus souvent de l’hypothèse d’un héritier institué légataire puis propriétaire d’un bien, avant la découverte d’un testament plus récent qui attribue la propriété à une autre personne. La jurisprudence a étendu l’exigence d’un titre même de façon putative.

Etre de mauvaise foi est savoir que l’on n’est pas propriétaire du bien possédé.

b_ Distinction de l’animus.

L’animus est une notion neutre. Cette question peut être traitée indépendamment du fait de savoir si le possesseur est de bonne ou mauvaise foi : quelqu’un de mauvaise foi peut avoir l’animus.

c_ Preuves.

En vertu de l’art. 2268 du code civil, la bonne foi est toujours présumée, et celui qui allègue la mauvaise foi doit la prouver. La preuve contraire est donc acceptée.

Bien qu’inséré dans la partie relative aux meubles, cet article peut être évoqué en matière immobilière.

d_ Conséquences.

En cas de bonne foi, la prescription est de 20 ans (contre 30 ans). Par ailleurs, l’article 2279 du code civil ne vaut que pour les possesseurs de bonne foi.
Section 2 : Les effets de la possession.

Cette situation de fait peut produire des effets juridiques. Parfois, un propriétaire aura intérêt à se présenter comme possesseur car, la propriété résidant dans un titre que l’on n’a pas toujours, ou qui peut être atteint d’un vice, elle est difficile à établir. Le propriétaire se présente donc comme le possesseur : il est protégé presque comme un propriétaire, car le plus souvent le propriétaire est aussi possesseur.

A/ Economie.

Un acheteur doit pouvoir acquérir un bien sans demander au vendeur un titre de propriété. Ce titre ne sera recherché que pour les biens immobiliers. En matière commerciale, le mot d’ordre est la confiance. La volonté de protéger la vraie propriété tend toutefois à se développer en droit international : la Convention Unidroit (1995) relative au marché de l’art vise à fragiliser la présomption de bonne foi de l’acheteur. Elle protège la vraie propriété par le biais d’une prescription de 75 ans, et facilite le retour des biens illicitement sortis d’un pays. Les juristes font remarquer que seuls les biens d’art circulent sans titre de propriété.

B/ Paix.

Cette justification explique que l’on fasse produire autant d’effets juridiques à cette situation de fait. La prescription est comprise dans le sens de l’amnistie : on fait coïncider le droit avec le fait, quand ils sont différents, mais que la situation de fait dure paisiblement depuis un certain temps. L’article 2282 du code civil institue une protection possessoire : le possesseur d’un bien immobilier perturbé dans sa possession paisible est préféré à un propriétaire paisible.

§1 : Les présomptions.

Une présomption est un mode de raisonnement juridique en vertu duquel la loi ou le juge tire d’un fait connu, un fait inconnu dont l’existence est rendue vraisemblable par le premier. Ce procédé entraîne pour celui qui en bénéficie la dispense de prouver le fait inconnu, difficile ou impossible à établir directement, à charge de rapporter la preuve plus facile, du fait connu.

A/ Régime général.

En cas de probatio diabolica (preuve impossible), on déplace l’objet de la preuve. Une présomption opère donc un déplacement de l’objet de la preuve, et un renversement de la charge de la preuve.

B/ Présomption de propriété (art. 2279 du code civil).

Le possesseur d’un meuble est présumé propriétaire : il suffit de prouver que l’on est possesseur, et on devient dès lors défendeur à l’action. Le doute profite au possesseur.

Cette présomption marche aussi pour les immeubles, bien qu’aucun texte ne la prévoit en cette matière.

C/ Présomption de bonne foi (art. 2268 du code civil).

La bonne foi est toujours présumée : celui qui est présenté comme étant de bonne foi est donc déchargé de la preuve. Ce sera à l’autre de prouver qu’il est de mauvaise foi.

D/ Possession à titre de propriétaire (art. 2230 du code civil).

On est toujours présumé posséder pour soi et à titre de propriétaire, s’il n’est prouvé qu’on a commencé à posséder pour un autre.

Cet article présume que celui qui a le corpus a aussi l’animus. Dès lors, il y a réunion de l’animus et du corpus : il y a donc possession. Cette présomption est toutefois réfragable.

E/ Possession pour autrui (art. 2231 du code civil).

Quand on a commencé à posséder pour autrui, on est toujours présumé posséder au même titre, s’il n’y a preuve du contraire. Le propriétaire est ainsi protégé contre son locataire qui, ayant le corpus, pourrait être tenté de s’octroyer l’animus : s’il a commencé à posséder en tant que locataire, il ne pourra rien acquérir de plus par l’écoulement du temps. Ce principe s’inverse si le locataire a ostensiblement manifesté depuis plusieurs années qu’il est propriétaire.

