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Le recours à des moyens pacifiques non juridictionnels


Les moyens pacifiques non juridictionnels sont ceux qui sont les plus utilisés pour résoudre les conflits internationaux. L’art33 du chapitre 6 de la Charte de l’ONU contient une liste non exhaustive de ces moyens : négociation, enquête, médiation, conciliation, arbitrage et règlement judiciaire.

Ils sont la formulation écrite de vieilles pratiques des Etats. Ils sont actuellement utilisés à un niveau mondial dans le cadre de l’ONU, mais aussi au niveau régional par des organisations régionales.
Chapitre 1 : Les moyens diplomatiques de règlement des différends.
Section 1 : Les spécificités des modes diplomatiques de règlement des différends.
§1 : Une parfaite adaptation à la société internationale contemporaine.

Les modes diplomatiques de règlement des différends sont adaptés à l’actuelle société internationale, en ce qu’elle est :            – décentralisée (répartition du pouvoir entre les Etats souverains). Ces modes de règlement respectent l’égalité souveraine des Etats, en les laissant libres d’accepter le règlement : la solution ne sera pas forcément juste, mais respectera les intérêts des parties en présence.

– plus pacifique qu’autrefois. Les Etats tendent de plus en plus à recourir à des modes pacifiques au lieu du recours à la contrainte (Europe de l’ouest et de l’est, Amérique latine,…).
§2 : Une grande souplesse dans la détermination des principes du mode de règlement.

Les parties peuvent décider de dégager elles-même la solution à leur différend, ou de choisir un tiers. Le choix du tiers dépend alors de leurs propres volontés, et elles ont aussi toute liberté pour définir ensemble les règles et principes de règlement (lieu de règlement, nombre de personnes qui vont régler le différend, règles de procédure et de fond applicables) qui s’imposeront alors au tiers choisi pour régler le différend. Ces modes diplomatiques peuvent donc régler des différends justiciables et non justiciables.
§3 : Une totale liberté dans l’acceptation de la solution obtenue.

Le compromis obtenu est une simple transaction pour les Etats parties au différent, qui sont toujours libres de le refuser. Si la solution est proposée par un tiers, ils sont juste tenus de l’examiner de bonne foi. Il n’y a pas d’obligation de résultat dans le règlement du différend, qui peut donc durer éternellement.

La solution devient obligatoire lorsque chaque partie au différend la déclare opposable à son égard, par le biais d’un traité ou de déclarations unilatérales croisées. Cette déclaration commune peut être interprétée comme un accord (liant les parties comme un traité), comme un acte unilatéral collectif (liant les parties en tant qu’acte unilatéral) ou comme un acte concerté non conventionnel (non obligatoire).
Section 2 : Le règlement direct entre Etats : la négociation.
§1 : Nature juridique de la négociation.

Seuls les Etats parties au différend interviennent dans la négociation, à l’exclusion de tout tiers.

Cette obligation de nature coutumière s’impose à l’ensemble des Etats de la communauté internationale.

Elle a aussi une nature conventionnelle (beaucoup de traités la rappelle), et son caractère contraignant à l’égard des Etats parties au différend est réaffirmé par la CIJ (CIJ, 20/2/1969 Plateau continental en mer du Nord ; CIJ, 26/11/1984 et 27/6/1986 Activités militaires et paramilitaires des USA au Nicaragua ;…).
§2 : Le contenu de la négociation.

La négociation est l’obligation minimale, à savoir une simple entrée en contact entre les Etats.

CPJI, 19/8/1929 Zones franches du pays de Gex et de Haute-Savoie a énoncé un obiter dictum selon lequel le règlement judiciaire n’est qu’un succédané au règlement amiable des conflits entre les parties.

Les négociations peuvent exister :            – en l’absence de différend entre les Etats, qui interprètent un traité. Le différend naîtra à la date de l’échec des négociations : il devra être réglé par de nouvelles négociations. Ces 2 phases de négociations permettront au tiers chargé de résoudre le litige, de délimiter le différend.

– en l’absence de première négociation : les Etats constatent l’existence d’un différend par notification ou échange de lettres, et décident d’entamer des négociations pour le régler.

