C’est une société chrétienne dans laquelle le savoir est détenu exclusivement par les clercs. La pensée chrétienne a façonné l’organisation sociale selon une image tirée du Nouveau Testament = l’image d’une société assimilée à un corps humain : tous les membres du corps sont solidaires et tous apportent quelque chose à la vie du corps.
La plupart des auteurs distinguent deux ordres dans l’organisation sociale : les clercs et les laïcs. Les grands bouleversements du 9ème conduisent l’église à changer sa vision des choses : dès le début du 11ème, une vision tripartite de la société est élaborée = ceux qui prient, ceux qui combattent, et ceux qui travaillent. L’église introduit une hiérarchie au sein de l’état laïc : les guerriers dominent les paysans, et pour les évêques, les clercs doivent dominer les guerriers.
La paysannerie.
· L’extension du régime domanial.
* Le régime juridique des terres : le régime domanial est une forme d’exploitation très ancienne (le modèle classique au Bas Empire romain). Le domaine est une usine champêtre (plus de 1000 hectares de superficie) : une part est réservée au maître, une autre est cultivée par les esclaves, et la troisième est concédée à des fermiers. La chute de l’empire romain n’a pas stoppé ce genre d’économie qui se perpétue durant la période carolingienne : le domaine est divisé en deux parts = la réserve du maître et la manse (la part concédée aux tenanciers qui exploitent la terre moyennant des redevances et des corvées). Développement du double domaine : domaine éminent du seigneur et domaine utile.
La petite propriété libre se maintient quand même avec les alleux. L’alleutier a un droit de propriété parfait sur sa terre = il ne doit ni redevance ni corvée. Jusqu’au 12ème, la terre est la seule source de richesse, et la raréfaction de la monnaie en fait un moyen de paiement.
L’apparition de la seigneurie banale s’accompagne d’une généralisation du système domanial au détriment de la population libre et indépendante (= les alleux, très nombreux dans le midi et le nord, tendent à disparaître). Le seigneur tente par tous moyens et surtout la force d’absorber ces terres dans le système seigneurial qu’il est en train de construire. Le système des tenures se développe = le seigneur conserve le domaine, et concède la mouvance aux paysans à charge de services économiques. Il existe deux grandes catégories de tenures = la censive concédée contre une redevance fixe, et le champart concédé contre une redevance proportionnelle (1/16 à 1/3 de la récolte).
* Les obligations des paysans : le pouvoir de ban, à la source des prélèvements, est dévié et on arrive vite à une exploitation systématique de la population paysanne. Obligations en matière militaire (participation à la défense du château, garde du château, travaux défensifs, …), fiscale (la taille : protection militaire ; la taxe sur les opérations commerciales, la circulation des hommes et des biens : le tonlieu ; au 12ème, les banalités sont des monopoles du seigneur mis en place à son profit sur les instruments qui servent à transformer le travail agricole = four, moulin, pressoir,…)
La population paysanne est assujettie et livrée au seigneur, car au 11ème, il n’y a pas d’autorité supérieure à qui se référer .
· La condition juridique des paysans = vers la disparition de la liberté.
* La disparition de la distinction entre esclave et homme libre : distinction très claire = l’homme libre a la personnalité juridique, pas l’esclave qui est considéré comme une chose. Prolongement sous la période franque et Charlemagne, avec 3 sources d’alimentation : la naissance, les captures de guerre et la servitude pour dettes. Il disparaît peu à peu avec l’influence de l’église (notion d’égalité entre les hommes). Mais, l’apparition de la seigneurie ramène une nouvelle forme d’asservissement = le servage.
* Le développement du servage : il apparaît vers 1020-1030, quand les nouveaux maîtres du ban se posent en détenteurs des hommes, qu’ils vendent, donnent, … alors qu’ils étaient libres. Ce mouvement part du centre de la France et s’étend : il se développe surtout dans les régions où l’émiettement seigneurial est important. Les tentatives de résistance des paysans sont vaines car ils sont mal armés et mal entraînés, contrairement aux guerriers des seigneurs.