F/ Possesseur actuel (art. 2234 du code civil).

Le possesseur actuel qui prouve avoir possédé anciennement, est présumé avoir possédé dans le temps intermédiaire, sauf preuve contraire. La possession sur le long terme se prouve donc par la preuve de la possession actuelle et de la possession au début de la période : l’autre devra prouver la discontinuité.
§2 : Les fruits.

Lorsqu’un possesseur a jouit d’une chose pendant un certain temps, mais qu’un jugement l’a attribué au propriétaire revendiquant, le possesseur devra restituer cette chose qu’il ai ou non été de bonne foi.

A/ La perception des fruits.

En droit romain, si le possesseur était de bonne foi, il était dispensé de rendre les fruits qui avaient été consommés, et devait juste rendre ceux qui n’avaient pas été consommés. La difficulté résultait alors dans la preuve de la consommation des fruits.

Le droit français exige de rapporter la preuve de la perception des fruits : le propriétaire ne pourra faire contre le possesseur tant qu’il n’aura pas prouvé qu’il a perçu des fruits.

Si le possesseur acquiert les fruits après le procès ou pendant l’instance, il sera considéré de mauvaise foi et devra les restituer (l’instance fait naître le doute), mais s’il les a acquis avant le procès, il faudra distinguer selon qu’il est de bonne ou mauvaise foi.

B/ Bonne foi.

L’article 549 déroge au principe de l’accession posé à l’article 546 du code civil, et permet au possesseur de bonne foi de garder les fruits perçus avant le procès. Le possesseur est présumé avoir consommé les fruits qu’il a perçu, car il est considéré avoir agi comme un propriétaire.

Les fruits n’ont donc pas à être remboursés mais en plus, le possesseur a droit au remboursement des frais qu’il a été amené à faire.

C/ Mauvaise foi.

La présomption de consommation ne s’applique pas au possesseur de mauvaise foi, car se sachant de mauvaise foi, il n’aurait pas dû consommer ces fruits indûment perçus : il doit donc les restituer. Le but est d’inciter les gens à ne pas posséder de mauvaise foi.

Chapitre 2 : Les autres emprises.
Section 1 : La détention.

C’est un pouvoir de fait exercé sur une chose en vertu d’un titre juridique qui rend la détention précaire en ce qu’il oblige toujours le détenteur à restituer la chose à son propriétaire, et l’empêche de l’acquérir par prescription, mais non de jouir de la protection possessoire au moins à l’égard des tiers.

Il s’agira le plus souvent d’un droit personnel, mais il pourra aussi s’agir d’un droit réel.
§1 : Les critères.

Le corpus et l’animus ne sont pas exercés par la même personne.

A/ Un pouvoir de fait.

C’est une emprise matérielle, directe sur la chose. Le détenteur doit avoir le corpus.

B/ Un titre juridique.

Cela permet de dissocier le détenteur du possesseur de mauvaise foi.

Le possesseur de mauvaise foi (voleur ou inventeur) n’a pas de titre juridique.

Le détenteur a une emprise matérielle en vertu d’un titre : le pouvoir sur la chose s’exerce en vertu d’un contrat, d’une hypothèque, d’une succession,… Le titre juridique est le plus souvent conventionnel, mais il peut aussi être légal. On admet aussi une pure faculté : la détention née d’un simple accord oral.

C/ Distinctions.

1) La propriété et la détention.

Dans la détention, un propriétaire s’est volontairement dessaisi (ou a été dessaisi) de l’emprise directe sur la chose, qu’il a confiée (ou qu’on a confié) au détenteur. On reconnaît un droit d’autrui sur la chose. L’animus est incompatible avec la notion de détention : le détenteur n’a jamais l’animus.

2) La possession et la détention.

Ces deux notions comportent un pouvoir de fait sur une chose.

La détention suppose que le pouvoir de fait soit exercé en vertu d’un titre de droit.

La possession est un pouvoir de fait et de droit.
§2 : Les effets.

Le titre juridique à l’origine de la détention définit les droit et obligations du détenteur. La qualité de détenteur ouvre des droits à celui qui est reconnu comme tel.

Crim, 8/1/1998 présente un banquier comme le détenteur des deniers de ses clients, ce qui lui permet d’obtenir une indemnisation. Son préjudice a été établi grâce à cette qualité.

A/ La restitution.

La restitution de la chose par le détenteur est inéluctable à terme : il n’est protégé que tant que son titre a vocation à s’appliquer.

B/ La protection possessoire (art. 2282 et 2283 du code civil).