– en tant que préalable juridique à la saisine d’un organe arbitral ou judiciaire. Ce principe de l’épuisement des négociations préalables est rare : les négociations doivent être totalement terminées pour que l’organe arbitral ou judiciaire soit saisi.

La négociation ne s’applique que si les Etats le décide ou qu’un acte juridique liant les Etats le prévoit. CIJ, 26/11/1984 Activités militaires et para-militaires a rappelé ce principe, en acceptant la recevabilité de la requête du Nicaragua alors que les négociations entre les USA et le Nicaragua continuaient.
§3 : La portée de la négociation.

L’obligation de négociation :     – est une obligation d’entamer les négociations, et de les poursuivre de bonne foi et avec la volonté d’aboutir. CPJI, 15/10/1921 Trafic ferroviaire (Lituanie c/ Pologne) : la négociation doit être conduite avec raison et doit avoir un sens ; CIJ avis, 1988 Obligation d’arbitrage : la négociation n’a pas de sens si une partie insiste sur sa propre position sans envisager aucune modification.

– peut être renforcée dans certains domaines particuliers : en matière de délimitation maritime, il y a une obligation de négocier de bonne foi et en appliquant des principes de droit équitables. CIJ, 20/2/1969 Plateau continental en mer du Nord : ce n’est pas une obligation générale.

– devient une obligation de résultat. Il y a peu d’exemples en la matière.

CIJ, 21/12/1962 Sud-ouest africain : la CIJ s’est déclarée incompétente au fond sur la question de savoir si l’Afrique du Sud devait négocier un nouveau mandat pour le Sud-ouest africain avec obligation d’aboutir, mais l’AGONU et le CSONU, saisis en parallèle, ont estimé qu’il s’agissait d’une obligation de résultat, car elle était inscrite dans le mandat et dans le Pacte de la SDN (qui sert de fondement aux mandats).
§4 : Les modalités de la négociation.

Aucune règle ne vient encadrer la négociation : ce sont de simples discussions qui débouchent soit sur une solution concertée, soit sur un constat d’échec.

On distingue les négociations bilatérales (2 Etats) des négociations multilatérales (3 Etats ou plus).

Les négociateurs sont d’ordinaire les ambassadeurs et diplomates en fonction. La négociation se situe parfois au niveau des chefs d’Etat (différends les plus graves) ou des plénipotentiaires exceptionnels.

Des tiers peuvent intervenir pour faciliter la négociation : ils organisent une conférence internationale sous leur égide, mais n’interviennent pas dans le règlement du différent.
Section 3 : Le recours à un Etat tiers.

Le mode de règlement reste inter-étatique : le tiers va intervenir dans le règlement du différend pour trois raisons :            – il contribue à apaiser les tensions entre les Etats bloqués dans les négociations ;

– il peut apparaître comme étant le garant impartial de la solution qui sera arrêtée ;

– le recours à un Etat tiers est un mode librement choisi par les parties : il n’est pas imposé, et donc la solution sera mieux acceptée.
§1 : Les bons offices et la médiation.

Les bons offices et la médiation sont les procédés de recours les moins institutionnalisés.

Leur mise en œuvre varie à chaque fois : l’obligation de recourir à ces modes de règlement n’existe pas en coutume, et ne peut donc naître que d’un traité ou d’un acte juridique passé entre les Etats.

1) Les bons offices.

Les bons offices sont le type d’intervention le plus modeste : le tiers suggère simplement un mode de règlement aux parties en présence.

Le tiers :  – permet la reprise de contact entre les deux Etats : il contribue à les rapprocher en utilisant son influence politique, économique et moral ;

– facilite l’organisation de la reprise des négociations : il fixe le calendrier des discussions et les questions qui vont être discutées ;

– doit proposer un mode de règlement approprié à la situation, mais ne propose pas de solution.

Ex : intervention de la RFA dans le différend irano-américain ; l’Arabie Saoudite a proposé un mode de règlement (accepté par les deux Etats) dans le différend opposant les émirats de Qatar et Barhein ; …

2) La médiation.

Le médiateur commence par rapprocher les parties (reprise des contacts) puis propose une solution.