Le servage diffère de l’esclavage car un serf est une personne : il peut se marier, fonder une famille, et avoir un patrimoine. Il reste toutefois soumis à des obligations très lourdes et est frappé de beaucoup d’incapacités juridiques. Il est astreint à résidence (passible du droit de poursuite), doit acquitter une taxe recognitive de conditions (le chevage). Deux incapacités : le formariage (le serf ne peut se marier qu’avec l’accord de son seigneur, qui peut monnayer son consentement lors de mariage hors de la seigneurie car il perd alors un droit acquis sur les enfants qui pourraient naître de l’union) et la mainmorte (le serf ne peut pas transmettre son patrimoine par voie successorale, tout revient à son maitre)
Un serf ne peut pas non plus rentrer dans les ordres (il faut être libre), témoigner en justice contre un homme libre, ni prêter serment (toute la procédure judiciaire repose sur le serment).
Au 13ème, l’évolution de la seigneurie accompagne la diminution du servage car les seigneurs multiplient les affranchissements et les incapacités sont rachetées par des collectivités de serfs.
Le monde des guerriers.
Monde très composite, mais quelques points communs = ce sont des détenteurs du pouvoir de ban, et ils sont tous indépendants. Ce monde est organisé, car des rapports d’obéissance se sont reconstitués autour du contrat féodo-vassalique.
Le contrat féodovassalique.
· Le contrat vassalique.
C’est une transformation de la commendatio mérovingienne : un contrat par lequel un vassal devient dépendant d’un seigneur.
* L’hommage : il consiste en une dation des mains = le vassal, à genoux, met ses mains dans celles du seigneur. Le seigneur devient ainsi responsable du vassal et a envers lui un devoir de protection. Le vassal accepte l’autorité et se met dans une position d’obéissance. L’alliance est scellée par le rite du « baiser de paix » : ils sont unis et physiquement dépendants l’un de l’autre.
* Le serment de fidélité : le vassal prête serment sur des livres saints d’être fidèle à son seigneur : il lui jure foi et fidélité. Le serment prend une valeur religieuse : le vassal qui ne le respecte pas devient parjure. Ce serment renforce l’hommage et marque la différence d’avec le servage car seul un homme libre peut prêter serment.
* Les obligations réciproques : elles sont déséquilibrées au profit du seigneur. Dans les années 1020, l’évêque Fulbert de Chartres énonce dans une lettre à Guillaume d’Aquitaine les obligations du vassal envers le seigneur. Ce sont surtout des obligations négatives : ne pas nuire au seigneur, à ses biens, ni à ses intérêts. La fonction primordiale du lien vassalique n’est pas d’obtenir des prestations du vassal, c’est une garantie de paix et de sécurité. Si le seigneur veut obtenir un service de son vassal, il faut au début du 11ème siècle qu’il lui concède un fief. Sous les carolingiens, le fief était la récompense du dévouement, la conséquence de l’engagement ; à l’époque féodale, le fief devient la cause de l’engagement.
· Le fief : la prédominance de l’élément réel.
* La concession du fief : c’est un bien concédé à charge de service militaire par le seigneur à son vassal. Le plus souvent, c’est une terre concédée éventuellement avec les droits de puissance publique qui y sont rattachés (fin 11ème – début 12ème siècle = fief-rente). Le fief est concédé à l’issue de l’investiture = un acte solennel et très formaliste. A partir du 12ème, avec le progrès de l’écriture, on dresse un inventaire de ce que le fief contient en biens, en droit et en homme = un aveu et dénombrement.
* Les obligations : – l’aide : militaire = services d’ost (participation aux campagnes militaires du seigneur) et de chevauchée (accompagner le seigneur). Au 12ème, le service d’ost est limité à 40 jours par an et est proportionnel à la taille du fief.
financière apparaît au 12ème et est fixée par la coutume à 4 cas : le seigneur se fait prisonnier, part en croisade, adoube son fils chevalier ou marie sa fille.
– le conseil : il siège à la cour féodale = il donne son avis sur toutes les questions posées par le seigneur et est juge en matière féodale : compétence pour tout ce qui touche au fief, à la qualité de vassal, aux obligations mutuelles et à leur manquement = le seigneur peut confisquer le fief à titre provisoire ou définitif : commise du fief ; à partir du 12ème, le vassal peut s’adresser au seigneur de son seigneur pour demander la rupture du lien avec le seigneur, et la reconstitution du lien avec le suzerain.