Un possesseur sera protégé dans sa possession paisible d’un immeuble, contre celui qui la trouble.

Le détenteur a un pouvoir de fait sur la chose en vertu d’un titre juridique, et doit donc être protégé dans sa détention. Les articles 2282 et 2283 du code civil prévoient que le détenteur sera protégé comme le possesseur. Cette protection ne jouera pas si celui qui perturbe le détenteur est celui de qui il tient ses droits. Specialia generalibus derogant : les règles spéciales dérogent aux règles générales.

C/ L’acquisition.

En 1804, les articles 31, 36, 37 et 40 du code civil empêchaient le détenteur de devenir propriétaire.

1) Le principe.

Le détenteur ne peut pas bénéficier de la prescription acquisitive. Il a le corpus, mais il est présumé ne pas avoir l’animus. S’il parvient à rapporter la preuve contraire, il sera un possesseur de mauvaise foi, et ne pourra acquérir le bien que par une prescription de 30 ans (articles 2231, 2237 et 2240 du code civil).

2) Les exceptions.

Les articles 2239 et 2279 du code civil prévoient que, lorsque le détenteur a transmis la chose à un tiers de bonne foi, le propriétaire (verus dominus) perd la propriété de la chose.

Le détenteur peut acquérir la chose en cas de vice très important dans le titre qu’il a sur la chose.

L’interversion de titres : le détenteur doit avoir agi violemment pour s’emparer de la chose, et doit prescrire pendant 30 ans pour devenir propriétaire (car mauvaise foi), sans que le propriétaire ne réagisse.

Section 2 : La nécessité.

Cette théorie a été élaborée par le Doyen Carbonnier : elle a pour fondement la loi ou la coutume. Elle existe en doctrine, mais n’est pas bien assise en droit.
§1 : La loi.

Un bien pourra être acquis temporairement ou définitivement (réquisition, expropriation, usage,…). L’article 641-11 du code de la construction et des habitations prévoit qu’en cas de crise de logement, il est possible de réquisitionner d’office un logement inoccupé. Il s’agit d’une forme de détention temporaire, dans laquelle le détenteur devra indemniser le propriétaire par le versement d’une sorte de loyer : il s’agit donc d’une réquisition pour cause d’utilité privée, avec l’autorisation de la puissance publique.

La mitoyenneté : l’un des deux propriétaires de fond peut acheter à l’autre la moitié de son mur, ou lui céder arbitrairement. Il s’agit d’une forme de détention si une construction est adossée contre le mur.

La cession forcée de jouissance temporaire : un occupant sans titre exerce une action contre le propriétaire pour rester dans les lieux (art. 613-1 du code de la construction et des habitations).
§2 : La coutume.

L’objectif est de rendre une hypothèse légale, bien qu’elle ne rentre pas dans le cadre de la loi : « nécessité fait loi ». Il faut une extrême nécessité, c’est-à-dire un extrême besoin du bien d’autrui. Il doit s’agir du seul moyen d’éviter un mal incomparablement plus grave. Il faut une intervention en justice.

L’urgence : on peut se passer de toute procédure (pas d’intervention en justice), quand il en va de la survie d’un être humain. Si le propriétaire s’y oppose, on pourra lui reprocher une non-assistance à personne en danger. En cas d’action en justice a posteriori, il est possible d’envisager un abus de droit.

L’état de nécessité connaissait une application jurisprudentielle marginale concernant les animaux. Le code pénal condamnait les personnes ayant mis à mort un animal sans nécessité, mais la loi du 6/1/1999 a supprimé les termes « sans nécessité » : il ne pourrait donc pas y avoir de raison de tuer un animal.
Section 3 : Le logement.

C’est une notion fondamentale. Ce sera nécessairement un immeuble, utilisé de façon particulière, c’est-à-dire par l’être humain pour vivre, mais aussi par la famille.
§1 : Le logement de la famille.

A/ Les familles.

« Habitation » est le terme qui se rapproche le plus de la notion de « logement », mais certains estiment que ce terme peut aussi comprendre le lieu de travail : ce serait donc une notion plus large.

Le domicile est défini à l’article 102 du code civil comme le lieu où la personne a son principal établissement : elle est supposée s’y trouver. Par opposition, la résidence est le lieu où la personne réside de façon assez stable. Le domicile et la résidence peuvent coïncider, mais ce n’est pas obligatoire.

Le siège social est le lieu de « domicile » de la société.

Le logement est un immeuble bâti servant à l’habitation principale ou secondaire d’une personne ou d’une famille qui l’occupe à titre de propriétaire, de locataire ou d’occupant.