La médiation est souvent beaucoup plus organisée que les bons offices, car la participation du médiateur est beaucoup plus active.

Ex : la médiation de la Norvège et des USA dans le conflit israélo-palestinien a débouché sur les accords de Washington (1993) inaugurant le processus de paix au Proche-Orient ; la médiation des USA dans les accords de Wye Plantation (30/4/1998) qui ont relancé le processus de paix israélo-palestinien ; la médiation de la reine d’Angleterre dans le conflit relatif au canal de Beagle (Argentine c/ Chili) ;…

Les médiateurs sont un Etat ou groupe d’Etats, qui interviennent surtout en cas de conflit grave.

§2 : L’enquête internationale.

L’enquête internationale cherche juste à permettre l’établissement des faits controversés à l’origine d’un litige, sans chercher à régler directement le différend international. Elle débouche sur un rapport sans force obligatoire qui est délivré aux Etats, et qui, normalement ne comporte pas de conclusions mais recense juste les faits constatés par les experts.

L’enquête internationale :    – peut aider indirectement à régler le différend, car la preuve des faits présentée par un tiers impartial va pouvoir mettre fin à des points de blocage.

– est parfois directement intégrée dans une procédure de règlement pacifique : un tiers établit les faits par l’enquête, puis propose un règlement.

– amène parfois une aggravation du différend : la vérité objective qu’elle établit peut gêner la recherche de la solution, notamment lorsqu’un seul Etat est à l’origine du différend. L’autre Etat refusera de faire des concessions, en s’estimant « dans son droit ».

L’utilisation de l’enquête est très souple dans la pratique : elle varie selon les Etats qui choisissent la mission, la composition, et les moyens de l’organe d’enquête. Mais, cette souplesse ne lui profite pas directement : les Etats sont réticents face à cette procédure, car l’enquête a lieu sur leur territoire.

Il n’y a pas d’obligation générale de recourir à l’enquête internationale, mais certains traités prévoient d’y recourir, notamment l’art.90 du premier protocole additionnel (1977) aux conventions de Genève de 1949, portant sur le droit humanitaire dans les conflits armés internationaux, qui prévoit la mise en place d’une Commission d’enquête pour établir les faits à l’origine d’un différent portant sur le droit humanitaire.
§3 : La conciliation internationale.

La conciliation internationale est le mode le plus institutionnalisé : le règlement du différend est confié à un organe tiers institutionnalisé, qui va proposer des solutions aux parties en présence sous forme d’avis, de conseil, ou de rapport de conciliation, étant entendu que cette solution est dénuée de force obligatoire.

Il n’y a jamais d’obligation de recourir à la conciliation internationale, mais cette obligation peut être instaurée par la voie conventionnelle.

La composition de l’organe de conciliation peut être prévue à l’avance (traité) ou lors du différend : les membres sont choisis par les parties au différend, qui peuvent aussi décider de nommer un tiers chargé de choisir les membres.

Le plus souvent, la conciliation internationale intègre une mission d’enquête avec audition des Etats concernés, parfois une procédure écrite et toujours le respect du contradictoire, des droits de la défense et de l’égalité des parties. Elle débouche sur un rapport ou avis dénué de force obligatoire.

Cette procédure est très rare car elle est très lourde et surtout très médiatisée, ce qui fait que politiquement, les Etats sont beaucoup plus contraints que dans les autres cas. Les Etats ne suivent donc cette procédure que s’ils avaient accepté par avance d’y avoir recours (traité).

L’art.66 de la Convention de Vienne de 1969 prévoit le recours à un organe de conciliation, mais il n’a jamais été mis en œuvre.

Chapitre 2 : Le règlement non juridictionnel dans le cadre des OI.
Section 1 : Le règlement non juridictionnel dans le cadre d’une OI à compétence spéciale : l’Organisation Mondiale du Commerce.

Le droit international économique est le domaine par excellence d’intervention d’un tiers pour régler les différends internationaux : la complexité de la matière rend insuffisante le règlement direct entre Etats.