La diffusion du lien féodovassalique.
· La prolifération du lien vassalique.
Le cadre privilégié de ce lien est la seigneurie banale. La puissance du seigneur lui a attiré des dévouements, le plus souvent intéressés. Ce sont surtout des alleutiers assez riches pour passer leurs temps à l’entraînement militaire. Le seigneur s’entoure ainsi de combattants dont l’aide est indispensable. Au 11ème, ils prennent le nom de chevalier.
Au 11ème, les comtes, princes, … comprennent l’intérêt d’un tel lien pour renouer contact avec des seigneurs qui se sont émancipés à un moment = fin 11ème, les aristocraties locales sont à nouveau passées sous le contrôle des princes et des comtes. Le retour à l’ordre n’a pas lieu pour autant, car il n’est pas rare qu’un vassal ai plusieurs seigneurs. Les juristes de l’époque ont essayé de mettre de l’ordre en hiérarchisant les engagements multiples. L’hommage lige implique un service prioritaire à celui qui l’a reçu ; l’hommage plain n’entraîne que des effets plus limités. Les vassaux vont alors multiplier les hommages liges. Toutes les tentatives pour lier la priorité du service à l’ancienneté de l’engagement ou l’importance du fief seront vaines.
· La patrimonialisation du fief.
Elle signifie que le fief est un bien que l’on peut transmettre et aliéner. Ces principes se sont imposés avec le temps.
* L’hérédité : depuis la tenue des plaids de Coulaines et de QSO, tendance nette à l’hérédité des bénéfices et des fonctions. Le morcellement territorial de la fin du règne de Charles le Chauve est propice à l’instauration de cette hérédité dans la succession des principautés, comtés et seigneuries. Pour les fiefs, il faut attendre la fin du 11ème : au début, le fils doit prêter hommage et fidélité, et une nouvelle cérémonie d’investiture est nécessaire (pas hérédité de plein droit), puis l’hérédité devient automatique, mais le seigneur fait payer son consentement à l’hérédité = le droit de relief. Quand il y a plusieurs fils, mise en place du lignage = seule une lignée d’homme peut succéder, et droit d’aînesse. Les puissants ont donc évité la prolifération de la descendance : on autorise 1 ou 2 fils à se marier, et on marie les filles avec une dot pour leur enlever le droit sur l’héritage foncier. Si l’héritier est trop jeune : soit on met en place la garde seigneuriale (le seigneur a la garde du mineur et du fief qu’il administre jusqu’à la majorité de l’héritier), soit on applique la garde familiale (idem, mais avec le plus proche parent du mineur, qui prête l’hommage et perçoit les revenus du fief). Si l’héritier est une femme : au début, exclusion pure et simple de la succession, puis elle y est admise à partir des croisades (1095), mais c’est son mari qui assure les fonctions militaires : il doit donc prêter serment au seigneur. Si elle n’est pas mariée, le seigneur lui présente 3 candidats dans lesquels elle doit choisir sous peine de confiscation du fief.
* L’aliénabilité : elle est devenue courante au 12ème car les seigneurs ont perdu la faculté de réévaluer les redevances prélevées sur les paysans. Certains seigneurs ont des difficultés financières : ils doivent vendre tout ou partie du fief = abrègement du fief. La procédure de devest est celle par laquelle l’ancien vassal rend le fief, puis le nouvel acquéreur est investi. Au 13ème, les contraintes économiques plus fortes font que l’on se contente de demander le consentement du seigneur qui ne conserve que 2 droits : il perçoit une taxe (= le droit de quint » 1/5 du prix de vente) et le retrait féodal (= le droit pour le seigneur de se substituer à l’acquéreur en payant au vassal désireux de vendre le prix de la vente).
Les fiefs sont achetés par les roturiers au 12 et 13ème : ils espèrent devenir nobles = certaines coutumes l’admettent à la 3ème génération, d’autres y sont opposées. Cette diffusion de la noblesse hors des guerriers permet l’apparition d’une définition précise de la noblesse.