On s’interroge aujourd’hui sur les notions de résidence virtuelle (Internet), et de droit au logement.

CC, 29/7/1998 : le relogement de personne est un objectif à valeur constitutionnel, mais pas un principe.

1) La notion de famille.

Les droits en matière de logements diffèrent selon le titulaire : on doit regarder la famille à laquelle on s’adresse.

Raisonnement en matière de foyer : un père, une mère et des enfants. Il y a pluralité de familles, mais unicité du logement en matière fiscale : le droit fiscal refuse la notion de deux logements pour une seule famille. On se réfère à la notion de communauté de vie effective.

2) L’origine des familles.

CE, 8/12/1978 reconnaît le regroupement familial des étrangers comme un PGD. La réglementation est précise en la matière : le principe est de permettre le regroupement de la famille pour le conjoint et les enfants de moins de 18 ans. Dans cette décision, le CE a fait référence au préambule de 1946, et à la notion de vie familiale normale.

B/ La famille en droit civil.

1) La famille nucléaire.

a_ Le mariage.

La résidence de la famille est au lieu que les époux choisissent d’un commun accord (art.215 al2 c.civ). L’alinéa 3 parle du logement comme s’il s’agissait de la résidence des époux : si un des époux procède à la résiliation du bail sans l’accord du conjoint, la décision unilatérale peut être remise en cause.

Le code civil (art. 75, 165 et 1751) utilise alternativement « logement », « domicile », et « résidence ».

b_ Le divorce.

En cours d’instance, les époux sont autorisés à résider séparément (article 255 du code civil).

Après le divorce, si le domicile conjugal appartient au seul époux qui n’a pas eu la garde des enfants, le juge pourra le forcer à le louer à son ex-époux.

c_ Les enfants.

En cas de décès d’un des parents, un Office Public d’HLM ne permettait à l’enfant mineur de rester dans les lieux que si le parent survivant avait ce droit.

L’enfant ne peut quitter la maison des père et mère qu’avec leur autorisation : il est nécessairement lié au logement familial de ses parents et ne pourra en être retiré qu’en cas de nécessité.

2) La gens (famille au sens large).

a_ Les successions.

L’article 1390 du code civil : le prémourant de deux conjoints peut transmettre le logement à l’autre.

Les gains de survie (art. 1481 et 1491 c.civ.) permettent au conjoint survivant de faire supporter par la communauté les frais de deuil, et d’y percevoir les frais de nourriture et de logement pendant 9 mois.

b_ Les obligations alimentaires.

Action parentale d’entretien, obligations alimentaires,… : il faut fournir des aliments à celui qui est dans le besoin (de quoi se nourrir, se vêtir et se loger). L’obligation pourra être exercée en nature.
§2 : Le logement de la société.

A/ Politiques sociales.

1) Loger.

Les allocations liées au logement : allocation de logement (art. L142-1 du code de la sécurité sociale) ; Aide Personnalisée au Logement (art. L 351-1 du code de la construction et des habitations).

Le logement conventionné (art. L353-1 du code de la construction et des habitations) est un accord entre l’état et le propriétaire du logement : les loyers sont pris en charge par un institut social.

2) Déloger.

L’expropriation est régie par les articles 645 et suivants du code de l’expropriation, et par les articles L641-12 et suivants du code de la construction et des habitations.

L’expulsion (art L613 code de la construction et des habitations) est impossible entre le 1/11 et le 15/3.

3) Reloger.

Le code de l’urbanisme (art 314-1 et suivants) étudie des hypothèses de déménagement. Une prime de déménagement peut être accordée aux familles ayant à charge au moins 3 enfants nés ou à naître.

Le droit du travail le prévoit aussi en cas de mutation. Les « journées valises » sont accordées pour un déménagement lié à une mutation interne ou justifié au regard du travail.

B/ Logement adapté.

1) Les personnes âgées.

On recherche en priorité le maintien à domicile. Il existe des aides au maintien à domicile (aide aux travaux ménagers, assistance à la préparation des repas,…). Quand ce n’est plus possible, on a recours au placement . Il en existe trois types : la placement familial, le placement en établissement public ou privé habilité sur décision du conseil général, et le placement en établissement privé non habilité.

2) Les personnes handicapées.

On préconise le maintien à domicile de la personne, mais la famille refuse parfois (lourd à gérer). On accorde des prestations : aides ménagères, allocations pour un mineur handicapé, aides relatives au placement (recours à des instituts médico-associatif, médico-professionnels,…) Il existe toujours une possibilité de placement en établissement public ou privé habilité.

Þ En cas d’hospitalisation à domicile de personnes âgées, ou d’handicapés, il peut exister un service infirmier à domicile.