Depuis 1995, ce tiers est l’OMC : elle dispose d’une procédure de règlement des différends économiques pour tous les Etats qui sont parties au GATT.
Section 2 : Le règlement non juridictionnel dans le cadre d’une OI à compétence générale : l’Organisation des Nations-Unies.
§1 : Evolution historique.

1) Dans le cadre de la Société Des Nations.

La SDN est la première OI à compétence universelle, à intégrer les vieux modes diplomatiques.

Le Conseil et l’Assemblée pouvaient tout deux intervenir, mais l’art.15 du Pacte donnait une compétence prioritaire au Conseil, qui pouvait se prononcer 15 jours avant l’Assemblée. L’art.12 du Pacte lui permettait même d’intervenir à la demande d’une seule partie au différend.

A partir de là, il y avait un examen politique du différend, qui pouvait concerner des Etats non membres de la SDN : le Secrétariat réalisait l’enquête, faisait un rapport remis au Conseil, qui devait alors agir comme médiateur pour régler le différend. Il proposait donc une solution au différend, votée à la majorité et sans le vote de l’Etat en cause. Sa solution n’avait pas de force obligatoire.

L’art.11 autorisait le Conseil à utiliser tout moyen de règlement, mais le choix du mode de règlement devait se faire à l’unanimité avec vote de l’Etat en cause, ce qui a paralysé l’institution.

2) Dans le cadre de l’Organisation des Nations-Unies.

L’ONU reprend les mécanismes institutionnels prévus dans la SDN, en les améliorant : elle reconnaît toujours la priorité du CSONU par rapport à l’AGONU.

L’action du CSONU est encadré par le Chapitre 6 : s’il n’arrive pas à régler un différend en agissant au titre du Chapitre 6 (« règlement pacifique des différents »), il devra agir au titre du Chapitre 7. L’art.24 §1 prévoit qu’il doit assurer une action rapide et efficace pour assurer le maintien de la paix.

L’AGONU a deux possibilités d’intervention :      – l’art.35 (seul article du chapitre 6 relatif à l’AGONU) prévoit qu’elle peut être saisie par les Etats, afin de trouver une solution pacifique à leur différend.

– elle a un rôle déclaratoire important, qui passe par l’adoption de résolutions indiquant l’orientation qu’elle souhaite donner à l’affaire et à son règlement.

Le Secrétaire général a un rôle accru par rapport à la SDN, mais ce rôle est surtout issu de la pratique.
§2 : L’activité diplomatique du Secrétaire général des Nations-Unies.

1) Saisine du Secrétaire général.

Le Secrétaire général peut être saisi par l’AGONU ou le CSONU (art.98), qui lui conféreront un mandat par une résolution à caractère obligatoire (le Secrétaire général est subordonné à ces organes).

Le Secrétaire général agit parfois sans mandat, de sa propre initiative : cette fonction n’est pas prévue par la Charte, mais elle est née de la pratique, et a été consacrée par une résolution de l’AGONU de 1988 relative à la prévention et l’élimination des différends internationaux.

2) Le contenu de la mission du Secrétaire général.

Le Secrétaire général est chargé d’élaborer un rapport annuel de l’activité de l’ONU, présenté chaque année à l’AGONU, et publié. Il préconise des méthodes de règlement des différends, ou attire l’attention du CSONU sur des différends internationaux.

· Le Secrétaire général agit sur mandat en offrant ses bons offices (cas d’intervention le plus fréquent : Afghanistan – Pakistan ; Iran – Irak ;…), en tant que médiateur, par le biais d’un pouvoir d’enquête (pouvoir prévu par une résolution de l’AGONU : il doit établir une liste de spécialistes du droit, dont les Etats parties à un différend pourront utiliser les services), ou d’un pouvoir de conciliation (il met en place une Commission de conciliation, à la demande l’AGONU : affaire du Congo en 1960,…).

· Le Secrétaire général agit, hors de tout mandat, en offrant ses bons offices (Front-Polisario,…), ou en tant que médiateur (affaire du Rainbow-Warrior entre la France et la Nouvelle-Zélande,…). Il n’y a aucun exemple de conciliation sans mandat.
§3 : L’activité du CSONU dans le cadre du Chapitre 6 de la Charte des Nations-Unies.