· La définition de la noblesse.
Cette notion fascine les historiens mais surtout les divise : on considère que c’est un état de fait, le noble étant celui qui est considéré comme tel. Au début, le noble est celui qui a la richesse, le pouvoir et la valeur guerrière. Puis ajout de l’oisiveté et de la prodigalité (= gaspille l’argent). Ces éléments de fait font de la noblesse un corps au contour flou.
Jusqu’au 12ème, accord sur un point = la noblesse n’est pas nécessairement héréditaire. Puis changement avec la vente des fiefs à des roturiers : la noblesse tend à se fermer et à exclure les nouveaux venus par le concept juridique de l’hérédité = est noble celui dont le père était noble. L’hérédité est devenue la seule voie d’accès à la noblesse.
La condition de noble est très recherchée car elle confère des privilèges : un traitement juridique dérogatoire au droit commun, le droit de porter l’arme, de déclencher des guerres privées, et différentes prérogatives en droit privé : droit d’aînesse, majorité plus précoce, juridiction composée de pairs, …
Les clercs.
Hiérarchie de la société médiévale (= société chrétienne) : en haut, ceux qui prient et servent l’église. Les clercs forment une société à part entière qui a ses règles (le droit canonique), son organisation interne et son chef (le pape). Le terme clerc recouvre de nombreuses conditions : ceux qui servent l’église et tout individu qui bénéficie du statut clérical même s’il n’exerce pas de fonctions religieuses au sens précis du terme. La qualité de clerc s’obtient par le fait d’être tonsuré : le candidat doit être un homme libre, né d’une union légitime.
Les clercs séculiers sont répartis en deux catégories : ceux qui ont reçu les ordres mineurs (ils peuvent continuer à vivre comme des laïcs : mariage, mais pas remariage, ni activités commerciales, et se consacrent à des taches annexes au culte religieux) et ceux qui ont reçu les ordres majeurs (ils exercent des taches religieuses : diacres, prêtres, évêques, … et sont astreints au célibat).
Le clergé régulier est composé d’hommes et de femmes : les moines et moniales en ont longtemps été exclu, puis y ont été acceptés. Ils sont soumis au droit canonique et ont des tribunaux spécifiques = les tribunaux de l’officialité (les juridictions épiscopales).
La mise en place de la féodalité a remis en question la place de l’église dans la société : elle a été impliquée dans la société féodale et a été corrompue.
· L’église aux mains des laïcs.
Au 10ème, certaines abbayes ont profité de la dislocation de l’autorité publique pour constituer de véritables seigneuries. Les dignitaires de l’église sont entrés dans le jeu des relations féodovassalique. Les princes et seigneurs laïcs tentent d’imposer leurs candidats quand des sièges ecclésiastiques importants deviennent vacants. Mais souvent, ces candidats appartiennent à la clientèle ou à la famille des princes : ils ne respectent pas les règles religieuses et piochent dans le patrimoine des églises et abbayes pour les distribuer à leurs fidèles en multipliant les vassaux. Les nouveaux titulaires sont investis suivant le rite vassalique de l’hommage et de la fidélité par le seigneur et non pas l’archevêque. La situation est la même dans les paroisses car les petits seigneurs imitent les grands : on choisit les curés, crée des églises privées dont le seigneur nomme les desservants à la place de l’évêque, sans se soucier des compétences. Le clergé paroissial devient ignare, sans moralité, et ses revenus sont accaparés par le seigneur : il doit vendre les actes de son monastère pour vivre = la simonie se répand à tous les échelons de la hiérarchie. Le Nicolaïsme (mariage ou concubinage des prêtres) se répand aussi. Le clergé régulier a beaucoup mieux résisté : il a été désorganisé au 9 et 10ème par les invasions, mais il s’est très vite reconstitué et le monachisme a connu un très bel essor de la fin du 10ème au 13ème.
· La réforme grégorienne.
La papauté a mis en place une réforme très vaste qu’elle a voulu imposer à toutes les églises chrétiennes occidentales. Elle s’est échelonnée de 1040 à 1130, mais c’est avec Grégoire 7 (1073 – 1085) qu’elle a connu ses moments forts.