1) La saisine du Conseil de Sécurité.

a_ La saisine du Conseil de Sécurité par des Etats membres de l’ONU.

Un Etat membre de l’ONU peut saisir le CSONU :    – l’art.35 §1 de la Charte prévoit une saisine unilatérale facultative, de la part d’Etats parties ou non à un différend.

Une partie à un différent a toujours le droit de saisir le CSONU : il n’est pas nécessaire que tous les Etats parties au différend aient accepté cette compétence.

Un Etat non partie au différend peut saisir le CSONU : cette actio popularis permet à un tiers de déclencher une action sans avoir subi de préjudice pour le seul bien de la Communauté internationale.

– l’art.37 de la Charte prévoit une saisine unilatérale ou concertée mais obligatoire. Les Etats parties au différend doivent saisir le Conseil de Sécurité lorsqu’ils n’arrivent pas à résoudre pacifiquement leur différend. Il est difficile de savoir à partir de quand les parties ne peuvent plus résoudre pacifiquement leur différend : la saisine est donc le plus souvent concertée.

– l’art.38 de la Charte prévoit une saisine concertée facultative par les Etats parties à un différend. Cet article débouche sur de simples recommandations émises par le CSONU en vue de régler le différend.

b_ La saisine du Conseil de Sécurité par un Etat non membre de l’ONU.

L’art.35 §2 de la Charte des Nations-Unies permet à un Etat non membre de l’ONU de saisir le CSONU, sous certaines conditions : il doit s’agir d’un différend au sens du droit international ; l’Etat doit préalablement accepter les obligations de règlement pacifique prévues par la Charte.

c_ La saisine du Conseil de Sécurité par d’autres organes de l’ONU.

L’AGONU peut saisir le CSONU pour le règlement pacifique d’un différend (art.11 §3 de la Charte).

Le Secrétaire général peut attirer l’attention du Conseil pour le règlement pacifique d’un différend.

2) Les effets de la saisine et les modalités d’intervention du CSONU.

a_ Les effets de la saisine.

Même lorsque la saisine est obligatoire (art.37 de la Charte), le Conseil n’est pas obligé de se saisir de l’affaire. Il vote cette question à la majorité simple, et les grandes puissances n’ont pas de veto.

Si le CSONU accepte d’inscrire l’affaire à son ordre du jour, il doit se prononcer sur la recevabilité de la requête, c’est-à-dire vérifier qu’il existe bien un différend au sens du droit international, et que ce différend appelle un règlement pacifique au titre du chapitre 6. Il se prononce ensuite sur le différend et recommande l’utilisation de tous les moyens pacifiques de règlement prévus à l’art.33 de la Charte.

b_ Le pouvoir d’ordonner des enquêtes.

Le CSONU a un pouvoir d’enquête sous son autorité directe : ce pouvoir d’enquête lui permet surtout de savoir s’il doit continuer à agir au titre du chapitre 6, ou s’il doit agir au titre du chapitre 7.

Il déclare souvent par résolution qu’il monte une Commission d’enquête, mais sans préciser le chapitre sur lequel il se fonde, pour ne pas en dire plus aux Etats.

c_ Les pouvoirs de bons offices et de médiation.

Lorsque le CSONU est saisi en vertu des art.37 et 38, il l’est en tant que médiateur.

Le plus souvent, il offre juste ses bons offices (art.35) : il recommande un moyen de règlement, et permet de renouer le contact entre les parties. Il pourrait aussi demander le recours à la CIJ comme moyen de règlement (ex : affaire du détroit de Corfou).

d_ Les pouvoirs opérationnels.

Le CSONU agit parfois en vue du règlement des différends, mais en interprétant largement ses pouvoirs : il décide d’opérations concrètes non prévues par la Charte, menées par des organes subsidiaires composés de personnel civil et parfois militaire, qu’il crée en vertu de l’art.29 de la Charte, avec l’accord des 5 membres permanents du CSONU, qui ont ici un droit de veto.

Ces opérations sont de deux types :         – les missions d’observation : elles sont assimilées à des opérations de maintien de la paix, et sont parfois accomplies avec l’aide des casques bleus. Elles ont pour mission de résoudre pacifiquement et définitivement un différend entre deux Etats. Elles vérifient que les conditions de rétablissement de la paix sont effectuées, et apaisent les tensions qui demeurent (ex : APRONUC, …).