* Les étapes de la réforme : le pape Léon 9 réunit en 1049 tous les textes qui affirment la primauté de Rome sur toutes les églises dans une collection canonique : la collection des 74 titres. Elle permet au pape d’affirmer que le lieu d’élection de l’église choisi par Dieu est Rome : rupture en 1054 d’avec l’église chrétienne d’orient.
La procédure d’élection du pape est réformée en 1059 : la tradition carolingienne fait que les pouvoirs séculiers devaient confirmer cette élection (élection par clergé, acclamation par le peuple, confirmation par empereur). Le pape étant l’évêque de Rome, la confirmation de son élection par l’empereur est nécessaire = celui qui utilisait le titre ou les grands d’Italie = la papauté est entre les mains de laïcs. En 1059, alors que l’empereur de Germanie Henri 4 est mineur, le pape Nicolas 2 réforme l’élection et crée un collège de cardinaux : ils désignent un candidat qui est ensuite acclamé par le peuple. L’empereur ne conserve plus qu’un rôle honorifique.
La querelle des investitures : le canon de Latran (1059) interdit aux prêtres et clercs de recevoir une église des mains d’un laïc. En 1073, Grégoire 7, beaucoup plus exigeant réaffirme les interdictions énoncées avant lui, et affirme qu’il veut revenir à la procédure canonique classique. Il prévoit par ailleurs des sanctions : si un évêque ou un abbé reçoit sa dignité d’un laïc, l’archevêque devra refuser de consacrer l’évêque qui n’aurait pas respecté l’interdiction. La fermeté du pape va à l’encontre des pratiques répandues dans l’empire germanique : l’empereur a l’habitude de nommer directement les évêques, ce qu’il continue à faire. Le pape fait alors rédiger un texte de 27 propositions : le dictatus papae, dans lequel il affirme avec force l’autorité universelle de la papauté, et revendique au nom de la primauté du pouvoir spirituel sur le pouvoir temporel, la suprématie du sacerdoce sur les princes et l’empereur. Le pape peut donc déposer les princes et l’empereur car il entend contrôler l’usage que les princes font de leurs pouvoirs. Il peut aussi délier les sujets de leurs serments de fidélité vis-à-vis du roi, car seul le pouvoir spirituel est habilité à diriger le monde = la théocratie pontificale. C’est une rupture complète avec la théorie de Gelase, qui reconnaît la supériorité de l’auctoritas pontificale sur la potestas royale. Grégoire 7 a gardé l’idée de la supériorité pontificale mais il refuse toute légitimité propre aux pouvoirs temporels. En 1075, la thèse défendue par le pape énerve l’empereur : il réunit un concile d’évêques et lui fait voter la déposition du pape, qui réagit en excommuniant l’empereur et en le déposant. Henri 4 doit alors se rendre à Canossa en 1077 pour y faire amende honorable au pape. Grégoire 7 lève l’excommunication, mais Henri 4 reprend le combat contre lui et le chasse de Rome en 1081. Les papes suivants ont été plus modérés et ont cherché des solutions de compromis : la théorie de la dépendance directe des rois = la papauté prétend avoir le pouvoir de contrôler l’action des puissances temporelles en raison des péchés que les rois et empereurs peuvent commettre dans leurs fonctions.
Solution de compromis en 1022, avec le Concordat de Worms passé entre l’empereur Henri 5 et le Pape Calixte 5 : il s’applique à toute l’église chrétienne occidentale et prévoit une distinction entre les fonctions spirituelles de l’évêque, qui relèvent de l’élection canonique (l’évêque est consacré par l’archevêque, qui lui remet la crosse et l’anneau) et les fonctions temporelles, qui relèvent d’une concession féodale. Le niveau de l’épiscopat s’améliore mais le problème des prêtres n’est pas résolu.
* Les relais de la réforme grégorienne en France : le clergé régulier rassemble tout ceux qui ont renoncé au siècle pour Dieu. Ils observent la prescription d’une règle et sont dirigés par un abbé ou un prieur.
En occident, succès considérable de la règle bénédictine fondée par Saint Benoît de Nursie (480-547) et reprise par Saint Benoît d’Aniane au 9ème. Au 10ème, il s’agit de la règle par excellence et tous les ordres la revendiqueront jusqu’au 13ème. Sa renaissance est liée à l’Abbaye de Cluny fondée en 909-910 qui applique cette règle : pauvreté, humilité, piété, et vie partagée entre travail manuel et travail intellectuel. Succès considérable et très vite elle a organisé un réseau de maisons filiales dont elle prend la tête. A la fin du 11ème, le réseau bénédictin de Cluny compte plus de 1400 monastères dans toute l’Europe occidentale. Son succès tient aussi au fait qu’elle s’est mise hors de portée des influences laïques par le système de l’exemption : un privilège qui permet à une abbaye ou à un ordre religieux de ne relever que de la papauté et pas de la juridiction de l’évêque. Déclin de Cluny au 11ème, et au 12ème, l’ordre des Cisterciens prend le relais : volonté de retour à une tradition bénédictine dévoyée par les Clunysiens. Dès la seconde moitié du 12ème, sous l’influence de Bernard de Clairvaux, partisan d’un retour à la pure tradition bénédictine (vie austère, dépouillée, avec uniquement du travail manuel), 500 maisons sont affiliées à Citeaux et à la fin du 13ème, 700 maisons. Au 11ème, des ordres militaires apparaissent en Terre Sainte, dont les Templiers : leur vocation est d’escorter et défendre les pèlerins sur la route qui les mène au tombeau du Christ. Les monastères ressemblent à des casernes et les moines sont de vrais soldats. Or l’idéal chrétien est opposé au combat. Tous ces ordres ont un point commun : la richesse, car les abbés sont de bons gestionnaires et les ordres reçoivent beaucoup de legs, donations, … des laïcs. Au 13ème, des ordres mendiants (franciscains, dominicains, augustins, carmes,…) parcourent les routes, prêchent et évangélisent les populations avec lesquelles ils vivent en contact direct. Ils ont permis l’achèvement de la christianisation en occident.
Les efforts de l’église se sont portés sur les excès de la période féodale : elle a tenté de les limiter, mais elle a engendré un courant pacificateur venu du milieu monastique = la paix et la trêve de Dieu.
· L’église et la régulation des excès féodaux.
Sans un minimum de sécurité juridique, la paix chrétienne ne pourra pas être instaurée. L’église va tenter de réguler cette société féodale, pour limiter la portée des conflits, déclenchés par le droit de guerre privée (un des attributs de la noblesse)
* La paix de Dieu : vers la fin du 10ème, des moines réformateurs répandent un mouvement qui vise à interdire sous peine de châtiment ecclésiastique de s’attaquer aux clercs, de forcer la porte des églises, et d’arrêter ou rançonner les paysans et voyageurs. Tous les guerriers prêtent donc serment sur des reliques et jurent qu’ils vont respecter ces interdictions. But : limiter les abus dus à la guerre.
* La trêve de Dieu : vers 1020-1030, l’idée apparaît puis se généralise dans les années 1040. Le but est d’interdire le combat et la violence pendant certaines périodes = la guerre privée est interdite le dimanche, puis extension au jeudi, au vendredi et pendant les principaux temps liturgiques (Noël, Pâques, Pentecôte). Il reste environ 100 jours par an à la noblesse pour combattre.
* La moralisation de la noblesse et de ses combats : l’église s’est immiscée dans la cérémonie de l’adoubement. Cette cérémonie d’origine militaire (le jeune reçoit de son parrain un coup sur la nuque ou la joue, et se fait remettre l’épée) se transforme en un rituel religieux = purifications, prières, bénédiction de l’arme, serment (le chevalier doit vivre selon la loi de l’église et l’honneur de la chevalerie = protéger les faibles, défendre la veuve et l’orphelin, aider son prochain, ne pas trahir, ne pas tuer qui n’est pas en situation de défense). La capacité à la violence a été exploitée au service de Dieu : les croisades (première en 1095, prêchée par Urbain 2 ; 8 jusqu’à la fin du 13ème).