– les missions spéciales : elles servent à restaurer la démocratie et parfois l’Etat lui-même. Elles peuvent mettre en place des élections démocratiques (MINURSO,…).

Þ Cette intervention du CSONU n’est pas satisfaisante : trop de différends ne sont pas résolus.
§4 : La régionalisation du règlement non juridictionnel des différends sous l’égide de l’ONU. (Chapitre 8 de la Charte des Nations-Unies).

1) Les raisons de la régionalisation du règlement non juridictionnel des différends.

La régionalisation du règlement non juridictionnel des différends, sous l’égide de l’ONU, est due au fait que :          – l’ONU est débordée par ses interventions et actions au titre du chapitre 6 et du chapitre 7.

– l’ONU se révèle parfois inadaptée au règlement pacifique, car elle est trop éloignée du terrain.

L’ONU garde un rôle du tutelle, car les Etats de la région en cause sont parfois trop impliqués pour résoudre ce différend. Ainsi, l’OUA et l’OEA ont vocation à résoudre les différends en Afrique et en Amérique, mais ces organisations sont parfois trop impliquées pour les résoudre : leur intervention est bloquée du fait de l’emprise que certains Etats ont sur elles.

La régionalisation est un système mixte avec les organisations régionales et l’ONU. L’art.54 al.2 de la Charte prévoit la compatibilité entre les actions des organismes régionaux et celles du CSONU.

2) Contenu et mise en œuvre du Chapitre 8 de la Charte des Nations-Unies.

a_ Une difficulté juridique.

L’intervention au niveau régional doit se faire par le biais d’organes régionaux, mais aucune définition n’est donnée ni dans la Charte ni dans les accords internationaux.

La pratique du CSONU a consacré une interprétation très large : il s’appuie sur n’importe quel type d’organismes. Ainsi, dans le cadre défensif, il peut avoir recours à l’OTAN (l’OTAN est intervenu dans le conflit en ex-Yougoslavie pour tenter de trouver un règlement pacifique), l’OSCE, l’UE,…

b_ L’existence de deux grands principes.

· La nécessaire compatibilité des organismes régionaux et de la Charte des Nations-Unies : les deux traités doivent être compatibles, étant entendu que la Charte des Nations-Unies prévoit sa propre supériorité sur tous les autres traités (art.103) : les organismes régionaux ne peuvent intervenir qu’en conformité à la fois avec les buts de la Charte, et avec les résolutions du CSONU (CIJ, 1992 Lockerbie).

· L’absence de hiérarchie entre les procédures régionales et les procédures décrites au niveau de l’ONU.

Le mode régional est d’abord mis en œuvre, mais le CSONU est régulièrement tenu informé, et en cas d’échec de la procédure régionale, il mettra en œuvre le Chapitre 6. Les deux procédures peuvent continuer en parallèle, et aucune ne prime sur l’autre : le CSONU décide discrétionnairement de laisser le différend au niveau régional ou de le régler lui-même.

Cette absence de hiérarchie a été consacrée par CIJ, 26/11/1984 Activités militaires et para-militaires des USA au Nicaragua, aussi pour bien pour elle-même que pour le CSONU : l’existence de négociation au niveau régional n’empêche pas l’intervention du CSONU sans qu’il y ai hiérarchie entre les deux.

c_ Conséquences pratiques de la mise en œuvre de ces deux principes.

Le CSONU peut procéder d’office à tout moment à une enquête internationale pour savoir si la prolongation du différend n’appelle pas une intervention au titre du chapitre 6 ou du chapitre 7.

On ne peut faire jouer les mécanismes régionaux que si les Etats parties au différend sont membres des organisations régionales. A défaut, le chapitre 6 sera déclenché.

Lorsque les Etats parties au différend sont membres de l’organisation régionale, ils sont libres de choisir la procédure de règlement qu’ils préfèrent. La seule obligation qui pourrait exister de recourir à une procédure plutôt qu’à une autre, serait une obligation de type conventionnelle.